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01 / 03 / 2013 | 4 vues
Jean Louis Bally / Membre
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Les risques psychosociaux de l'ANI (suite) : prévention et CHSCT

article rédigé par un collectif de l'observatoire 

Dans un précédent article, nous avons souligné que la rédaction actuelle du projet de loi sur la sécurisation de l'emploi :

  • outrepassait d'une part les termes de la négociation initiale entre les partenaires sociaux.
  • introduisait d'autre part plusieurs mesures qui peuvent conduire au harcèlement et à la dégradation de la santé et de la sécurité des travailleurs les plus fragiles : femmes, seniors, travailleurs à temps partiel et futurs chômeurs.
L'une des mesures introduite par les rédacteurs touche de plein fouet la capacité de prévention des risques dont disposent les représentants du personnel dans les CHSCT.

La proposition initiale du MEDEF, en date du 14 novembre 2012 et base des négociations, portait exclusivement sur l’objectif de limiter « la pluralité des expertises… qui alourdit les coûts pour l’entreprise et allonge les délais » (p. 10).

Or, la rédaction du projet de loi outrepasse largement la demande initiale et aboutira si elle est mise en œuvre à une source grave et inépuisable de RPS que chaque CHSCT devra traiter a posteriori.

En effet, le projet de loi donne à l’employeur le pouvoir de fait d’organiser (L 4616 –1) et de contrôler (L 4616 –2) le fonctionnement de l’instance de coordination des expertises mises en place. Il soumet de surcroît cette instance à la négociation d’accords conventionnels (minoritaires), (L 4616 –5), comme s’il existait de bons et de mauvais RPS, selon le point de vue où l’on se place.

Un chef d’entreprise n’a pas besoin de ce projet de loi pour décider et prendre lui même toutes mesures de prévention qu’il jugera nécessaire, c’est pour lui une obligation de résultat (art L 4121- 1 et 2).

Mais la loi du 23 décembre 1982 a donné au personnel, via les CHSCT, la liberté et l'indépendance d'analyse de ses besoins en matière de prévention. C'est-à-dire concernant l’adaptation des conditions de travail à sa dignité et à sa santé.

C’est cette capacité et cette liberté de prévention que le texte actuel du projet de loi détruit.

Dans le cas de France Télécom, il a été prouvé, tant par les rapports de l’Inspection du travail (rapport Catala) que par les rapports des experts (rapport Technologia), que l’une des causes déterminante, et sans doute la principale, de l’explosion des RPS et des suicides dans l’entreprise était le refus systématique de l’employeur de prendre en compte les analyses et alertes remontées par les CHCST existant, la direction se satisfaisant des audits et des mesures coordonnées et décidées par elle-même (après avis de comités « ad hoc ») en lieu et place des alertes qui lui étaient remontées sans filtre par le personnel.

  • Il ne s'agit pas ici d'ignorer le besoin de coordination des demandes de prévention des CHSCT, mais de remettre la loi sur ses pieds en ne sacrifiant pas les droits des CHSCT existants et en faisant des actions de coordinations l'expression véritable des avis des CHSCT.

Dans cet esprit, nous proposons comme alternative de remplacer le texte incriminé (articles L.4616-1 à 5, du §X de l'article 4) par le suivant :

  • « Art. L. 4616-1-. Lorsque les consultations prévues aux articles L. 4612-8, L. 4612-9, L.4612-10 et L. 4612-13 portent sur un projet commun à plusieurs établissements et à la demande des CHSCT concernés ou de l’employeur, le comité d’entreprise ou le comité central d’entreprise selon le cas prend, en accord avec l’employeur, les mesures nécessaires à la coordination des différents comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail concernés. Cette coordination ne déroge pas aux droits donnés aux CHSCT par les articles L. 4612-8, L. 4612-9, L.4612-10 et L. 4612-13.
  • Le recours à un expert agréé dans les conditions prévues au 2° de l’article L. 4614-12 et à l’article L. 4614-13 peut faire partie des mesures de coordination.
  • La création d’un CHSCT coordinateur pour le projet concerné peut faire partie des mesures de coordination. Le CHSCT coordinateur comprend l’employeur et une délégation du personnel comprenant, selon les mesures de coordination prises par le CE ou le CCE, un ou plusieurs représentants mandatés pour la durée du projet par chaque CHSCT concerné.
  • Chaque représentant transmet à son CHSCT, pour avis, les CR et délibérations du CHSCT coordinateur. L’employeur transmet à l’Inspection du travail les procès verbaux de désignation des mandants par les CHSCT concernés. Les dispositions des articles L4613-2 et L 4614 – 1 à 16 s’appliquent au CHSCT coordinateur. En cas de désaccord avec l’employeur, les mesures de coordination sont fixées par l’inspecteur du travail. Cette décision est susceptible d’un recours hiérarchique devant le directeur départemental du travail et de l’emploi ».

La dignité et la santé des travailleurs est une chose trop sérieuse pour ne pas tenir compte de la réalité du fonctionnement des entreprises, grandes ou petites.

Sauf à se retrouver, comme vient de nous le dire sans détour un certain dirigeant d'entreprise, « avec des salariés payés à un euro de l'heure »... Mais ce que ne dit pas ce dirigeant, c'est que dans ce cas il ne lui faudra pas oublier, comme ses collègues, de mettre des filets autour de ses usines pour éviter que ses salariés ne se jettent par les fenêtres (voir le reportage d'envoyé spécial sur FOXCONN ).

Entre le fort et le faible, c'est la liberté (de l'accord) qui opprime et c'est la loi (du code) qui affranchit.

Ces propositions ont été transmises au rapporteur du projet de loi.
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