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01 / 02 / 2018 | 27 vues
Serge Daneshmand / Membre
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Quelle réponse opérationnelle à l’urgence de la détresse mentale ?

En 2016, la section CFTC de Hewlett Packard Enterprise (HPE) a initié le mouvement des délégués sociaux en entreprises. De fait, 150 militants de plusieurs sociétés (Orange, Thales, CEA, DXC Technology, Microsoft, HP…) ont été formés à la méthode du réseau des 3 000 délégués sociaux de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), forte de 34 ans d’expérience en matière d’écoute et d’entraide en entreprise dans 1 100 milieux de travail.

Crédit Olivier Crenon

Le 16 novembre, devant 300 participants, les 20 intervenants français et canadiens qui se sont succédés au premier colloque consacré à l’entraide au sein des entreprises ont permis de refléter 3 axes forts.

  • C’est avant toute chose une démarche portée par des gens. Mais quels sont les ressorts de cet engagement militant qui ne s’improvise pas ?
  • Cette démarche fondée sur la proximité questionne la place des directions et des organisations syndicales. Au-delà des étiquettes (syndicales ou autres), il y a matière à mettre en commun les ressources susceptibles d’aider les salariés en souffrance.
  • Les interventions des experts externes sont d’autant plus efficaces qu’elles s’articulent avec un réseau d’écoute et d’entraide interne.

Une démarche portée par des salariés engagés et formés

Les directions sont à l’écoute du pouls social, principalement via des enquêtes périodiques visant à mesurer le bien-être ou encore l’engagement. Quand 85 % des répondants se déclarent bien au travail, on se doute que les autres passent sous le radar. D’autant que ceux qui souffrent le plus ne prennent même plus la peine de répondre.

« En 2006, je n’ai pas vu venir le suicide d’un collègue représentant du personnel. Depuis lors, je m’efforce de faire en sorte que l’on puisse se donner toutes les chances d’éviter un tel drame. J’étais un délégué social sans le savoir, avant de découvrir l’existence de ce réseau au Québec en 2015 », témoigne Jean-Paul Vouiller, délégué syndical national d’HPE et initiateur du réseau des délégués sociaux d’entreprise en France dans le cadre d’un partenariat noué avec la FTQ qui a introduit la démarche il y a 34 ans. « Je me suis impliquée en 1985 en tant que déléguée sociale chez Bell Canada. Je voulais améliorer et changer les façons de faire patronales. Si une collègue de travail vivait une situation personnelle difficile ou bien des problématiques liées au travail, c’est trop souvent de façon punitive ou disciplinaire que l’entreprise intervenait. Au regard des liens créés par la proximité entre des employés qui passent plus de 50 % de leur temps au travail, qui de mieux placé pour aider son prochain ? Nous connaissons le milieu et l’environnement du travail, nous sommes à même de voir la souffrance et le niveau de stress auquel ils sont confrontés jour après jour », témoigne Louise Grenier, coordinatrice du réseau des délégués sociaux du Grand Montréal. La situation est inquiétante. « Les collectifs de travail vont de plus en plus mal. Il y a une absence de prévention, notamment sur la santé mentale », rebondit Marc Thomas, l’autre coordinateur du Grand Montréal.
      
Henry Chaignot, délégué CFTC depuis près de 15 ans et l’un des deux initiateurs d’un groupe de travail mixte sur la prévention des risques psychosociaux dans la filiale d’un grand groupe industriel français, témoigne : « Dès mes premiers mandats, j’ai été sensibilisé aux problèmes de souffrance au travail de proches collègues. Je ne pouvais rester passif et j’ai cherché comment les aider, d’abord dans mon environnement professionnel immédiat ». C’est auprès de la médecine du travail interne qu’il a trouvé appui pour lancer ce groupe de travail qui existe depuis maintenant dix ans avec tant des représentants du personnel que de la direction. Les situations de salariés qui donnent leur accord sont exposées dans le cadre de ce groupe. « Je notais une augmentation des consultations spontanés de salariés. Participer à ce groupe de travail me permet de mieux replacer les situations dans leur contexte. Nous avons tous des attentes différentes dans ce groupe mais les relations de confiance qui se sont nouées créent les conditions pour que les salariés s’expriment quand ça ne va pas », souligne Catherine Andrieu, médecin du travail avec un parcours hospitalier médical et psychiatrique, qui appréhende les conséquences sur les salariés de décisions économiques telles que les délocalisations.

Seuls 25 % des délégués sociaux de la FTQ sont initialement formés en santé et en sécurité au travail. Il y une grande diversité des parcours. « Beaucoup ont éprouvé des diffcultés qu’ils ont surpassées. Ils ne l’ont pas fait seuls. C’est pour eux un retour d’ascenseur. Un tiers a vécu l’alcoolisme ou la toxicomanie », éclaire Mélanie Dufour-Poirier, enseignante-chercheuse à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, qui s’intéresse de près aux délégués sociaux comme potentiel levier de refondation syndicale. Un travail de recherche mené avec Catherine Le Capitaine, elle aussi enseignante-chercheuse à l’Université de Laval. Toutes les deux ont organisé 51 groupes de discussions avec les délégués et mené 37 entretiens individuels. « Si j’avais été écoutée dans mon milieu de travail, je n’aurais pas voulu en finir avec la souffrance que je ressentais », partage Aude Selly, qui s’est reconstruite après un épuisement professionnel alors qu’elle était DRH. Aujourd’hui consultante en prévention des risques psychosociaux, elle a écrit Quand le travail vous tue - Histoire d’un burn-out et de guérison en 2013. Son ouvrage a été adapté au théâtre en 2015 sous le titre Le Voyage de Nelly au pays du burn-out. A suivi un second volet avec Burn-out et après ?, traitant de sa reconstruction post-épuisement professionnel avec le témoignage d’autres victimes de tous âges et professions.

  • Se former et travailler en réseau

« Vous croisez un collègue qui pleure dans le couloir, que faites-vous ? » « Un délégué social ne peut pas être isolé. L’approche conditionne de travailler en réseau car personne n’a toutes les réponses. C’est désormais mon rôle que de coordonner le réseau », explique Louise Grenier. Les deux coordinateurs des délégués sociaux du Grand Montréal s’appuient sur 82 responsables de réseau chapeautant les 1 800 délégués sociaux dans 145 sections locales. Ces délégués sont présents dans près de 550 entreprises. « Le salarié se sort par lui-même de sa situation à 90 %. Nous ne sommes là que pour créer le déclic pour qu’il puisse recevoir de l’assistance des bonnes personnes. La solution est collective. Elle passe par le partage des ressources et de l’expérience », souligne Marc Thomas. Si les délégués sociaux ne sont pas des experts de l’accompagnement, il n’empêche qu’ils se forment. Au Québec, le programme se déroule sur 3 jours et en France sur 2 jours dans l’adaptation française réalisée conjointement avec la CFTC d’HPE, avec des modules complémentaires. « Il y a beaucoup de mises en situation comme celle-ci : vous croisez un collègue qui pleure dans le couloir, que faites-vous ? », illustre Jean-Paul Vouiller qui appelle à la création d’un brevet de secourisme en santé mentale. Face à l’urgence de certaines situations où les salariés cumulent les sources de fragilité, le plus difficile est d’apprendre à prioriser. Le respect, l’authenticité et la responsabilité sont des attitudes clefs développées pendant une formation qui accorde une importance centrale à la nécessité d’alimenter le « cahier des ressources », un bien commun qui se partage. Un travail au service de la prévention alors que le coût des dégâts liées à la santé mentale atteint déjà des sommets.

Être capable de conjuguer l’individuel et le collectif : une nouvelle approche du syndicalisme

Crédit Olivier Crenon

Selon Marc Thomas, « notre modèle syndical est en crise. Il a perdu le lien avec le terrain en mettant la priorité sur les négociations des conventions collectives dans lesquelles les marges de manœuvre sont désormais très limitées, notamment au niveau salarial et ce, au détriment de l’action de proximité. Les salariés sont bien conscients que le rapport de force ne se joue plus à ce niveau. Il n’est qu’à voir notre très faible capacité à mobiliser nos membres dans les rues pour faire pression. Avec les délégués sociaux, nous assurons un lien social de proximité dans des entreprises dont les collectifs sont en quête de sens. Le développement du réseau est désormais considéré comme un avantage concurrentiel pour s’implanter dans de nouvelles entreprises ». Le travail de recherche mené par Mélanie Dufour-Poirier et Catherine Le Capitaine pose parfaitement les enjeux qui se dessinent autour de la reconnaissance des actions des délégués sociaux. « Devenir délégué social, c’est une façon d’appréhender le syndicalisme différemment. De façon plus positive. C’est une pépinière de délégués syndicaux qui ne se seraient pas engagés si l’accompagnement de proximité n’avait pas été proposé. Beaucoup préfèrent ne pas cumuler les rôles de délégués syndicaux et de délégués sociaux », explique Catherine Le Capitaine. Pour ne pas être amené à cumuler les rôles, encore faut-il que l’employeur accepte de reconnaître celui de délégué social en lui accordant du temps pour jouer son rôle de sentinelle.

L’action des représentants de proximité pourrait trouver matière à être valorisée en France dans le cadre du comité social et économique (CSE), la nouvelle instance qui sera la norme en France à partir de 2020. « Il va y avoir moins d’élus dans le cadre de cette instance plus centralisée. D’où l’importance de négocier un véritable rôle pour les représentants de proximité », avance Jean-Paul Vouiller. Pas question de circonscrire l’action des délégués sociaux à une stricte approche individuelle. Ainsi, les délégués sociaux ne sont pas favorables à la solution de facilité qui consiste pour une direction à changer de service un salarié en difficulté dans ses relations au travail. « C’est alors la double sanction. Il faut obtenir les conditions d’une bonne réintégration du salarié dans son service d’origine. Cela sous-entend d’accorder une importance toute particulière au suivi des arrêts de travail. Nous avons les moyens d’agir pour assainir le milieu de travail par une approche collective », souligne Louise Grenier. Agir sur le milieu de travail, voilà le rôle des délégués syndicaux alors que les démarches de prévention trop orientées sur la promotion du bien-être et sur la responsabilité individuelle des salariés fleurissent à l’initiative des directions.

  • Une entraide qui s’affranchit des frontières

Chez Casino, France Télévision, Accor, Airbus ou à la Macif, on trouve des réseaux d’entraides qui s’appellent « les bienveilleurs », « les primo-aidants », « les référents santé au travail », « les capteurs de stress »... Certains sont à mettre à l’initiative des directions, des syndicats ou de simples salariés. D’où l’idée de lancer l’Association nationale des réseaux d’entraide en entreprise (ANREE) à l’occasion de ce premier colloque.

« Nous avons constaté l’absence de synergies et de communication entre les réseaux existants. »  « Nous avons constaté l’absence de synergies et de communication entre les réseaux existants. Nous proposons de généraliser ce type de démarches, au niveau national, en mettant en place une plate-forme permettant à nos adhérents de partager leurs pratiques et leurs ressources (guider de ressources) et aussi d’en faire un laboratoire de recherche et d’amélioration. Nous proposons ainsi de faire profiter de notre expérience les réseaux existants et tous ceux qui souhaitent créer un réseau d’entraide en entreprise au travers de services et conseils proposés par les partenaires de l’association », explique Philippe Boutrel, délégué social chez DXC Technology et président de l’ANREE qui ne proposera en revanche pas de formation en propre. Il appartient à chaque réseau de mettre en place la démarche de formation qui lui correspond le mieux en la faisant évoluer en puisant dans les ressources partagées au sein de l’association. « La souffrance au travail n’a pas de frontière », estime Marc Thomas qui évoque les contacts avec l’Association bruxelloise pour le bien-être au travail (ABBET).

Quelle place pour les intervenants externes ? 

Les « guides de ressources » alimentés par les délégués sociaux répertorient de façon structurée les acteurs externes en capacité de répondre à la diversité des situations selon la nature des besoins.
  • Pour agir sur l’organisation du travail

Les actions des délégués sociaux ne font pas que s’articuler avec celles des syndicalistes qui vont s’employer à s’en nourrir pour peser sur l’organisation du travail. Leurs actions optimisent aussi celles des intervenants externes dont les apports sont très diversifiés. Il y a les spécialistes de l’amélioration des conditions de travail.

« Une direction est persuadée que les projets qu’elle lance tiennent la route. Or, un projet sur trois est bancal ou mal pensé. »« Une direction est persuadée que les projets qu’elle lance tiennent la route. Or, un projet sur trois est bancal ou mal pensé. Alors que la capacité du CSE à s’engager sur la prévention sera moindre, le rôle des bienveillant sociaux devient d’autant plus important », insiste Jean-Claude Delgenes, président du cabinet Technologia, spécialisé dans la prévention et l’amélioration des conditions de travail, précisant que déjà 30 % des salariés sont isolés au travail. De quoi s’interroger sur la réalité du « ciment relationnel » qui subsiste dans les organisations du travail. Reconnaître la place de l’accompagnement de proximité, c’est préserver son capital humain. « Les DRH doivent comprendre qu’ils ont un intérêt à faciliter l’émergence des réseaux de bienveillants sociaux. J’ai le souvenir d’une cadre très performante qui a subitement perdu pied au travail. Pourquoi ? Elle venait de découvrir que son  fils se droguait et elle se trouvait sans solution », rapporte Jean-Claude Delgenes qui est intervenu dans plus de 100 cas de crises suicidaires en lien avec le travail et lance à l’occasion de ce colloque une formation « bienveillants sociaux ». Les initiateurs de l’application mobile OurCompagny affichent l’ambition de permettre à chaque salarié de s’exprimer anonymement sur la façon dont il se sent dans l’entreprise. Une fonction SOS est même en place et a déjà activé une dizaine de fois. « Cette transparence instantanée de l’avis salarié intervient comme levier direct et émancipateur de transformation des organisations, par la contrainte positive qu’il suscite et le partage du pouvoir d’agir qu’il permet. Nous proposons en outre des espaces où les salariés ont la possibilité d’échanger des bonnes pratiques », précise Élodie Brisset, cofondatrice de cette start-up.

  • Pour un soutien psychologique

« Il y a une souffrance ordinaire au travail qui ne dit pas son nom car il très difficile de reconnaître ses fragilités face au diktat des performances. De plus, beaucoup de gens ne savent pas mettre les bons mots sur leur souffrance et ne savent pas à qui, ni comment adresser leur détresse, tant du côté de la sphère professionnelle que de la sphère privée. L’action des délégués sociaux ne peux donc que contribuer à libérer les paroles qui pourront être entendues par les spécialistes que nous sommes », souligne Patrick Charrier, directeur scientifique du cabinet Psya, spécialisé dans les cellules d’aide aux salariés. L’aide étant principalement apportée par des psychologues mais aussi par des assistantes sociales. Selon Patrick Charrier, « le développement d’une aide de proximité efficace (lilisible, accessible, disponible et adaptée) constitue un enjeu majeur de la prévention dans un cadre de politique de santé publique car il faut prendre garde à une banalisation de la souffrance ». D’autant que le travail est de moins en moins en capacité de contribuer à la sécurité psychique.

Les actions de prévention dans le champ des troubles psychologiques sont un terrain parfois difficile. « Des salariés ne vont pas vouloir participer à un module de gestion du stress par crainte d’être catalogués comme ne sachant pas y faire. La capacité de l’employeur à communiquer en amont pour lever la peur d’une stigmatisation est essentiel », prévient Sabrina Boulanger, chargée de la prévention et de la promotion de la santé auprès des entreprises clientes d’Harmonie Mutuelle. Un pôle de prévention, au sein duquel travaillent 42 salariés et avec un réseau de 400 intervenants (kinésithérapeutes, ergonomes, psychologues...) intervient à la demande des entreprises pour organiser des actions de prévention qui privilégient des approches collectives. C’est le Réseau Assistance Mutuelle (RMA) qui soutient les adhérents, à titre individuel cette fois, dans les moments difficiles de la vie. Harmonie Mutuelle compte par ailleurs parmi les principaux partenaires de l’APESA une association qui apporte un soutien psychologique aux chefs d’entreprises qui se retrouvent dans les tribunaux de commerce dans le cadre notamment des liquidations judiciaires. Une initiative de Marc Binnié, greffier au tribunal de commerce de Saintes, en Charente-Maritime. « Les salariés des greffes des tribunaux de commerce sont les meilleures sentinelles pour proposer l’accompagnement de l’APESA aux gens qui cumulent souvent déprime et divorce. Ce service est gratuit et n’est en aucun cas réservé à nos adhérents », souligne Patrick Mirot, en charge des relations avec les partenaires au sein de la nouvelle UMG VYV (Harmonie Mutuelle et MGEN).

  • Pour prendre soin de soi et se ressourcer

La population des salariés aidants familiaux (s’occupant de parents âgés notamment) va augmenter dans les entreprises. Déjà, 19 % des actifs aident un proche fragilisé. Ces personnes sont confrontées à des questions difficiles qui chamboulent leur activité professionnelle. Comment mettre en place un suivi scolaire pour un enfant dyslexique ? Comme trouver une garde de nuit pour des parents âgés ? Comment rédiger le projet de vie demandé par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour leur conjoint atteint d’une sclérose en plaques ? C’est là qu’intervient Responsage qui compte 38 entreprises clientes et a déjà traité les dossiers de 3 200 salariés aidant un proche fragilisé par la maladie, le handicap ou le grand âge. La paperasse et les interactions avec les organismes divers et variés leur prends un temps fou. « Cela contribue à diminuer le stress des gens que nous accompagnons de façon individualisée. Tant que le dossier n’est pas traité, chaque salarié conserve le même conseiller à chacun de ses échanges », explique Solenne Kerner, conseillère sociale chez Responsage et qui partage sa joie d’avoir déjà reçu des fleurs adressées par des salariés aidants reconnaissants. Après un entretien téléphonique avec un travailleur social, le salarié reçoit une réponse écrite et personnalisée, sous trois jours ouvrés. Mais là encore, le rôle des délégués sociaux d’entreprise est clef. « Le sujet du salarié aidant est tabou dans les entreprises. Les salariés qui contactent Responsage n’ont pas, dans 90 % des cas, parlé de leur situation à leurs interlocuteurs « naturels » : manager, RH, assistante sociale et médecin du travail. Ils craignent d’être identifiés comme moins impliqués dans leur mission et donc d’être mis sur la touche », souligne Marie-Suzel Inzé, fondatrice de Responsage et qui s’emploie à se coordonner avec les gens ou structures proches des salariés : CE, CHSCT, référents en santé/sécurité au travail et, bien sûr, assistantes sociales et médecin du travail.

Ces salariés aidants doivent aussi penser à eux. C’est le sens de l’action de l’association Vers l’Essentiel qui propose des ateliers de ressources aux aidants. « Accepter ses limites, c’est se respecter. Il ne faut pas s’oublier pour bien aider les autres », raconte Josiane Gonard, qui se présente comme accompagnatrice en relation d’aide avec Muriel Bricaud laquelle apporte des précisions sur les ateliers proposés dans lesquels les participants vivent une succession d’expériences guidées : « Nous mettons l’éclairage sur « l’être » plutôt que « le faire » en transmettant des « clefs-ressources » destinées à enrichir la qualité de relation, de soi à soi, puis de soi à l’autre ».

  • Pour une alternative au contentieux
La souffrance au travail s’explique souvent par une mauvaise organisation du travail et se traduit par des relations interpersonnelles conflictuelles. Face à ces situations, la médiation paraît être une solution pour éviter d’en arriver à un contentieux au tribunal après une phase d’évitement par l’absentéisme.
 
« J’ai pu percevoir l’insatisfaction et le désarroi de certains justiciables face aux décisions judiciaires qui arrivent parfois bien tardivement après les faits et qui sont rarement totalement satisfaisantes même pour la partie qui gagne. » « On peut trouver des solutions que l’on n’aurait jamais pu imaginer mais personne ne peut obliger deux individus à dialoguer. En aidant les gens à rétablir le dialogue, sans leur proposer la moindre solution, en leur permettant de chercher à mieux se comprendre réciproquement dans un contexte conflictuel, sans jamais donner ni son point de vue ni ses conseils, le médiateur permet le plus souvent aux concernés de dépasser le conflit, de poursuivre leur relation, de travailler de nouveau dans de bonnes conditions ou de décider de quitter son emploi la tête haute », rapporte Françoise Maréchal-Thieullent, avocate chez Lawcean et médiatrice. Et celle-ci d’ajouter : « j’ai pu percevoir l’insatisfaction et le désarroi de certains justiciables face aux décisions judiciaires qui arrivent parfois bien tardivement après les faits et qui sont rarement totalement satisfaisantes même pour la partie qui « gagne » ». Reste que la médiation n’est pas un remède miracle. C’est une approche difficile qui requiert une intelligence émotionnelle dans un contexte conflictuel affectif parfois intense. L’impartialité dont doit faire preuve le médiateur ne s’improvise pas, elle s’apprend. Ancien cadre dirigeant, Georges Potriquet est devenu médiateur après une formation au CNAM. Selon lui, « il est facile de se déclarer neutre, c’est autrement plus difficile à faire partager. Dans ma pratique, je fais, si nécessaire, intervenir dans le tour de table les gens qui, sans être eux-mêmes directement impliqués dans le conflit, se trouvent en périphérie. Les acteurs situés à proximité d’un conflit peuvent en effet participer, selon les cas, à la montée du conflit (l’escalade), soit à la désescalade et à la co-construction de la solution recherchée en médiation ». Rien d’anormal à ce que les relations entre les salariés soient émaillées de désaccords et d’oppositions. Encore faut-il pouvoir en parler dans un cadre apaisé. L’essentiel, rappelle Françoise Maréchal-Thieullent, est que « l’on puisse encore compter sur l’autre malgré la dispute ».

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