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09 / 03 / 2015
Didier Cozin / Membre
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Réforme de la formation, le bon sens peut-il encore l’emporter ? Ière partie : quel bilan après un an ?

En février 2014 le législateur décrétra que tous les actifs français disposeraient début 2015 d’un compte de formation. Il fallait faire vite, détruire le droit à la formation sans précaution, abandonner aussi une grande partie des cotisations obligatoires tout en misant sur l'inconnu : une obligation nouvelle de former tous les salariés à l'horizon bien éloigné de 2020.

Un an après le vote de la loi et alors que la technocratie administrative alliée à la bureaucratie sociale ont abouti à bâtir une monstrueuse réglementation il est déjà possible de dresser un bilan du CPF (car son informatisation fait qu'on connaît ses résultats presqu'en direct).

Le CPF devait sécuriser la formation et les travailleurs, il plonge en fait les acteurs de la formation (stagiaires compris) dans les limbes du doute, de l’impuissance et de l’incompréhension.

Le Compte Personnel de Formation : un premier bilan catastrophique et un échec presque instantané de la réforme


Si avant l’Internet on pouvait compter sur les années pour qu’un nouveau dispositif de formation prenne sa place dans notre pays, aujourd’hui avec  l’Internet les choses vont beaucoup plus vite : En 2 mois, près d’un demi million de personnes se sont inscrites sur le site de la caisse des dépôts mais 65 personnes seulement (oui 65 pas 65 000 !) ont eu la capacité de commander une formation (qui d'ailleurs se déroulera peut être dans 6 mois…ou jamais).

Depuis le 5 janvier 2015, 500 000 personnes se sont donc inscrites sur le site de la Caisse des dépôts mais seulement 65 salariés ont pu s’engager dans une formation, ce résultat démontre que le CPF n’est pas un dispositif de formation, juste un compteur qui égrène des heures dont personne ne sait que faire.

Via le CPF, que ce soit en matière de formations certifiantes ou de formations sur le Socle des compétences les dispositifs sont minés, d’une complexité inouïe et aucun stagiaire ou presque ne répond à l'appel.

La situation de la formation professionnelle continue en ce mois de mars 2015 est tout simplement catastrophique :
  • La réforme a bouleversé la donne, déstabilisé tous les acteurs de la formation, ouvert des chantiers sans fin, rompu de fragiles équilibres et tué dans l’œuf les quelques velléités de former les travailleurs non qualifiés,
  • La réforme a opacifié et complexifié à l’extrême le départ et la réalisation des formations (pour l’employeur comme pour son salarié),
  • La réforme a rendu le Droit à la formation formel et impossible à exercer

La Réforme de la formation telle qu’elle se fait joujr est  donc une  machine à renforcer les ingalités et à exclure les travailleurs faiblement qualifiés de tous les apprentissages (les précaires, ceux travaillant dans de petites structures ou encore dans de grandes entreprises de main d'oeuvre)

Pour remettre à niveau le 6 millions d’actifs en grande difficulté de notre pays  il faudrait plus d'un siècle de CPF !
Si l’on prend pour base une enquête internationale menée en 2013 dans 27 pays de l’OCDE (Etude PIAAC publiée en octobre 2013) il y a en France environ 22 % d’adultes en très grande difficulté éducative (un des niveaux de litteratie les plus faibles d'Europe). Pour 30 millions d’actifs il y a donc près de 6 millions d’adultes à requalifier rapidement.

Le socle des compétences était une opportunité de faire basculer les budgets comme une partie de la formation vers les moins qualifiés. Il n’en sera rien

Le socle des compétences, éternelle arlésienne de la formation (congrès de Deauville du CNPF en 1998, ANI de 2009..) constituait dans le texte de la loi de mars 2014 une vraie avancée sociale.

Les salariés (mais pas encore les travailleurs non salariés) étaient censés pouvoir se former  via leurs anciennes heures de DIF sans formalité particulière (le Socle était de droit, sur le temps de travail et opposable à l’employeur).

Le socle des compétences a été torpillé et dénaturé par la machine règlementaire, administrative et sociale française.

Alors qu’il s’agissait de favoriser sans délai le départ en formation courtes, accessibles, sans formalisme de plusieurs millions de personnels on a tergiversé pendant un an et publié le 13 février 2015 un décret définissant certes les 7 compétences indispensables pour travailler (lire, écrire, compter, utiliser un ordinateur..) tout en multipliant  au passage les contraintes et les obstacles pour y accéder : 

  • Une certification encore inexistante après un an de tergiversations
  • Des négociations à venir dans les 600 branches professionnelles pour l’adapter
  • La réunion de commissions (indépendantes de l’organisme de formation) chargées d’évaluer le niveau de chaque stagiaire avant tout départ en formation (pour certains items du socle cela promet de devenir surréaliste)
  • Une Certification (inexistante aussi)  pour les futurs organismes de formation « capables » de mettre en œuvre des formations du socle
  • Des examens de sortie de formations qui retiendront sans nul doute les moins qualifiés nombre de se former

Le Socle des compétences, tout comme le compteur formation, était une idée intéressante, la multiplication des parties prenantes et des commissions sociales l’a rendu inaccessible, illisible et impossible à réaliser.

A suivre dans une seconde partie ( une sortie de crise est-elle encore possible pour  2016 ?)

 

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Merci de m'indiquer où vous avez trouvé le chiffre de 65 salariés ayant pu s'engager dans une formation Avez vous le chiffre pour les demandeurs d'emplois