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26 / 12 / 2012 | 2 vues
Didier Cozin / Membre
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Pour une véritable augmentation des droits à la formation pour les moins qualifiés

Alors que les négociations sur la sécurisation professionnelle ont échoué le 20 décembre dernier, nous suggérons aux partenaires sociaux de profiter de la trêve des confiseurs pour imaginer une nouvelle sécurisation, celle d’une catégorie en fort développement et souvent exclue des discussions sociales : les travailleurs précaires de France.

En effet, notre marché du travail est devenu largement dual avec d’une part une forte majorité de salariés employés en CDI (86 % d’entre eux) mais une part montante de travailleurs précaires, travailleurs sur lesquels repose toute la flexibilité du monde du travail : les intérimaires, les CDD, les saisonniers ou les travailleurs indépendants (ces derniers sont souvent loin de gagner un SMIC tous les mois). Aujourd’hui, la moitié des contrats de travail proposés aux jeunes de moins de 25 ans sont des contrats précaires. Plutôt que d’ajouter des droits à ceux qui en ont déjà beaucoup, pourquoi ne pas prendre le problème à l’envers et sécuriser cette forme montante du travail que sont l’intérim et le contrat en CDD ?

Pour avoir une chance de conclure le 10 janvier prochain pourquoi ne pas faire preuve de créativité en sécurisant ceux qui en ont le plus besoin, les travailleurs sous-représentés, sous-qualifiés et flexibles de notre pays ?

On n’arrête pas les vagues de l’océan, la mondialisation est un mouvement généralisé et irrésistible auquel il faut s’adapter et plutôt que de pénaliser les entreprises en taxant les CDD, il serait bien plus pertinent de sécuriser le personnel précaire en favorisant sa formation (car au XXIème siècle, l’accès à un travail, même précaire, permet de se professionnaliser et de monter en compétences).

  • La solution idéale pour les trois parties (n’oublions pas que les partenaires sociaux négocient pour un tiers, les salariés) ne passerait-elle pas par une véritable augmentation des droits à la formation pour les moins qualifiés ?

La situation est paradoxale en France : si vous êtes salarié en CDI dans une grande entreprise publique, dans les transports, l’énergie ou la banque vous bénéficiez non seulement d’un emploi quasi assuré pour la vie mais aussi d’un financement de votre formation conséquent (de 2 000 à 3 000 euros par an et par personne). En revanche, si vous êtes ouvrier intérimaire dans une entreprise de nettoyage industriel, par exemple, vous « disposerez » de 30 à 80 euros pour vous former tous les ans (en admettant que le service formation de la société qui vous emploie soit accessible ou même qu’il existe).

  • Admettrait-on que l’Éducation nationale dispose de budgets 20 fois moins élevés pour instruire les jeunes en Seine-Saint-Denis que dans des départements plus favorisés ? Ce serait incompréhensible et inadmissible. C’est pourtant ce qui se passe en France dans le monde du travail où ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés sur les chemins de la connaissance ne le sont pratiquement jamais (ou à dose homéopathique).


C’est cette situation qu’il faut renverser car, contrairement à une légende tenace, les salariés peu qualifiés ont autant d’appétence que les autres pour la formation (ils ne se forment pas, faute d’occasion de le faire). Pour sécuriser l’emploi, il ne faut donc pas taxer les employeurs mais les engager à former leurs salariés précaires.


Comment s’y prendre ?


La solution pourrait passer par une généralisation du droit individuel à la formation pour les travailleurs précaires (CDD, intérimaires ou temps partiel). Pour y parvenir, il suffirait de doter chacun de ces travailleurs d’un DIF largement favorable et facilement accessible.

Rappelons qu’obtenir son DIF aujourd’hui quand on est intérimaire ou en CDD tient du parcours du combattant et que si le DIF ne concerne que 6 à 7 % des travailleurs en France, il est totalement anecdotique pour les travailleurs précaires (moins de 0,1 % de DIF pour les CDD par exemple).

Aujourd’hui les mécanismes de capitalisation (20 heures par année d’ancienneté et un accord obligatoire de l’employeur) empêchent toute généralisation de la formation pour ces populations peu qualifiées et précaires. Pour changer de politique en sécurisant les travailleurs, quelques mesures simples et responsabilisantes pourraient être décidées :

  • accorder aux travailleurs précaires un DIF sur une base mensuelle de 5 heures de formation par mois (contre 1,66 heure actuellement pour tous les salariés) ;
  • permettre la réalisation d’un DIF de 20 heures (soit 3 journées) dès le quatrième mois d’emploi ;
  • demander à l’employeur de verser pour chacun de ses salariés en CDD (ou intérimaire) une somme égale à 2 fois le (faible) montant actuel du DIF portable (soit 9,15 € x 2 = 18,30 € par heure de DIF) ;
  • confier aux Fongecifs la gestion les compteurs, des financements et l’accord DIF sur des critères simples et très ouverts ;
  • réaliser toutes les heures de formation DIF hors du temps de travail, entre deux missions ou contrats des salariés et sans paiement d’allocations formation (ni de frais annexes très coûteux pour les entreprises ou les Fongecifs).


On pourrait ainsi, sans taxer les entreprises qui recourent aux contrats courts et sans désorganiser le travail, offrir à bon compte une sécurisation effective des travailleurs au sein de la désormais exigeante économie de la connaissance.

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