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15 / 06 / 2021 | 61 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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« Nous sommes passés de 23 à 29 % de femmes dans les conseils d'administration en cinq ans » - Dominique Joseph, MutElles

Le chemin vers la parité en mutualité est encore long mais, grâce au travail de MutElles et à ses militants, la cause avance, doucement mais sûrement. Le cinquième anniversaire de ce réseau de femmes est l’occasion de faire le bilan sur le chemin parcouru et sur celui restant à parcourir avec Dominique Joseph, secrétaire générale de la Mutualité Française et présidente de MutElles.

 

Pourquoi avoir créé MutElles ?

Dominique Jospeh : En juillet 2015, une ordonnance fixant un objectif d’égale représentation des femmes et des hommes dans les conseils d’administration pour les mutuelles et fédérations de mutuelles est parue. On parlait alors de compter 40 % de femmes à l’horizon 2021, ce qui n’est pas une parité exacte.

 

Début 2016, j’ai donc fait le point sur la situation, avec l’observatoire de la parité mis en place dans les années 2000, pour savoir où en était la fédération sur cet objectif. La représentation des femmes était de 23 %. Nous n’étions pas au rendez-vous. J’ai ensuite souhaité mesurer le rythme auquel nous progressions et nous n’étions passés que de 21 à 23 % en quinze ans. Ça a été un déclic. À un tel rythme de progression, il nous faudrait 130 ans pour atteindre cette parité.

 

Je me suis alors interrogée sur les outils précédemment utilisés par d’autres organisations pour traiter la question de la parité, de la mixité et de la diversité pour faire changer la donne. Les réseaux féminins étaient vraiment le bon vecteur pour engendrer une prise de conscience pour l’intégration dans les stratégies mais aussi pour favoriser l’expression et la prise de parole. Ce qui nous inquiétait était que la réponse à la question que l’on posait était uniforme : « Nous voulons bien des femmes mais nous n’en trouvons pas ». Il fallait comprendre.

  • Pourquoi est-ce le cas ? Cherchons-nous vraiment ?
  • Les femmes sont-elles assez visibles et repérables ?
  • Comment les inciter à postuler sur des postes de déléguée, d’administratrice etc. ?
     

Ainsi, il nous a paru évident de créer ce réseau de femmes en mutualité.

 

Quels sont les objectifs de MutElles ?

DJ : Nous avons plusieurs objectifs : la mixité, jouer un rôle sociétal de prise en compte des femmes dans le système de santé et, plus généralement, dans la société et, enfin, permettre à la Mutualité Française d’avoir valeur d’exemplarité dans l’égalité hommes/femmes et le progrès social, en incarnant ces valeurs à travers une meilleure représentation des femmes.

 

C’est un véritable enjeu démocratique. Ce réseau, qui n’est pas une association et n’a pas de forme juridique définie, a pour avantage de mettre les femmes en confiance, de libérer la parole et de leur retirer de la tête qu’elles ne sont pas capables, ni assez compétentes pour postuler à des postes importants.

 

Certaines femmes ayant accédé à ces postes et font partie de MutElles s’engagent pour déconstruire ces stéréotypes et inciter d’autres femmes à oser. Oser est le maitre mot de MutElles.

 

Quel est le rôle d’un militant du réseau ?

DJ : Toute femme (et depuis deux ans tout homme) peut rejoindre MutElles. Il n’y a pas de cotisation, juste une charte à faire vivre. Il s’agit ensuite, pour ceux qui le souhaitent et le peuvent, d’en faire la promotion dans son milieu professionnel et opérationnel pour les salariés et dans les différentes instances pour les militants et les élus. Tout adhérent peut avancer le réseau comme il le souhaite via des supports, l’organisation de petits-déjeuners sur la parité et des « afterworks » pour informer et échanger sur les ambitions et objectifs et les faire intégrer dans la stratégie de son groupement. Chacun est un maillon pour faire ruisseler cet engagement et en faire une normalité. La parité ne doit plus être une exception.

 

Cinq ans après, comment la cause a-t-elle avancé ?

DJ : En moyenne nous n’avons pas atteint les objectifs. On peut dire que nous en sommes loin. Je sais pertinemment que ces résultats cachent de grands écarts. Certains groupements sont bien au-delà et ont atteint les 40 % dans les 2-3 ans de la création de MutElles. Pour d’autres, je ne suis même pas sûre qu’il y ait aujourd'hui une seule femme dans leurs conseils d’administration. Il y a une réalité que je porte auprès de la Secrétaire d’État à l’Économie sociale et solidaire, Olivia Grégoire : quand on a des mutuelles qui ne couvrent que des retraités sur un secteur de métier plutôt masculin, avec une moyenne d’âge d’élus élevée et pas de renouvellement de militants, je trouve illusoire d’exiger de ce groupement qu’il atteigne les 40 % minimum de femmes, surtout dans un tel délai.

 

Quelle est la suite ?

DJ : MutElles va continuer de se mobiliser pour accompagner les groupements au mieux ces prochaines années pour qu’ils y arrivent. Ma crainte, qui commence à devenir réalité, est que des dispositions plus contraignantes (voire des sanctions) ne soient prises au niveau des pouvoirs publics. Je voudrais éviter cela car ce serait pour moi un véritable échec. Atteindre les objectifs sous la contrainte n’est pas le signe d’un mouvement moderne, ni d’un écho de la société. Ce doit être naturel. Cette approche négative des quotas poserait la question de la juste place : « Suis-je là parce que j’ai des convictions et parce que je suis aussi compétente qu’un homme ou bien parce que je suis une femme ? ».

 

Faire intégrer la parité dans la stratégie de tous les groupements est long et difficile mais il faut du temps pour que les graines germent.

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