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13 / 05 / 2014 | 3 vues
Xavier Berjot / Membre
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Le licenciement pour faute lourde

Parmi les licenciements disciplinaires, le licenciement pour faute lourde est peut-être celui qui est le moins utilisé par les employeurs. En effet, sa définition est particulièrement restrictive puisqu’elle implique une intention de nuire à l’employeur.

Définition de la faute lourde


Selon la Cour de cassation, « la faute lourde est celle commise avec intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise » (Cass. soc., 9 juillet 1991, n° 89-41.890).

À l’instar de la faute grave, la faute lourde implique que le maintien du contrat de travail pendant le préavis n’est pas possible.

Elle se distingue, non par son degré de gravité, mais par l’intention du salarié au moment de la commission des faits.

Ainsi, les juges du fond ne sauraient reconnaître l'existence d'une faute lourde sans relever l'intention de nuire du salarié vis-à-vis de l'employeur ou de l'entreprise (Cass. soc., 21 juin 2006, n° 04-43.388).

Cette solution trouve notamment à s’appliquer en cas de vol : la Cour de cassation considère en effet que celui-ci, bien que constituant une infraction pénale, ne caractérise pas nécessairement l’intention de nuire à l'employeur (Cass. soc., 26 octobre 2004, n° 02-42.843).

Exemples de faute lourde


Il n’existe pas de catalogue de fautes lourdes mais des exemples tirés de la jurisprudence.

Ainsi, la Cour de cassation a pu juger que constituaient une faute lourde les comportements suivants :

-          le fait, pour une secrétaire, de détourner des chèques établis au nom de l'employeur en masquant ces opérations frauduleuses par de faux enregistrements comptables (Cass. soc., 30 septembre 2013, n° 12-15.143) ;

-          les actes d’un salarié favorisant une entreprise concurrente dans laquelle son épouse avait des intérêts, en mettant à sa disposition du personnel et du matériel de sa propre société (Cass. soc., 24 septembre 2008, n° 07-42.652) ;

-          les détournements et la revente illicite de carburant de la part d’un directeur, ces malversations ayant été commises au préjudice de son employeur (Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-22.789)

-          le dénigrement de l'employeur pour inciter les clients à s'adresser à une autre entreprise (Cass. soc., 18 décembre 2013, n° 12-15.009).


En définitive, quels que soient les faits reprochés au salarié, la Cour de cassation contrôle si ceux-ci caractérisent une intention de nuire de la part du salarié.
 

Sanction et prescription des faits fautifs


Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales (C. trav. art. L. 1332-4).

La connaissance des faits par l’employeur doit être comprise comme l’information exacte sur la réalité, la nature et l’ampleur des faits reprochés au salarié.

Ainsi, un employeur ne saurait invoquer une faute lourde à l'encontre d'un salarié plus de quatre mois après avoir eu connaissance des faits lui étant reprochés (Cass. soc., 9 avril 1992, n° 90-45.378).


Selon la Cour de cassation, le délai de deux mois n’est pas suspendu ou interrompu par la maladie du salarié (Cass. Soc., 13 juillet 1993, n° 91-42964).

Par conséquent, l’employeur doit convoquer le salarié à l’entretien préalable à son éventuel licenciement dans ce délai.

À défaut, le licenciement sera jugé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Enfin, aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction (C. trav. art. L. 1332-5).

Ici encore, ce délai de trois ans court à compter de la date de la convocation du salarié à l’entretien préalable.

 

Procédure du licenciement pour faute lourde

1. La mise à pied à titre conservatoire

La mise à pied à titre conservatoire peut être définie comme l’acte par lequel l’employeur demande au salarié de ne plus se rendre à son poste de travail dans l’attente de la décision à intervenir.

L’employeur qui reproche une faute lourde au salarié n’a pas l’obligation juridique de prononcer à son égard une mise à pied à titre conservatoire.

Toutefois, cette mesure s’impose en pratique, puisque la faute lourde implique, comme la faute grave, que le maintien du salarié dans l’entreprise n’est plus possible.

La mise à pied à titre conservatoire a pour effet de suspendre immédiatement l’exécution du contrat de travail.

En pratique, elle est notifiée au salarié en même temps que sa convocation à l’entretien préalable au licenciement.

Pendant la période de mise à pied à titre conservatoire, le salarié ne perçoit aucune rémunération.

En revanche, si l’employeur estime finalement que les faits ne justifient qu’un licenciement pour faute simple, le salarié peut prétendre à la rémunération correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire (Cass. soc., 3 février 2004, n° 01-45989).

2. L’entretien préalable

De manière classique, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement.

L’entretien préalable ne peut pas avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée de convocation ou sa remise en main propre (C. trav. art. L. 1232-2).

Au cours de l'entretien préalable, l'employeur doit indiquer les motifs de la décision envisagée et recueillir les explications du salarié.


3. L’incidence de dispositions conventionnelles

Certaines conventions collectives peuvent contenir des dispositions spécifiques en matière de licenciement pour faute (dont la faute lourde).

À titre d’exemple, certaines conventions collectives prévoient que le licenciement pour faute ne peut être décidé qu’après la saisine d’un conseil de discipline, appelé à donner son avis préalable sur le licenciement envisagé.

Ces garanties conventionnelles constituant des règles de fond, leur violation prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

L’employeur doit donc respecter scrupuleusement les dispositions conventionnelles qui sont applicables à la relation de travail.

4. La notification du licenciement

La notification du licenciement pour faute lourde ne peut intervenir au plus tôt que deux jours ouvrables après la tenue de l’entretien préalable.

Par ailleurs, le licenciement pour faute lourde ne peut intervenir plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien préalable (C. trav. art. L. 1332-2).

Ici encore, la convention collective ou un accord collectif peuvent prévoir des dispositions impératives pour l’employeur.

 

Indemnités dues au salarié


Comme la faute grave, la faute lourde est privative d’indemnité de préavis (C. trav. art. L. 1234-5) et de licenciement (C. trav. art. L. 1234-1).

En outre, elle prive le salarié de l'indemnité de congés payés afférente à la période de l'année en cours lors du licenciement (Cass. soc., 28 février 2001, n° 98-45.762).

Le salarié licencié pour faute lourde perd enfin son droit individuel à la formation (C. trav. art. L. 6323-17) et le droit au maintien des garanties complémentaires de santé et prévoyance (avenant n° 3 du 18 mai 2009 à l’ANI du 11 janvier 2008).

En revanche, il peut prétendre aux allocations d’assurance-chômage.

En conclusion, rappelons qu’en cas de faute lourde, le salarié est susceptible d’engager sa responsabilité pécuniaire à l'égard de l’employeur (Cass. soc., 21 octobre 2008, n° 07-40.809).

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