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10 / 04 / 2009 | 2 vues
Elsa Fayner / Membre
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Inscrit(e) le 22 / 09 / 2008

« Quand je pars le soir, je n’ai qu’une hâte, c’est revenir »

« J’ai commencé comme manutentionnaire, et j’ai gravi en vingt ans tous les échelons de l’entrepôt. Jusqu’au jour où j’ai eu l’opportunité de monter dans les bureaux pour être acheteur junior.
Puis mon supérieur est parti. Je me suis retrouvé seul à assurer tout le travail pendant six mois. C’était vraiment fastidieux, mais je l’ai fait, je n’avais pas le choix. Je pensais aussi pouvoir devenir acheteur. Mais un type a débarqué, et m’est passé sous le nez. Il m’a pris ma place, quoi.

Se taire ou partir

Je n’ai rien dit, je ne l’ai même pas mal pris. Ce groupe, c’est viscéral, je m’y sens bien. Et puis, ici, je n’ai jamais rien réclamé, je suis d’une époque où on est très content de bosser, et on ne réclame pas. Et puis, je n’ai jamais connu d’autres patrons dans le secteur, je ne peux pas comparer. Il paraît que je pourrais gagner beaucoup plus ailleurs pour le même poste… Mais, ici, dès qu’on demande quelque chose ici, c’est refusé. On n’est pas capable de discuter, de trouver des arrangements. Il faut se taire, ou partir.

 

« Je me fixe moi-même des objectifs »


Pourquoi rester alors ? Je ne sais pas. Pour le bien-être, je n’ai pas de stress. Je suis passé par tous les postes ici, je suis respecté maintenant. Je n’ai de compte à rendre à personne. Nous n’avons pas de chiffres, pas d’objectifs à respecter. Moi, quand je pars le soir, je n’ai qu’une hâte, c’est revenir le lendemain matin. Parce que c’est un métier vivant. Tous les jours, je négocie les prix de mes produits. Si j’apprends que je peux avoir moins cher ailleurs, je négocie à nouveau. Je cherche toujours le bon produit du jour, le meilleur, au meilleur prix. Je me fixe moi-même des objectifs. Et j’adore ce métier.

 

Une fusion par absorption


Le drame, c’est que, récemment, nous avons appris que notre entrepôt allait disparaître, qu’il fusionnait avec un autre entrepôt. Ils appellent ça une fusion par absorption, pour créer une méga centrale. Pour acheter en gros, disent-ils. Pour faire des économies de salaires aussi. C’est une désillusion pour moi, de voir comment ils nous traitent. Les collègues s’en vont un par un, ils sont cassés. Ils acceptent des postes dans des magasins, où les horaires sont plus difficiles et plus variables. Quelques salariés ont le privilège de pouvoir rejoindre la méga centrale… à plus de 100 km d’ici. Je n’en fais pas partie. On m’a fait d’autres propositions : soit je rejoins un magasin en acceptant de régresser dans la hiérarchie, soit je retourne en entrepôt pour effectuer le travail que je faisais il y a dix ans, soit je vais au siège à Paris. Ca me permettrait de progresser, c’est ce que j’ai demandé. Parce que j’aimerais continuer ma vie dans le groupe, même avec un salaire moindre qu’ailleurs. Je lui dois tout, il m’a aidé à mes débuts : tout ce que j’ai aujourd’hui, c’est grâce au groupe ».

(1) Le prénom et certains éléments identifiants ont été modifiée à la demande de l’intéressé.

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