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23 / 09 / 2013 | 515 vues
Gérard Laune / Membre
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Complémentaire santé : la loi Evin, trop peu connue des salariés, trop souvent éludée par les assureurs

L’article 4 de la Loi Evin du 31 décembre 1989 dispose que le contrat collectif à adhésion obligatoire doit fixer les modalités selon lesquelles l’organisme s’engage à maintenir la couverture santé au profit des anciens salariés de l’entreprise.

La loi n°89-1009 du 31 décembre 1989, article 4 dispose que  lorsque des salariés sont garantis collectivement, dans les conditions prévues à l’article 2 de la présente loi, en vue d’obtenir le remboursement ou l’indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, le contrat ou la convention doit prévoir, sans condition de période probatoire ni d’examen ou de questionnaires médicaux, les modalités et les conditions tarifaires des nouveaux contrats ou conventions par lesquels l’organisme maintient cette couverture :

  • 1° au profit des anciens salariés bénéficiaires d’une rente d’incapacité ou d’invalidité, d’une pension de retraite ou, s’ils sont privés d’emploi, d’un revenu de remplacement, sans condition de durée, sous réserve que les intéressés en fassent la demande dans les six mois qui suivent la rupture de leur contrat de travail.
    N.B. La nouvelle loi sur la sécurisation de l’emploi prévoit que le salarié pourra désormais faire valoir cette option dans les 6 mois qui suivent la fin de la période de portabilité des droits à partir du 1er janvier 2014.

  • 2°au profit des personnes garanties du chef de l’assuré décédé, pendant une durée minimale de douze mois à compter du décès, sous réserve que les intéressés en fassent la demande dans les six mois suivant le décès. Le nouveau contrat ou la nouvelle convention doit prévoir que la garantie prend effet, au plus tard, au lendemain de la demande. Les tarifs applicables aux personnes visées par le présent article peuvent être supérieurs aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs dans des conditions fixées par décret.

  • 3°Les primes et les cotisations relatives au contrat individuel éventuellement souscrit par l'ex salarié dans le cadre de la loi EVIN ne peuvent dépasser de plus de 50 % les tarifs appliqués dans l’entreprise aux salariés actifs, c'est-à-dire du tarif de cotisation globale  part salarié plus part employeur (article 1er du Décret du 30 août 1990).

Il est à noter que contrairement à l’ANI du 11 juin 2013 qui prévoit le maintien des droits en termes de santé et de prévoyance, l’article 4 de la loi Evin ne concerne que la couverture santé.

Un dispositif trop souvent éludé par les assureurs au moment du départ en retraite ou en pré-retraite


L’application par les assureurs de la loi Evin s’est faite en considérant que les conditions offertes aux retraités pouvaient ne pas être strictement identiques à celles dont bénéficiaient les salariés (décret n°90-769 du 30 août 1990). Cette position s’appuyait sur le fait que les besoins des retraités n’étaient pas nécessairement identiques à ceux des salariés plus jeunes. De ce fait les assureurs proposaient en réalité un contrat à adhésion individuelle, complètement déconnecté du contrat de l’entreprise et échappant ainsi, à la limite de dépassement de plus de 50% des tarifs appliqués dans l’entreprise aux salariés actifs. En pratique , pour les retraités ainsi isolés, les tarifs de cotisations deviennent progressivement prohibitifs au fur et à mesure du franchissement de tranches d’âge, les contraignant ainsi à souscrire à des contrats offrant des garanties très réduites par rapport aux garanties dont ils disposaient quand ils étaient en activité.

  • Les précisions apportées par la jurisprudence vis-à-vis de l’application de la loi Evin.


La cour de cassation avait déjà statué en février 2008 en faveur du maintien d’une couverture identique à celle des salariés. La cour d’appel de Lyon, par un arrêt du 13 janvier 2009, a confirmé l’obligation de maintenir une couverture identique pour les retraités avec un encadrement tarifaire limitant la majoration de cotisation à +50%.

Cette évolution marque un renforcement des droits des salariés liquidant leur retraite, mais aussi des salariés licenciés ou mis en invalidité, qui peuvent maintenant demander à bénéficier de garanties identiques à celles des salariés. Cet avantage est également applicable aux ayants droit de l’ancien salarié pendant une période de 12 mois à compter du décès de l’ancien salarié.

  • Les freins à l’application de la loi Evin


Les conséquences de cette évolution du droit ne sont pas neutres vis-à-vis de  l’équilibre financier des  contrats collectifs. Comme le taux maximum de 150 % est fixée par un décret, celui-ci est susceptible de modification en fixant un taux plus élevé.. Certaines compagnies d’assurance ont  envisagé jusqu’à un taux de 300%.....

La loi Evin n’a pas réglé le problème de fond qui est celui de la nécessaire solidarité entre salariés et retraités en terme de complémentaire santé  : sur quelles bases ? dans quelles limites ?

Dans ces conditions, il ne faut guère s’étonner du manque d’empressement des assureurs à proposer aux salariés qui quittent leur entreprise au moment de la liquidation de leur retraite une complémentaire santé répondant très exactement aux dispositions de la loi Evin. Et à cet égard, encore moins s’étonner du déficit  d’information des employeurs qui ne voient pas d’un bon œil la perspective de voir augmenter le coût du montant des cotisations de la complémentaire santé des actifs et donc de la part employeur.

De plus les anciens salariés bénéficiant de la portabilité de leur complémentaire santé  oublient pendant cette période de portabilité que pour bénéficier des dispositions de la loi Evin, il faut en avoir fait la demande formelle à l’assureur de l’entreprise durant les 6 mois qui suivent la rupture du contrat de travail. Passé ce délai il sera trop tard pour prétendre aux bénéfices de la loi Evin,  pour le plus grand désespoir de l’ancien salarié et pour le plus grand bonheur de l’ex-employeur et de son assureur…..

Reste aussi, ce que mettent en exergue les assureurs pour mieux dissuader les salariés de faire valoir  la loi Evin,  que celle-ci  n’est pas toujours la meilleure réponse à certaines problématiques individuelles et en particulier au moment de la sortie de l’entreprise. Certes, mais il conviendra de ne pas se laisser séduire par le chant des sirènes et ne jamais oublier que les dépenses de santé ne cessent d’augmenter avec l’âge, et qu’en dehors du cadre de la loi Evin qui fixe une limite, les tarifs de cotisations des contrats individuels de complémentaires santé suivent la même progression que les dépenses de santé par tranche d’âge..

Nos conseils aux délégués syndicaux et représentants du personne

  • Tout d’abord s’assurer que le contrat collectif à adhésion obligatoire  décrit bien les modalités selon lesquelles l’organisme s’engage à maintenir la couverture santé au profit des anciens salariés de l’entreprise, en conformité avec les dispositions de la loi EVIN. Celle-ci étant  d’ordre public aucun contrat ne peut y déroger.
  • Vérifier que le contrat collectif intègre bien les ayants-droit vis-à-vis de la protection tarifaire apportée à l’ancien salarié par la loi Evin. Car dans le cas contraire, l’organisme assureur pourrait invoquer que rien ne l’oblige à garantir les ayants droit de l’assuré ni même à respecter l’encadrement tarifaire de la loi Evin pour ces derniers. En effet la jurisprudence ne concerne que les anciens salariés et non pas les personnes couvertes par son intermédiaire.
  • Vérifier en cas de changement d’assureur que le nouveau contrat collectif qui en découlerait ne prive pas les anciens salariés, ayant opté pour la loi Evin avec l’assureur précédent, de la protection tarifaire.
  • Ensuite rappeler régulièrement à l’ employeur ses devoirs d’informations aux salariés, y compris au moment de leur sortie de l’entreprise et y compris sur les particularités et obligations de la loi EVIN (*).
  • Et bien entendu d’informer eux-mêmes et directement les salariés sortants de l’entreprise des avantages éventuels apportés par la loi EVIN.


(*) Ci-dessous, extrait de l’ avis du CCSF (Comité Consultatif du Secteur Financier) du 8 avril 2009 relatif à l’assurance complémentaire santé


Le CCSF rappelle qu’il appartient à l’employeur de remettre au salarié la notice d’information du contrat auquel il adhère et qu’il est essentiel que le salarié lise la notice. De plus, le CCSF estime qu’il est souhaitable d’assurer une meilleure information des salariés sur leur droit au maintien des garanties de leur contrat collectif et sur les conditions dans lesquelles ce droit s’exerce (à savoir, dans un délai de six mois après la cessation d’activité en cas de chômage ou d’incapacité/invalidité, et, en cas de décès, dans le même délai à la demande de leurs ayants droit). Aussi le CCSF considère-t-il qu’il est important de renouveler cette information, notamment lorsque le salarié envisage de prendre sa retraite, que ce soit dans les entreprises, lorsque l’organisation le permet, sur le site Internet des assureurs et des mutuelles, et dans les caisses de retraite.

 

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