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14 / 06 / 2012 | 15 vues
Xavier Burot / Abonné
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La responsabilité sociale des centres d'appels face aux juges

En moins d’un mois, deux entreprises, qui s’enorgueillissent de détenir le label de responsabilité sociale depuis sa création en 2004, viennent de se faire condamner par la justice pour des faits pas vraiment conformes à la « responsabilité sociale » affichée.

Les sociétés épinglées par les juges ne sont pas n’importe lesquelles, mais celles d'Eric Dadian (CCA International) et Laurent Uberti (Acticall). Ces derniers sont respectivement président de l’AFRC [1], association de lobbyistes pour le premier, et président du SP2C [2], syndicat patronal du secteur, pour le second. Et de ce fait, membres statutaires de l’ALRS [3] qui délivre le fameux « label de responsabilité sociale ».

Mais apparemment, leur « social » est bon pour les affaires mais pas vraiment pour les salariés.

Pression syndicale chez CCA International

Dans la première affaire, la société CCA International a été condamnée pour harcèlement sur notre  ancienne déléguée syndicale CGT du site de Carmaux. Celle-ci s’est accompagnée de lourds dommages et intérêts pour la rupture aux torts exclusifs de l’entreprise.

Par cet acte, le conseil de prud’hommes d’Albi, en formation de départage, a souhaité sanctionner la société pour les différentes pressions et discriminations qu’a subies notre camarade après qu’elle ait dénoncée publiquement, en 2008, l’inertie de l’entreprise face aux nombreux chocs acoustiques dont pâtissaient ses collègues. Cela lui a d’ailleurs valu une plainte pénale de la part de l’entreprise pour diffamation, qui a été par deux fois classée sans suite. Pour autant, cela n’a pas empêché, l’entreprise de l’introduire une 3ème fois, avec succès. Il aura fallu la pression de notre organisation ainsi que celle de la presse locale, pour que celle-ci soit définitivement abandonnée.

Dans le même temps, elle a fait l’objet d’attaques de plus en plus virulentes de la part du directeur du centre. À tel point que le 1er décembre 2010, notre camarade a été déclarée inapte à son travail par le médecin du travail. Profitant de l’occasion, la société a formulé une demande d’autorisation de licenciement de notre camarade. Celle-ci a été refusée par l’Inspection du travail, décision confirmée par la Ministère du Travail, en raison du lien direct entre l’inaptitude et l’exécution de ses mandats syndicaux. C’est donc pour mettre fin à cette situation et faire reconnaître officiellement la responsabilité de son employeur dans la détérioration de son état de santé.

Et son cas n’est pas unique car en 2010, la société avait déjà été condamnée pour discrimination à l’encontre deux autres élues CGT du site.

  • Mais peut-être que chez CCA International faire pression sur les élus jusqu’à ce qu’ils craquent est considéré comme une façon socialement responsable de mettre en œuvre le dialogue social.

1er mai 2009 travaillé chez Acticall

La seconde affaire remonte à 2009, date où SFR a demandé à Acticall d’assurer sa relation client le 1er mai de la même année. Malgré le rappel du comité d’entreprise sur l’interdiction du travail à cette date, la direction de la société a passé outre. Pire, manquant de volontaires, elle a imposé à un certain nombre de salariés de venir travailler le seul jour du calendrier obligatoirement férié, chômé et payé.

Face aux mécontentements des salariés, un appel à la grève a été lancé par la CGT. Celle-ci a été suivie par une quarantaine de salariés, qui ont été sanctionnés par une retenue de salaire correspondant à une journée.

L’Inspection du travail, saisie par les organisations syndicales, a dressé un procès-verbal pour non-respect des dispositions relatives au 1er mai. Celui-ci a été transmis au Procureur de la République qui a considéré les faits suffisamment graves pour renvoyer la société Acticall et le directeur de site devant la juridiction pénale.

  • Après 3 ans de péripétie et une tentative de faire annuler le dossier via une question prioritaire de constitutionnalité, le tribunal a condamné la société et le directeur de site, chacun, à payer une amende de 400 euros par salarié appelé à travailler ce jour-là, soit 46 personnes. À cela s’ajoute une obligation de verser la somme de 3 000 euros à la CGT.

La seule déception dans cette affaire est la relaxe de M. Uberti. Celui-ci a rejeté l’intégralité de la responsabilité de cette faute sur le directeur de site, alors qu’il était au courant du recours au travail le 1er mai pour en avoir discuté avec les élus du comité d’entreprise lors de la réunion de cette institution au mois d’avril 2009. Il avait donc tout pouvoir pour que cette infraction ne soit pas commise, mais il a préféré laisser son directeur se débrouiller tout seul et payer les conséquences d’une décision dont il n’était pas maître.

Mais que voulez-vous, chez Acticall, « business is business ». Le client est toujours privilégié par rapport au respect du droit et des salariés.

Ces événements, hélas non isolés, démontrent bien que pour les entreprises de relation client, labélisées ou non, la question du social est secondaire. Seuls les profits comptent !

[1] Association française de la relation client.
[2] Syndicat des professionnels des centres de contacts.
[3] Association pour la promotion et le développement du label de responsabilité sociale de la relation client.
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