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01 / 02 / 2016 | 4 vues
Laurent Degousée / Membre
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Leçons d'un licenciement

Les faits : une caissière d’un magasin Carrefour des Yvelines vient d’être licenciée pour faute grave. Sa faute ? Avoir oublié de scanner, parmi d’autres produits, un pack de bière à 5,02 € et deux sacs en plastique à 15 centimes l’unité. Le vigile, dont elle n’ignorait pas la présence, a repéré l’erreur et l’a immédiatement signalée au client, un habitué, qui s’est acquitté sur le champ de son achat. En l’absence de préjudice pour la société, les choses auraient pu en rester là mais c’était mal connaître les méthodes de la grande distribution.


« Seule la vérité peut affronter l’injustice. » - Albert CamusEn effet, la salariée, bien qu’ayant présenté ses excuses, s’est immédiatement vu notifiée une mise à pied à titre conservatoire juste avant Noël, assortie d’une convocation à un entretien préalable au licenciement pour faute grave, c'est-à-dire privatif d’indemnité de préavis et de rupture, prononcé quelques jours plus tard. Un licenciement d’autant plus rude qu'à l’injustice se mêle l’appréhension, pour cette femme de 37 ans handicapée à 80 % et victime d’une affection de longue durée, de pouvoir retrouver un travail.

Pire encore, cette dernière, embauchée en CDD à temps partiel pendant près de trois ans et qui avait récemment fait requalifier son contrat en CDI à temps plein faute de renouvellement dans les temps, se savait surveillée par sa direction qui a sauté sur l’occasion pour mettre en œuvre une mesure de rétorsion. N’en déplaise aux pleurnicheurs patronaux et à leurs affidés politiques, licencier un salarié est (malheureusement) simple et rapide, y compris en invoquant une broutille à l’appui de la sanction disciplinaire la plus forte pour celui qui n’a que sa force de travail pour subsister. Sauf que la caissière, bien décidée à ne pas en rester là et soutenue par la CGT de son magasin,a informé la presse locale de ses déboires et de sa volonté de saisir les prud’hommes.

Solidarité 2.0

Très vite, la télévision régionale a relaté son histoire qui a fait tache d’huile dans les médias nationaux puis sur les réseaux sociaux où les partages d’articles la concernant et les commentaires scandalisés adressés à la société se sont multipliés. Il n’en fallait pas plus pour que celle-ci se décide, à peine 48 heures après son éviction y compris officiellement par l’intermédiaire de son compte Twitter, à la réintégrer à son poste de travail, chose faite depuis ce vendredi.

La réintégration du salarié licencié, seule à même d’assurer la réparation intégrale du préjudice subi mais limitée à de rares cas dans notre droit actuel, a trouvé ici à s’exercer grâce à une mobilisation populaire et spontanée qui menaçait le capital immatériel constitué de l’image du groupe Carrefour. Vanessa (la salariée concernée) nous a donné là une leçon d’opiniâtreté des plus précieuses au moment où le gouvernement veut plafonner les indemnités prud’homales suite à un licenciement abusif et affaiblir davantage la vocation protectrice du code du travail. Qu'elle en soit remerciée.

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