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22 / 05 / 2015 | 12 vues
Patricia Mouysset / Membre
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La qualité de l’air intérieur : mieux vaut s’en préoccuper

La question de la qualité de l’air à l’intérieur des lieux de vie (habitation et lieu de travail) s'est posée face à l’émergence de plus en plus de problématique de pathologies de types allergiques, des atteintes des voies respiratoires et de toutes les muqueuses, depuis une vingtaine années et touchant les populations des pays industrialisés.

Suite à la hausse des prix des produits pétroliers, des campagnes de sensibilisation aux économies d’énergie ont vu le jour avec l’objectif de rechercher une meilleure isolation et étanchéité des bâtiments. En effet, cette recherche de maîtrise des coûts et d’économies énergétiques a conduit les constructeurs à créer des espaces de plus en plus clos et confinés. Ceci s’est assorti d’une maîtrise et d'une régulation mécanisées des paramètres climatiques intérieurs et des flux d’air. Concomitamment, un cortège de plaintes relatives à la qualité de l’environnement intérieur a émergé. Le premier cas ayant illustré et donné l’ampleur de cette problématique de la qualité de l’air intérieur a été illustrée par le rassemblement de la légion américaine à Philadelphie en 1976. Au cours de cet événement, environ 200 personnes ont présenté des symptômes de pneumonie et une trentaine en sont mortes. Après analyses, une bactérie a été retrouvée dans les bacs d’eau des installations de conditionnement d’air, appelée depuis légionella. La maladie provoquée a reçu le nom de « maladie des légionnaires ».

Syndrome des bâtiments malsains ou malades

Face à cet événement, des études épidémiologiques ont vu le jour et ont confirmé l’ampleur du phénomène. Des situations semblables à celles de Philadelphie ont été signalées. Les termes de « sick building syndrome » (SBS) et/ou de « building-related illness » (BRI) ont été donnés à ces problèmes sanitaires dont la causalité est en lien avec la qualité de l’air intérieur. En français, la terminologie adoptée est « syndrome des bâtiments malsains ou malades » et les manifestations en lien de « maladie liée aux bâtiments ».

Ce phénomène se caractérise par un ou plusieurs symptômes non spécifiques touchant la peau, les muqueuses, le système respiratoire et/ou le système nerveux central. Dans un même bâtiment, les gens peuvent présenter des symptômes évoquant des étiologies très différentes. Les manifestations apparaissent rapidement lors des séjours dans des bâtiments pour la plupart récents. Ces épisode d’atteintes s’estompent et disparaissent dès que les gens quittent ces locaux, le soir, le week-end et durant les congés.

Les plaintes enregistrées sont dans un premier temps : inconfort, manifestations qui ne présentent pas de menace pour la santé physiologique, du moins à court terme. Face à une présence régulière dans un tel environnement délétère, des asthmes, des pneumopathies peuvent s’installer chez certains sujets fragilisés et suivant la nature des polluants peuvent être plus graves et provoquer des cancers à long terme.

Aujourd’hui, ces phénomènes de pollution de l’air intérieur en France sont pris en considération et représentent un coût social non négligeable. En effet, il a été estimé à dix-neuf milliards d’euros annuellement par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation de l’environnement et du travail (ANSES) ainsi que par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). De plus, l’OMS estime que 30 % des bâtiments non industriels dans les pays industrialisés, pourraient être concernés par ce syndrome des bâtiments malsains. Les lieux de travail ne sont évidemment pas épargnés par ce phénomène. En effet d’après l’Association de recherche clinique en allergologie et asthmologie, 30 % des cas d’exposition à la pollution intérieure relèvent du lieu professionnel.

Au cours des expertises CHSCT pour le compte du cabinet Technologia, j’ai pu à plusieurs reprises, étudier la problématique de la qualité de l’air intérieur. Les facteurs sont multiples et par souci de clarté peuvent être classés en deux grandes catégories : les facteurs ambiants et les facteurs sociaux organisationnels.

On entend par les facteurs ambiants :

  • la pollution extérieure au bâtiment, les matériaux utilisés dans le bâtiment et pour l’ameublement,
  • les activités réalisées à l’intérieur des locaux,
  • l’installation de la régulation de la température couplée ou non avec les systèmes d’assainissement de l’air (ventilation/climatisation),
  • la pollution microbiologique,
  • la température, l’hygrométrie ambiante ou humidité de l’air, le rayonnement thermique, l’éclairage, le bruit, les ondes électromagnétiques etc.

On entend par facteurs sociaux et organisationnels :

le « stress » au travail, qui repose essentiellement sur des problèmes de management et d’organisation du travail provoquant entre autres de l’insatisfaction, de l’anxiété, la non-reconnaissance, des tensions au sein d’un collectif, phénomènes qui, en prenant de l’ampleur, « s’extériorisent » par la déclaration de pathologies. Néanmoins, sa dynamique est bien différente de celle des problèmes de qualité de l'air intérieur car plus irrationnelle, soudaine, violente avec des symptômes décrits comme de l’hyperventilation, nausée, syncope qui ne se rencontrent que peu dans les cas où la pollution des ambiances intérieures sont les éléments causaux.

Dans le monde du travail, aucun secteur d’activité n’est épargné : les secteurs marchands (banques, commerces, hôtels, réparation et commerce automobile) et non marchands (enseignement, santé, sécurité).

Face à la prise de conscience de ce problème grandissant, l'observatoire de la qualité de l’air interieur (OQAI) a été créé le 10 juillet 2001 par une convention signée entre les ministères de tutelle (Logement, Santé et Environnement) et les présidents de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Son objectif est de mettre en place un dispositif de recherche pour recueillir des données sur les « polluants » présents dans les atmosphères intérieures des différents lieux de vie. L’INRS vient de publier un article sur le sujet montrant sa considération pour ce risque émergent. Même si ce n’est pas encore une préoccupation de premier plan, l’INRS observe depuis trois ans une augmentation de demande d’assistance sur cette problématique car, comme indiqué ci-dessus, à long terme des pathologies peuvent être très invalidantes et pénaliser l’activité d’une entreprise. Dans des cas extrêmes, des effets plus graves peuvent être observés : intoxications, allergies respiratoires (rhinites, asthmes) et les effets à long terme pourraient provoquer des pathologies respiratoires ou cardiovasculaires, voire tumorales.

Au cours de nos expertises, des dégradations de la santé des personnes exposées et l’émergence d’asthmes invalidants chez les personnes les plus fragiles en passant par des syndromes d’intolérance aux odeurs chimiques ont été constatées.

Malheureusement, il est bien connu que la ventilation est le lot « pauvre » dans la construction.

Ce risque doit être analysé de façon méthodique car bien des facteurs doivent être considérés avant de pouvoir poser un diagnostic. L’élément majeur, à étudier en priorité, concerne le dysfonctionnement de la ventilation. Malheureusement, il est bien connu que la ventilation est le lot « pauvre » dans la construction. C’est en effet sur cette ligne budgétaire où des rognages s’opèrent pour réduire les coûts… Dans ce contexte déjà complexe, des éléments psychologiques et de non-considération amplifiant ou dégradant encore plus l’état de santé des salariés atteints peuvent s'ajouter.

Au total, plus de 1 000 substances chimiques peuvent être présentes en intérieur, parmi lesquelles on retrouve souvent des composés organiques volatils (COV) ou semi-volatils (COSV). Les COV comme les aldéhydes sont, le plus souvent, à l’origine d’irritations des yeux et des voies respiratoires. Certains d’entre eux, comme le benzène et le formaldéhyde, sont en outre classés « cancérogènes certains » chez l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). D’autres effets, neurotoxiques ou visant la fonction de reproduction, des perturbateurs endocriniens sont également possibles, associés à des substances retrouvées pour partie dans les environnements clos comme les pesticides, phtalates, polybromodiphényléthers, polychlorobiphényles etc. Quant à la pollution d’origine biologique, les allergènes domestiques (d’acariens, de chat, de chien etc.) sont susceptibles d’entraîner des réactions allergiques chez les personnes prédisposées. De même, les moisissures et les composés qu’elles libèrent (mycotoxines, composés organiques volatils), sont également reconnus comme pouvant être à l’origine de pathologies allergiques. Si les allergènes d’acariens et d’animaux domestiques sont généralement peu présents dans les bureaux, la contamination des circuits de ventilation par des moisissures ou des bactéries représente l'un des risques à l’origine du syndrome du « bâtiment malsain » décrit en en-tête de cet article. De plus, certaines émissions sont liées au matériel informatique, comme les photocopieurs, les imprimantes qui émettent de l’ozone ainsi que des particules fines et ultrafines.

Face à cette situation, l'ANSES a proposé des valeurs guides de qualité de l'air intérieur (VGAI). Le but est de fixer des valeurs réglementaires de surveillance de la qualité de l'air intérieur pour la population générale qui sont à distinguer des valeurs limites d’exposition professionnelle les VLEP. Ces VGAI sont essentiellement basées uniquement sur des critères sanitaires et sont de nature indicative. Si le formaldéhyde est pris pour exemple, cette molécule possède une VLEP-8h de 0,61mg/m3 d’air, une VGAI-2h de 50µg/m3. L’OMS prône une valeur de 100µg/m3 sur du court et long terme… Le formaldéhyde est un produit très consommé dans l’industrie du bois et se retrouve partout dans la fabrication de panneaux, de contre-plaqués, de charpentes et peut s’émaner du mobilier entre autres. Au-delà de ce point, onze polluants de l'air intérieur sont ciblés par l’ANSES : formaldéhyde, monoxyde de carbone, benzène, naphtalène, trichloréthylène, tétrachloroéthylène et son annexe, particules, acide cyanhydrique, dioxyde d'azote, acroléine, acétaldéhyde.

Par ailleurs, l’OQAI a mis en place un classement des polluants de l'air intérieur sur la base de critères de toxicité à court et long termes, des niveaux d'exposition observés, de la traçabilité de certaines sources ainsi que sur la fréquence d'apparition des polluants dans les bâtiments. Synthétiquement, des substances préoccupantes pour les logements, pour les écoles et les bureaux ont été distinguées. Concernant ces derniers, 5 substances ont été classées comme « hautement prioritaires » dont le benzène et formaldéhyde bien connus et 16 autres substances « très prioritaires » comme le toluène, le dichlorométhane….

En 2010, la loi Grenelle a introduit une obligation de surveillance de la qualité de l'air intérieur dans certains établissements recevant du public à la charge du propriétaire ou de l'exploitant de l'établissement. Les articles R. 221-30 à R. 221-37 du code de l'environnement précisent le champ d'application de cette surveillance, les catégories d'établissements concernés, le calendrier d'entrée en vigueur et les principales obligations. Le décret 2011-1728 du 2 décembre 2011 relatif à la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public prévoyait cette mise en œuvre progressive devant articuler autour de quatre échéances dont la première avant le 1er janvier 2015 pour les établissements d’accueil collectif d’enfants de moins de six ans (9 000 environ) et les écoles maternelles (17 000 environ). La reculade de la ministre de l’Écologie sur la mise en place de ce décret voté sous le gouvernement de François Fillon et sa simplification feraient écho aux inquiétudes de municipalités face au coût qu’aurait présenté l’application de ces mesures, évaluées entre 2 000 à 3 000 euros pour une petite agglomération. Par ailleurs, ce décret aurait obtenu le « deuxième prix des normes absurdes » dans le rapport de la « mission de lutte contre l’inflation normative » d’Alain Lambert et Jean-Claude Boulard remis en mars 2013. La ministre a remplacé l’obligation de mesurer la qualité de l’air dans les écoles et les crèches par un guide de bonnes pratiques, pour l’instant, dans l’attente de l’application du décret simplifié repoussé à 2018…

Quels sont donc les premières recommandations à proposer pour garantir une qualité satisfaisante de l’air intérieur ?

En première lieu, la ventilation. C’est le moyen qui reste le plus efficace face à cette problématique de qualité d’air au travail. Ainsi, un système de ventilation performant et entretenu régulièrement et correctement de façon annuelle permet d’éviter 80 % des problèmes d’intoxication.

Dans le cadre de toute construction, aménagement ou rénovation, un travail de réflexion doit être mené systématiquement en amont sur le choix des matériaux respectueux de la santé et de l’environnement.

Le choix des éléments d’ameublements doit être guidé par la mise en place maintenant de produits étiquetés en fonction de leurs niveaux d'émission en COV des produits, allant de A+ (produits très faiblement émissifs) à C (fortes émissions).

Il en va de même pour le choix des peintures des revêtements de sol etc. de l’aménagement des locaux en ayant soin d’isoler tous les équipements en capacité d’émettre des polluants comme les imprimantes dans une pièce avec un débit de ventilation spécifique et adéquate.

De plus, les produits d’entretien et de nettoyage doivent aussi faire l’objet de toutes les attentions en évitant l’utilisation de produits parfumant augmentant la charge polluante.

L’aération quotidienne d’un minimum de 10min des pièces de vie ou de travail doit être adopté.

Dans nos expertises CHSCT, l’effet cocktail de ces produits chimiques est régulièrement pris en compte, potentialisant les dommages sur la santé des salariés mais aussi les effets combinatoires avec des expositions à des agents physiques et ceci sur du court, moyen et long termes.

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