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12 / 09 / 2014 | 11 vues
Florence Benichoux / Membre
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Inscrit(e) le 12 / 09 / 2014

Le travail tue plus que les guerres et ces morts sont évitables

Lors du XXème congrès mondial sur la sécurité et la santé au travail, qui a rassemblé 4 000 professionnels issus de 143 pays du 24-27 août à Francfort, le directeur général de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a donné un chiffre qui fait froid dans le dos : 2,3 millions de personnes meurent chaque année au travail, soit plus que dans toutes les guerres réunies de la planète. Ces morts sont principalement dues à des maladies professionnelles ou des accidents du travail. Ce qui est le plus inacceptable, c’est que ces morts sont évitables, à condition de développer dans toutes les organisations, une véritable culture de la prévention. Une culture de l’attention à soi et aux autres.

Quelques chiffres

Les organisations offrant une prévention santé à leurs salariés sont de  :
  • 76 % aux États-Unis,
  • 47 % en Asie,
  • 42 % en Europe, (nous sommes en 3ème position derrière l’Asie, nous avons donc tous à progresser),
  • 37 % en Australie,
  • 33 % en Afrique.

Managers et employés considèrent pour la plupart la prévention comme un coût net pour l’entreprise. Or, 100 euros investis dans la prévention et améliorant les conditions de travail permettent d’en récupérer en moyenne 219 € (étude de l’OPPBTP 2014).

Dès qu’une politique de prévention est mise en place, la réduction des accidents du travail et des maladies professionnelles est rapidement de 20 %.

Une vision à partager pour une prévention durable

Au-delà de ces chiffres, que faut-il retenir de ce congrès ? La culture de prévention, sécurité et santé est à penser au niveau mondial et des stratégies de prévention durables sont à inventer avec pour objectif la vision « zéro » : zéro accident du travail et zéro maladie professionnelle. Ce n’est pas une utopie !

Nous devons être les artisans d’un monde dans lequel chacun peut travailler dans des conditions sûres et saines, et est protégé contre les accidents du travail graves, voire mortels.

Les défis de la santé au travail sont immenses.

  • Permettre d’abord à tous les travailleurs d’avoir un contrat de travail est sans doute la première mesure à instaurer et c'est sans aucun doute la première protection.
  • Protéger la santé de l’individu au poste de travail constitue un autre défi considérable, avec en toile de fond des changements dans les domaines technique, économique et social, ainsi qu’une mondialisation croissante et inévitable.
  • La délocalisation de la production délocalise aussi les risques pour la santé humaine. Notre responsabilité de pays développés est largement engagée sur ces sujets… (cf la destruction de l’usine Rana Plaza où 1 100 salariés, travaillant pour Benetton, Bon Marché, Joe Fresh, Mango, Matalan et Walmart, ont perdu la vie au Bangladesh le 24 avril 2013).
  • Savoir bien gérer la diversité dans le monde du travail et faire comprendre que la diversité doit faire la différence pour l’entreprise.
  • Un nombre croissant de personnes appartenant à des contextes ethniques, religieux ou sociaux différents est aujourd’hui appelé à travailler conjointement.
  • L’égalité des sexes et le développement démographique conservent également toute leur importance.
  • De nouvelles formes de travail caractérisées par des conditions hétérogènes et de travail et d’emploi ont vu le jour partout dans le monde.

Les stratégies mondiales en matière de prévention, comme dans la prévention des maladies cardio-vasculaires, doivent cibler ces populations à risque car plus vulnérables (femmes, jeunes, personnes âgées, handicapés, immigrés, travailleurs précaires…) et faire en sorte que les enjeux sociaux ne soient pas oubliés par la mondialisation économique.

3 approches se dégagent de ce XXème congrès mondial :

  • poursuivre la prévention des risques améliorant la sécurité ;
  • la promotion de la santé développée dans une vision plus globale permet une amélioration de la santé des travailleurs mais aussi de leur famille et donc de la société
  • de nouvelles approches sont proposées pour faciliter le retour au travail (après un congé maternité, un cancer, un accident du travail ou une maladie de longue durée).

3 enjeux principaux se présentent à nous, pays développés :

  • l’augmentation exponentielle des problématiques de santé mentale et de risques psychosociaux ;
  • le vieillissement de notre population avec une question corollaire : comment garder en bonne santé des travailleurs qui, vivant plus longtemps, doivent travailler plus longtemps (à 50 ans, il faut prévoir de travailler encore au moins 15 années !) ?
  • la vision « zéro », une vision ambitieuse qui ne peut que s’accompagner du développement d’une véritable culture de la prévention tout au long de la vie et dès l’école. Il ne doit plus y avoir de frontière entre la prévention au travail ou à la maison car il s’agit bien, au-delà des travailleurs, de protéger les humains.

L’enjeu est clairement de permettre aux salariés de rentrer chez eux non seulement sans effets délétères du travail mais en meilleure santé que quand ils sont arrivés dans l’entreprise.

Les grands enseignements sont donc :

  • l’importance de l’engagement de la direction sur la qualité de vie au travail ;
  • la nécessaire formation de tous les managers, véritables relais de cette vision « zéro » ;
  • l’importance du dialogue social : la santé et la sécurité au travail sont de formidables enjeux pour développer le dialogue social ;
  • la diversité nous fait comprendre que nous avons toujours à apprendre de l’autre, qu’il existe toujours quelqu’un qui peut apporter un point de vue différent et que nous n’avons pas toutes les solutions ;
  • le retour sur investissement de la prévention est très positif et les bénéfices d’une bonne qualité de vie au travail sont à 96 % l’engagement des salariés, l’ambiance de travail et les relations dans l’entreprise, à 95 % la qualité de travail réalisé, à 94 % la santé des salariés et à 91 % la productivité (source ANACT Sofres) ;
  • la vision positive des discours sur la prévention et l’importance de réaliser des bilans humains au-delà des bilans économiques ;
  • ne pas oublier l’incontournable partie réglementaire et légale sur le droit à la santé qui doit accompagner cette prévention avec son cortège de contrôles indispensables.

Il est de notre responsabilité à tous, dirigeants, managers, salariés, partenaires sociaux, médecins du travail de développer cette culture de la qualité de vie au travail. C’est pourquoi il faut lancer les organisations HQH « haute qualité humaine© » qui promeuvent des entreprises plus sûres, plus saines, plus simples, plus sereines et avec plus de sens.

On sait aujourd’hui qu’un travail de qualité n’est possible que là où les entreprises définissent la santé et la sécurité comme une priorité essentielle. Soyons chacun les acteurs de cette haute qualité.

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