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22 / 01 / 2013 | 3 vues
Sylvain Thibon / Membre
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Les bouquets et les « boxes », pour une stratégie offensive de Canal+

Les facteurs de la crise qui s'annonce nous sont-ils tous livrés ? La souffrance de notre modèle économique est aujourd’hui analysée comme résultant d’une situation économique tendue, de l’arrivée d’un opérateur qualifié d’irrationnel, de la multiplication des offres télévisuelles et notamment des chaînes de la TNT, d’un accroissement de la fiscalité qui pèse un peu plus chaque année sur le compte de résultats…

Ces facteurs participent sans aucun doute aux soubresauts actuels mais n’oublie-t-on pas dans cette analyse un élément purement technique, un choix stratégique, celui qui consiste à privilégier le satellite au détriment de l’ADSL ou de la fibre optique ? La question mérite d’être posée après la lecture d’une étude anglaise succincte mais fort intéressante sur les effets de la télé connectée sur le marché de la « pay TV » (chaînes payantes à l’heure de la télévision connectée [novembre 2012]).

Réalisée en novembre 2012 par le cabinet britannique Enders Analysis, cette étude porte un regard sur le marché de la consommation mondiale de la télé sur internet et met en exergue une spécificité purement française. C’est sur cette partie de l’analyse que nous voulons appuyer notre démonstration pour remettre en question une stratégie vieille de 5 ans. Une éternité dans ce domaine. Une autre partie de cette étude relativise les conséquences de la télé connectée et des acteurs comme Netflix, Amazon, Google, Apple sur le marché de la « pay TV » classique. Nous y reviendrons.

La France connaît donc un développement de la télé sur internet unique au monde : 35 % de foyers, 25 % de l’audience. En grande partie grâce à la télé sur internet, la part des foyers connectés à une plateforme payante (sans être nécessairement abonnés) avoisine les 75 %.

De ce fait, le rapport poursuite que la France compte certainement la plus forte proportion de foyers adressables en Europe. « Les FAI et leurs boxes sont installés au cœur de l’écosystème audiovisuel français mais ne savent pas exploiter leur position ».

Toujours selon cette analyse, les FAI se sont montrés peu compétents en matière de télévision, en se focalisant sur des options et des offres premium souvent médiocres. De plus, les magnétoscopes numériques sont distribués avec des interfaces inadéquates en recherche ou en programmation, la télé de rattrapage est généralement mal intégrée au guide des programmes, les forces de vente des FAI ne sont pas adaptées au marketing de la télé payante. Ce n'est pas leur métier mais le nôtre.

  • Sur le plan macroéconomique, cette analyse confirme ce que nous constatons localement dans notre expérience individuelle avec nos propres FAI que la télé, c'est un métier.

De ce fait, le marché, s'il bénéficie d'une attention naturelle, reste encore à traiter. Pourtant, malgré les coupes budgétaires et les plans d'économies, nous continuons d’investir des sommes colossales pour le satellite. Aide à l’installation, financement de la parabole, accès facilité, ce modèle soi-disant vertueux touche peut être à sa fin. En effet, sur le segment de la diffusion des produits culturels, l’ADSL et bientôt la fibre optique vont continuer de progresser à la vitesse d’un cheval au galop.

Déjà, il n'y a pas si longtemps : l'AD quoi ?

 

Il y a quelques années, Canal+ avait déjà douté alors que ses anciens dirigeants, notamment l’ex-patronne de la distribution, Isabelle Parize, ne croyait pas à l'éventuelle diffusion de programmes de télévision sur le réseau téléphonique… Pourtant, les avancées technologiques et l’arrivée de Free ont déjà bouleversé les schémas bien établis de la segmentation des activités : hertzien et satellite pour la télévision, ADSL pour le téléphone et internet…

Malgré les efforts indéniables réalisés sur ce segment d'activités avec l'ensemble des FAI, n’est-on pas encore dans ce schéma idéologique tout orienté sur le compte de résultat de court terme ?

Nos outils, nos offres, notre marketing sont essentiellement tournés vers la commercialisation de supports classiques. Ces supports vont constituer encore pour très longtemps une base solide de nos affaires modèles. Mais peut-on dénier l’importance chaque jour plus importante et à terme prédominante de l’ADSL ou de la fibre comme support naturel de la commercialisation de nos offres ? Sans négliger l'éditorialisation, une compétence que Canal+ possède depuis toujours et que même les acteurs irrationnels ne sauraient lui retirer.

La bataille est engagée. Investir massivement ce segment (au besoin en reconsidérant des choix commerciaux et une stratégie qui vieillit très vite) apparaît urgent. À l’heure des grands choix et des bouleversements technologiques, on ne saurait faire l’impasse sur cette nouvelle donne. Des avancées parfois conséquentes ont ouvert le chemin ces dernières années. Mais est-ce suffisant ? Stratégie, outils, moyens : toutes les analyses nationales ou internationales convergent pour dire l'avenir du modèle. Sur ce segment, nous sommes les meilleurs.

Engageons l’aggiornamento indispensable pour que demain soit synonyme de conquête et de réussite. Investissons plus et mieux.

Ce serait un gage de confiance. Ce serait aussi partager une stratégie nouvelle. Ce serait mettre enfin en œuvre une organisation au service des affaires. Ce serait également rassurer les milliers de salariés qui ne voient pour l'instant que les plans d'économies successifs se succéder année après année, des effectifs sous tension, des départs qui se multiplient.

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