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25 / 09 / 2023 | 143 vues
Odile Chagny / Membre
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Synthèse des travaux du projet SECOIA Deal : « SErvir la COfiance dans l’IA par le dialogue »

Le projet SECOIA DEAL, piloté par la CFE-CGC en collaboration avec ses partenaires (IRES, Astrées, CIDA et U2P) auxquels se sont associés (la CEC European Managers, l’ONG AlgorithmWatch, la Fondation Brodolini, l’organisation Ledarna) a constitué et réuni durant deux années (2021-2023) une communauté d’acteurs européens d’horizons variés (experts IA ; experts RH, éditeurs de logiciels, avocats, syndicalistes, dirigeants de petites entreprises, manageurs, chercheurs, …) partageant l’envie de travailler collectivement sur le sujet de l’Intelligence Artificielle et du Dialogue Social.
 

La méthode de co-construction déployée par la communauté SECOIA Deal (choix des thèmes d’exploration et d’expérimentation, élaboration des outils mis à disposition) préfigure en elle-même une forme nouvelle de dialogue enrichi. Après deux années de travail intensif, riche et passionnant, le projet européen SECOIA Deal (Servir la Confiance dans l’IA par le Dialogue) a adressé fin avril à la Commission Européenne ses principales conclusions et propositions dans un rapport disponible en cinq langues  https://secoiadeal.eu/?page_id=229
 

Les thématiques du projet
 

L’intégration de la technologie d’Intelligence Artificielle bouleverse notre société et le monde du travail. La transformation économique et les changements organisationnels qui en découlent entraînent de multiples questions, qu’il s’agisse de nouvelle façon de partager la valeur créée, comme d’apprendre à travailler ensemble avec ces nouveaux systèmes.


Ces sujets étant rarement traités jusqu’ici dans la négociation collective, le projet SECOIA Deal, composé d’une communauté d’acteurs européens pluriels s’est attaché pendant deux ans (2021-2023) à explorer les volets économiques et organisationnels de mise en œuvre de ces nouveaux systèmes.


Sur la base d’enseignements marquants que les temps de montée en compétences commune et de partages d’expériences ont apportés, la Communauté d’acteurs de SeCOIA Deal a imaginé des recommandations et des outils pour répondre aux impacts des systèmes d’IA dans ces 2 dimensions. Ces propositions concrètes partagent en commun la nécessité d’instaurer un dialogue enrichi de nouvelles parties prenantes, de nouvelles thématiques, de nouvelles modalités. Ce dialogue nouveau est un prérequis indispensable à la création de confiance entre les différents acteurs réunis par la mise en place de systèmes d’IA.


Le projet apporte quelques briques dont les acteurs, notamment dans les TPE et PME, pourront, nous l’espérons, s’emparer pour construire des modalités de dialogue renouvelé.


Les recommandations et outils proposés


Les recommandations et outils proposés ambitionnent d’être opérationnels, au service de la confiance par le dialogue.


Ils recouvrent différents périmètres, thématiques et modalités de dialogue. Certains outils relèvent d’une logique de dialogue social au sens strict, d’autres d’une logique de dialogue élargi, pouvant se déployer au niveau d’une filière, d’un secteur, ou, de façon plus large, à l’échelle des parties prenantes concernées par l’impact des systèmes IA. Trois principaux périmètres sont distingués : celui de l’entreprise, celui de la filière, celui de l’Union Européenne.


Pour que cette confiance soit portée par les acteurs, les outils appellent des actions transverses d’acculturation, de formation et de sensibilisation du grand public, des dirigeants d’entreprises, des représentants du personnel, pouvant déboucher sur des formations plus approfondies.
 

Les outils dans le périmètre de l’entreprise
 

En vue d’assurer la déclinaison dans l’entreprise de « l’auto-régulation » prôné par le futur cadre européen sur l’IA, il s’agit de renforcer la capacité des entrepreneurs, notamment des TPE/PME, des représentants des salariés et plus généralement du dialogue social, à exercer un “contrôle de premier niveau” sur le lieu de travail. Pour ce faire, 3 outils sont proposés :

 

  • Le Registre des systèmes d’IA dans l’entreprise sur le modèle du registre des traitements de données personnelles ;
  • La Clause de revoyure, levier pour organiser un suivi des usages et des technologies des systèmes d’IA utilisés ou à venir dans l’entreprise ;
  • Un Comité Ethique IA avec un délégué Ethique, sur le modèle du délégué à la protection des données personnelles.


Un outil dans le périmètre de la filière : le Radar de la valeur


L’IA se nourrit de données. Leur qualité est essentielle pour assurer la crédibilité et la performance attendue des systèmes d’IA, elles sont à l’origine de la création de valeur. Les discussions au sein de la Communauté d’acteurs et l’expérimentation conduit dans la filière de la réparation automobile ont montré toute l’importance de rendre visible cette création de valeur pour en discuter un partage équitable.


Le Radar de la valeur vise répondre à ces enjeux. Il permettrait :
 

  • D’identifier la valeur qu'une application d'IA génère sur les 3 dimensions : revenus, coûts, satisfaction expérience salariés et utilisateurs de l’IA ;
  • De cartographier cette valeur avec la carte des parties prenantes de l'application qui comprend la Filière dans son ensemble, les clients, les fournisseurs, la société et les salariés. La cartographie déterminera les impacts négatifs potentiels sur certaines des parties prenantes, en vue d’une éventuelle compensation ;
  • De vérifier l’équitabilité de la valeur créée par l’application, et qu’il n’y pas de gagnants et de perdants chez les parties prenantes.
     

Dans le périmètre européen
 

Les recommandations proposées ont un point commun : consacrer l’apport du dialogue entre un ensemble de parties prenantes (usagers, clients, prescripteurs, éditeurs, acheteurs…) dans les discussions institutionnelles européennes, en amont des textes et dans le suivi des textes.


Cette approche semble vertueuse en ce qu’elle permet aux acteurs d’être informés, sensibilisés et enrichis des points de vue et expériences des autres tout pouvant nourrir les institutions européennes chargées de proposer les évolutions du cadre européen.


C’est dans cet esprit que sont avancées les recommandations sur :

 

  • La mise en place d’une Communauté ouverte d’utilisateurs d’outils d’IA. Le potentiel de création de valeur lié aux données est immense et sujet de captation par quelques acteurs dominants. Les moyens des acteurs, notamment les TPE/PME, que ce soit au niveau d’un secteur ou d’une filière, pour l’exploiter et en tirer tous les bénéfices, sont très inégaux et leurs attentes très diverses. Les producteurs de données et utilisateurs doivent devenir les acteurs et non les « victimes » de l'IA car ils produisent les données qui font les algorithmes. Cette communauté accueillerait des représentants d’industries, des services, du commerce, grands groupes et TPE-PME, des experts en matière de Machine Learning/IA et des représentants des syndicats, sous l’animation d’une fondation créée par une autorité de l'UE ;

 

  • La mise en place d’un Groupe Européen Permanent d’échanges sur la Stratégie Européenne d’IA. Ce Groupe Européen Permanent viendrait combler le besoin d’un espace pérenne d’échange et de partage entre les acteurs impactés par les outils d’IA dans les différents pays de l’UE, en parallèle des travaux des institutions publiques et en complément du cadre institutionnel. Il permet d’instaurer un espace permanent d’échanges sur la politique européenne menée et le vécu dans les affaires et dans les organisations du travail ;

 

  • La sacralisation d’un espace de dialogue à tous les niveaux de régulation, en partant des utilisateurs : il s’agit ici de rompre avec la logique descendante de conformité présumée jusqu’aux usagers pour l’inverser, en partant des utilisateurs et leur permettre d’exprimer leur points de vue et leurs attentes à tous les niveaux où ces sujets doivent être régulés. Ce principe doit être reconnu dans la règlementation de l’UE sur les données et sur l’IA ;

 

  • L’inscription dans les traités européens un processus de dialogue de parties prenantes sur les projets de régulation de l’IA dans l’UE : sur le modèle de ce qui existe dans le domaine social, pourrait être reconnue, dans le cadre de fonctionnement des institutions européennes, une phase de dialogue, dans un cadre formalisé avec des acteurs officiellement identifiés en amont de toute nouvelle initiative réglementaire afférente à l‘IA, et le cas échéant, en complément des pratiques de livres verts et blancs.


Des recommandations et outils transversaux : l’acculturation et la formation aux enjeux et impacts de l’IA


Devant la technologie spécifique qu’est l’IA, il apparaît indispensable de permettre une compréhension de ce qu’elle engendre par tous les utilisateurs, des citoyens aux dirigeants d’entreprise, décideurs de la stratégie d’affaires et d’investissement dans les outils d’IA Il importe également de sensibiliser et de former spécifiquement les représentants des salariés et agents. Le projet rappelle l’existence de plusieurs supports d’acculturation existants pouvant inspirer des actions de sensibilisation grand public. Le projet propose des contenus de formation de regards croisés dirigeants d’entreprise/représentants des travailleurs. Enfin, le projet recense les différents financements, notamment européens, qui pourraient être mobilisés pour réaliser ces actions.

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