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12 / 07 / 2018 | 7 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Retraites par points, la retraite en moins !

Alors que le débat sur la réforme des retraites vient de s'engager et que les réflexions, informations les plus diverses ou « ballons d'essai » circulent (il faut dire que c'est la période !) avec les démentis plus ou moins clairs des responsables gouvenementaux, la confédération FO a tenu, dans un document dense et argumenté, à rappeler ses positions , en apportant un éclairage assez complet sur ce dossier aussi complexe que sensible que nous reprenons ci-dessous.

La réforme annoncée se met en place, dans un premier temps sous la forme d’une concertation pilotée par le Haut Commissaire à la réforme des retraites (HCRR).

Conformément au mandat donné par le congrès, la confédération s'y rend aux réunions qui vont s’échelonner jusqu’en fin d’année 2018, afin d’y défendre les positions et revendications  : maintien des régimes existants, maintien des statuts et refus d’un régime unique en points ou en comptes notionnels. Maintien de tous les régimes existants avec leurs dispositifs actuels de solidarité et droits dérivés, tels que pensions de réversion ou d’orphelin.

Nous sommes aujourd’hui à la moitié de la consultation et, même si aucune décision n’est officiellement prise, nous avons manifesté notre opposition totale à la remise en cause de la réversion. Notre action a obligé la ministre à sortir du bois pour affirmer que la réversion ne serait pas remise en cause mais serait harmonisée. Reprenant l’expression officielle du gouvernement, le 19 avril dernier : « il n’y aura pas d’alignement par le bas », nous avons revendiqué un mécanisme de réversion à hauteur minimum de 60 % du droit du défunt, attribué sans condition de ressources.

Introduire une condition de ressources, c’est dans un terme plus ou moins proche, faire disparaître les pensions de réversion. En bloquant le plafond de ressources au fil du temps, cela exclut de plus en plus de bénéficiaires. Nous ne faisons pas de procès d’intention, nous examinons simplement les faits. Le 28 juin, le gouvernement a déclaré que les pensions de réversion pourraient à l'avenir diminuer ou augmenter. Nous avons réagi immédiatement en dénonçant ces propos.

La loi de programmation des finances publiques du 22 janvier 2018 prévoit une trajectoire des administrations de Sécurité sociale en diminution de 1,5 point de PIB entre 2018 et 2022. Autrement dit, ce sont 30 milliards d’euros de dépenses sociales en moins. Dans ce même texte, on peut lire que « la modération des dépenses des branches vieillesse et famille contribuera à l’objectif global de redressement des finances publiques ». C’est pourquoi, nous demandons une garantie sur un niveau de dépenses au moins égal à celui d’aujourd’hui ; nous n’avons évidemment pas de réponse, ni du HCRR, ni du gouvernement.

La confédération a réagi par communiqués de presse, à la fois sur les réversions mais aussi sur le mécanisme même de la retraite en points, mécaniquement plus pénalisante que le système en annuités. Pour être bien compris, le système en annuité (aujourd’hui 41,5) retient pour le salaire annuel moyen (SAM) les 25 meilleures années. Un système en points tient compte de toutes les années, les « bonnes » comme les « mauvaises » : à l’arrivée, le taux de remplacement [1] sera donc plus faible et la retraite sera inférieure. À nos interlocuteurs qui nous ont fait remarquer que les 25 meilleures années pénalisent les gens ayant peu travaillé, nous avons donné la solution : le retour aux dix meilleures années.

Autre sujet en débat : le futur système se traduirait par un versement « unique » (un seul paiement) de la retraite tous les mois. Quelle date sera retenue : la fin du mois comme dans le public, le mois suivant comme à la CNAV ou encore le début du mois à l’AGIRC-ARRCO ? La fin du mois pourrait signifier pour les retraités du privé un décalage de pension de presque un mois !

S’il est facile de jongler avec des concepts, nous rappelons à chaque fois que les retraités (comme les actifs) ne se nourrissent pas de concepts. Au bout des grandes théories simplificatrices, il y a des gens qui perçoivent un droit qu’ils se sont constitués tout au long de leur vie.

Enfin et à ce stade, l’architecture envisagée évoque un « système universel public », donc une gouvernance à dominante « État » et « Parlement » : ce serait alors la fin du paritarisme de combien d’organismes gestionnaires ?

Nous le constatons progressivement : le slogan de campagne électorale ne tient pas face à la réalité et nous le dénoncerons tout au long de la concertation.

Comme nous le disons depuis le début des débats, la retraite par points imposée va individualiser et renverra à chacun la responsabilité de se « trouver des points ». Le gouvernement refuse, malgré nos demandes répétées, de déterminer concrètement ce que serait le mécanisme en points : il cherche manifestement à masquer ce que cela induira de fait sur les régimes existants (issus de spécialités liées à la pénibilité des emplois), le code des pensions civiles et militaires et les statuts et surtout que tous les parcours hachés ou atypiques y perdront lourdement. Les femmes et les travailleurs en général aux périodes non travaillées (chômage, maladie, handicap, aléas et contraintes de la vis etc.) seront les grandes victimes d’une telle évolution. Mais il paraît qu’ils seront « libres » en étant les seuls responsables de leurs difficultés et avec au final l’impossibilité pour eux de prendre leur retraite, n’atteignant jamais un nombre de points suffisants pour partir décemment. Un pas de plus vers la « retraite des morts »…

Dans la phase qui s’ouvre ce mois de septembre, la confédération FO rappelle qu'elle continuera de porter ses revendications et s'opposera à tous les points qui marqueront des reculs (en l’occurrence, « points » et « reculs » semblent synonymes…).

[1] Le taux de remplacement est le rapport entre la dernière paie et la première retraite.

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