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28 / 08 / 2025 | 11 vues
Nicolas Faintrenie / Membre
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Politique en faveur des jeunes: la grande oubliée de 2025 !

Tandis que l’attention se focalise sur les seniors, les jeunes travailleurs subissent une précarité accrue, une dégradation de leurs conditions d’insertion, et une remise en cause des politiques d’apprentissage. Notre organisation syndicale  alerte sur les risques d’un recul durable.

 

L’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) a publié une « boîte à outils » sur les politiques en faveur des jeunes (1) . Ce nouvel instrument permet de suivre, à travers le prisme des jeunes générations, les différentes études qu’elle mène (2).


L’occasion de constater le trou d’air que traverse notre pays concernant sa politique publique de la jeunesse.


Polarisation des politiques publiques sur l’âge des travailleurs


En France, les politiques publiques du travail sont largement polarisées sur deux extrêmes d’âge :
 

  • d’un côté les jeunes en phase d’entrée ou de stabilisation dans l’emploi ;
  • de l’autre, les seniors, désormais appelés « salariés expérimentés «, pour lesquels des dispositifs d’accompagnement spécifiques sont promus.


Mais cette dichotomie masque une constante : à chaque extrémité, des difficultés récurrentes… et des réponses parfois maladroites, voire contre-productives.


Tandis que l’OCDE met en place cette boîte à outils, la Cour des comptes a consacré son rapport public annuel 2025 aux dispositifs mis en place par les pouvoirs publics pour accompagner la jeunesse dans ses parcours professionnels, notamment (3).


Moins connu, un Comité interministériel de la jeunesse a été créé en 1982 afin de répondre aux initiatives du Premier ministre, tandis que le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse est une commission administrative, installée en 2016, et placée auprès du Premier ministre afin de créer de la cohérence et de la transversalité dans les politiques publiques concernant les jeunes (sic).


Une actualité politique défavorable aux jeunes


Cette actualité ne doit pas dissimuler les arbitrages défavorables aux jeunes, et notamment aux jeunes travailleurs. Il ne s’agit pas de remettre en cause le projet de loi en cours de discussion, « portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social » (4).


L’actualité institutionnelle ne doit pas masquer les arbitrages défavorables aux jeunes, notamment ceux en emploi. Tandis que le projet de loi actuel se concentre sur les salariés expérimentés, les jeunes subissent de plein fouet la dégradation du marché du travail : baisse de l’intérim depuis un an et demi, difficultés dans les secteurs du conseil et de l’ingénierie, multiplication des PSE et des licenciements silencieux.

 

La fragilisation de l’apprentissage


En 2016, France stratégie publiait une note sur la jeunesse et constatait « des dépenses publiques de plus en plus concentrées sur les âges élevés » (5).


Ce constat a évolué en 2018 avec la réforme de la formation et le drainage des fonds de la formation professionnelle et de l’apprentissage vers ce dernier. Il a évolué également avec la transformation, en 2020, du dispositif paritaire « 1 jeune,1 solution ».

 

La Cour des comptes, dans son rapport précité comme dans d’autres, soulignait le bien-fondé de la politique d’apprentissage, tout en appelant à une réflexion sur la solvabilité de cette réforme et son recalibrage.


Cette évolution est en cours, avec une baisse des prises en charge des contrats d’apprentissage. Une telle évolution place les organisations syndicales dans une position délicate. En effet, la réforme de 2018 a été combattue puisqu’elle modifiait profondément le paysage paritaire, et notamment parce qu’elle affaiblissait la politique paritaire sur la formation continue, en lui substituant la gestion très contrainte d’une politique publique de l’Alternance (6).


La baisse des aides publiques pourrait ainsi être accueillie sans état d’âme.
 


Rupture de politique
 


Toutefois, cette baisse des prises en charge en défaveur des entreprises n’implique pas une baisse des tarifs des formations, et pourrait se traduire par un report sur les apprentis et leurs familles.


Elle emporte le risque d’une plus grande difficulté des jeunes à trouver une entre- prise d’accueil, et in fine d’une baisse du nombre d’apprentis. Cela renforcerait la place peu envieuse de la France concernant le taux de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif (14 % des 15-29 ans), que l’OCDE met en exergue
dans sa « boîte à outils ».


Enfin, cette baisse des prises en charge se traduit par de moindres engagements des opérateurs de compétences (OPCO), et donc des frais de structure en baisse. Les investissements nécessaires sur la qualité des formations, et notamment sur la lutte contre les ruptures des contrats d’alternance, ne pourront ainsi être réalisés.

 

Cette année sera donc celle d’une rupture dans la politique publique des jeunes, et des leviers paritaires mis en œuvre pour son succès.


La foire aux diplômes


Dans le sillage lointain des pays libéraux qui ont fait de la formation initiale et continue un marché (plus ou moins régulé), la France s’interroge sur son rôle en matière de mise en visibilité des formations, notamment sur la formation initiale et l’apprentissage. Alors qu’elle développait un système fondé sur l’appréciation du contrôle des formations proposées par les écoles, elle s’interroge pour refonder le système sur le contrôle de ces écoles.


Le sésame attaché à la structure plutôt qu’au diplôme délivré, cela permettrait à une école de mettre en avant sa marque et de délivrer des formations peu qualitatives, qu’il sera difficile au diplômé de vendre ensuite sur le « marché du travail ».


C’est une révolution silencieuse qui se déroule, dans un contexte inflationniste du coût de la scolarité et de chasse aux organismes d’Etat .
 

Au 1er trimestre 2025, selon la DARES, le taux de chômage des 15-24 ans atteint 19,2 %, en hausse. Ce renversement illustre la précarité structurelle de la jeunesse face aux fluctuations conjoncturelles. En Île-de-France, les inscriptions à France Travail bondissent de 28 % pour les jeunes, contre seulement 3 % pour les 25-49 ans. L’amélioration constatée depuis quelques années, notamment sous l’effet de la politique de subvention de l’apprentissage, est contrariée et encourt le risque d’être annihilée.

 


1). Boîte accessible à l’adresse https://www.oecd.org/fr/publications/boite-a-outils-de-l-ocde-sur-les-politiques-en-faveur-des-jeunes_2cae0310-fr.html

2). Les bornes d’âge de cette population sont différentes suivant la définition retenue par chaque étude.
3). Cour des comptes, Rapport public annuel 2025, « Les politiques publiques en faveur des jeunes ». S’agissant de l’emploi des jeunes, V. p.223 et suivantes.

4) . Suivre le dossier législatif : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/dossiers/DLR-5L17N52040

5). « France stratégie, Jeunesse, vieillissement : quelles politiques ? », Enjeux, mars 2016, p. 5.

6). L’Alternance regroupe principalement les contrats d’apprentissage et les contrats de professionnalisation et, dans une moindre mesure, le dispositif Pro-A.

 

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