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10 / 03 / 2014 | 1 vue
Anne Saulnier / Membre
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Débat dépendance OCIRP : l'essor de la Silver Économie passe par des partenariats « public-privé »

Pour la sixième édition de son débat « dépendance autonomie » qui s'est tenue le 4 mars, l'OCIRP a largement mis l'accent sur l'essor de la Silver Économie, soit les produits et services commercialisés pour les personnes âgées. « Dès que l'on parle du sujet en termes économiques, les oreilles se dressent. Avec la Silver Économie, c'en est fini de considérer le vieillissement comme un coût. C'est, selon les prévisions, un apport de 0,25 % de croissance par an pour le pays » a affirmé la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie, Michèle Delaunay, qui inaugurait la matinée. Une perception confortée par les résultats du « baromètre dépendance OCIRP-France Info-Le Monde 2013 » présentés à cette occasion : si 81,3 % des Français jugent la perte d'autonomie importante mais non prioritaire, ils sont 82,8 % à estimer que la Silver Économie est importante pour l'économie française. 

« Un marché, une population, une volonté de rester chez soi », c'est ainsi que le président de l'OCIRP, Bernard Devy, a résumé les atouts de ce secteur que tous, parmi la vingtaine d'intervenants, voient comme extrêmement prometteur. Les données sont là : on table sur 200 000 à 300 000 emplois nets créés dans les six ans ; un tissu de TPE-PME (200 entreprises pilotes en Midi-Pyrénées notamment) a émergé aux côtés de grands groupes privés très impliqués comme Orange, Essilor et Legrand. Certaines PME comme Bluelinea qui a conçu des « bracelets autonomie » pour que les personnes avec Alzheimer puissent vivre à domicile sont déjà des réussites : « Nous sommes passés de 6 emplois en 2011 à 75 en 2014, avec 10 000 personnes déjà équipées », s'est réjoui son directeur général, Laurent Levasseur, qui qualifie son invention d'« Ehpad à domicile ».    

Frein culturel 

Cependant, ce tableau masque des freins qui restent à surmonter. Au premier rang desquels, le frein culturel, c'est-à-dire la peur du vieillissement. Au point même que la ministre a confié vouloir rebaptiser « loi de transition démographique » sa future loi « sur l'adaptation de la société au vieillissement » car, elle le sent bien, l'énoncé actuel ne transpire pas « la joie de vivre » alors que, c'est un impératif. « il faut donner envie ». Une crainte éclairée par un sondage de l'institut Viavoice qui révèle que les nouvelles technologies pour les seniors sont encore considérées avec réserve car elles sont vues comme une parade face aux carences des proches (76 % misent sur la famille). Mais les freins ne sont pas seulement dans les esprits et sont aussi très concrets. L'économiste Jean-Hervé Lorenzi s'est dit « ébloui par les nouvelles technologies de la Silver Économie et, en même temps, perplexe ». Car, a-t-il noté, « ces emplois de demain, il faut les former dès maintenant avec l'aide des pouvoirs publics ». Par ailleurs, « il faut une structuration de la filière pour l'aider à démarrer. Il n'y a pas assez de moyens financiers » a-t-il ajouté. Un aspect sur lequel Nadia Frontigny, vice-présidente Care-management-Orange Healthcare a beaucoup insisté, déplorant que « les opérateurs privés ont du mal à s'implanter ».

Dans ce contexte, avec également le souci de rendre la demande solvable, beaucoup d'intervenants ont fait la promotion des partenariats « public-privé » qui peuvent être une réponse à ces freins. Les groupes de protection sociale (GPS) représentés par l'OCIRP (Humanis, Malakoff-Médéric, Klesia, Audiens, Mutex, Réunica et AG2R La Mondiale) présents lors de ce débat ont d'ailleurs expliqué comment ils interviennent déjà en participant au financement de la recherche publique ou aux premiers pas d'entreprises privées de cette nouvelle filière. L'OCIRP et nombre de GPS ont répondu présents pour participer au « fonds sectoriel d'investissement de la Silver Économie », lancé le 25 février par les ministres Michèle Delaunay et Arnaud Montebourg. Les Français semblent être acquis à cette approche mixte puisqu'il ressort du baromètre que 70,3 % des salariés estiment que l'entreprise doit apporter un complément au financement public par une garantie dépendance collective.

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En 2013, la CASA a été versée au Fonds de Solidarité Vieillesse au lieu d’être attribuée à l’aide à l’autonomie. Un « détournement » à mettre en perspective avec le sous-effectif des soignants et les dérives tarifaires dans les EHPAD publics. Du Monde au Dauphiné libéré, nombreux sont les médias qui, le mois dernier, ont publié sur une actualité qui en dit long sur l’action du gouvernement : les 600 millions d’euros détournés de l’aide aux personnes âgées, sous couvert de loi pas encore votée. Ce thème a été repris par l’association « Âge village » qui titre son édito « La CASA toujours pas réaffectée à 100% pour l’aide à l’autonomie ». En effet, la CASA (Contribution Additionnelle de Solidarité pour l’Autonomie), payée par les retraités, devait être attribuée à l’aide à l’autonomie (le service à domicile). Exceptionnellement, elle l’a été au Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV). Pourtant, la dépendance et ces implications est un sujet prioritaire depuis plus de 50 ans. En 1962, le rapport Laroque alertait déjà sur le phénomène de la pyramide des âges, un sujet que les gouvernements successifs n’ont pourtant jamais abordé autrement qu’aux travers d’études et de rapports. En détournant les fonds affectés à la dépendance, le gouvernement ne respecte pas ses engagements initiaux mais surtout il manque de transparence. Devant ce jeu de bonneteau, comme l’a appelé le président de la CNRPA (Comité National des Retraités et Personnes Âgées) Sylvain Denis, les communiqués ont redoublé et les pétitions déferlé. EHPAD : sous-effectif des soignants et explosion des tarifs d’hébergement Car les conséquences de cette réaffectation sont énormes : ce sont 22 000 emplois qui passent à la trappe, alors même que le sous-effectif des soignants s’aggrave. Pour preuve de ce malaise, leurs associations recueillent de plus en plus d’adhérents (les NBNNNP – ni bonnes, ni nonnes, ni pigeonnes – comptent 36 000 inscrits sur les réseaux sociaux) et les grèves dans les hôpitaux et les EHPAD (Etablissements Hospitaliers pour Personnes Âgées Dépendantes) se multiplient. Ces conditions ont également un impact important sur les porte-monnaie : depuis 2009, les tarifs des EHPAD, pourtant établissements publics, explosent. Faute de moyen, les ARS (Agences Régionales de Santé) sous-évaluent les besoins en soins des patients. Résultat : les EHPAD, pour ne pas tomber dans une maltraitance institutionnelle, font peser les augmentations de personnel sur les tarifs d’hébergement et le conseil général valide. En moyenne, on estime ces augmentations à 6% par an. Dans certains EHPAD, elles dépassent les 20%. Pour les familles comme pour les résidents, c’est souvent l’impasse. Les conséquences peuvent être dramatiques quand, faute de pouvoir assumer la part des augmentations tarifaires restant à charge, certains se voient dans l’obligation de reprendre leurs parents chez eux alors que ces derniers souffrent de pathologies incompatibles avec leur logement. Le tarif d’hébergement devient une variable du tarif soins Même le rapport de l’IGAS (Institut Général des Affaires Sociales) de 2011 indique, dans son paragraphe 47, que le tarif d’hébergement peut devenir une variable d’ajustement du tarif soins. Autrement dit, le salaire des personnels de santé devrait dépendre du tarif soins (l’Assurance Maladie). Mais, pour pallier l’insuffisance des budgets alloués par les ARS, les EHPAD se voient contraints d’en faire peser le coût sur les tarifs d’hébergement, partiellement payés par les familles. En novembre 2012, lors d’un entretien avec la FNBAPAEF (Fédération Nationales des Associations de Personnes Âgées et de leurs Familles), la ministre de la Santé Marisol Touraine préconisait de bloquer la part restant à charge des tarifs d’hébergement, mais sans indiquer quelles maisons de retraite seraient concernées. Les constats sont donc là mais rien ne bouge, comme le prouve ce « détournement » d’une aide spécifiquement conçue pour l’autonomie. Certes, les personnes âgées en perte d’autonomie ne descendent pas dans la rue pour faire savoir leur difficulté. Mais, à coup sûr, leurs voix compteront lors des prochaines élections lorsqu’elles voteront… ou s’abstiendront.