La Cour des Comptes se penche sur la fraude fiscale
Régulièrement évoquée dans le débat public, notamment au moment des débats budgétaires, la fraude fiscale demeure pourtant mal cernée , les chiffres les plus divers pouvant circuler en fonction de ce que chacun veut démontrer.
La Cour des Comptes s'est penchée sur le sujet et le rapport qu'elle vient publier (*) apporte un éclairage intéressant dans le contexte actuel...
Au terme d’un cycle de contrôles sur la détection de la fraude et les principaux services en charge du contrôle fiscal, la Cour des comptes dresse un bilan mitigé de la lutte contre la fraude fiscale après une décennie de transformations.
Malgré une très nette progression des échanges d’informations entre administrations nationales et internationales et le déploiement réussi d’outils de détection automatique d’une puissance inédite, les résultats du contrôle fiscal n’ont pas progressé et la fraude n’est ni plus fréquemment, ni plus sévèrement sanctionnée qu’il y a dix ans.
Plusieurs phénomènes se sont conjugués au cours des dix dernières années pour transformer en profondeur la stratégie déployée par l’administration fiscale pour détecter les irrégularités fiscales et en déduire la programmation du contrôle fiscal. Parmi ceux-ci , celui qui a marqué la décennie écoulée, est la priorité assumée d’un contrôle fiscal gouverné par des objectifs de rendement budgétaire.
Dans un contexte de réduction des effectifs, la DGFiP a cherché à systématiquement cibler ses contrôles, en privilégiant les dossiers à forts enjeux, en réduisant le nombre de contrôles sur place pour augmenter celui des contrôles sur pièces et en favorisant les modalités de conclusion les plus à-mêmes de déboucher sur des rappels de droits non contestés et rapidement recouvrés.
NDLR: Pour mémoire, c'est plus de 30 000 suppressions d’emplois ces dernières années et la double trahison de la promesse d’année blanche en 2025.....en dépit de la reconnaissance historique des efforts consentis depuis des années par le ministère et la DGFiP en particulier. La version initiale du projet de loi de finances pour 2026 prévoit que la DGFiP supportera, une fois de plus, 40% des suppressions d’emplois de la fonction publique d’État avec 558 nouvelles suppressions. ET...dans une audition auprès de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, la Ministre en a même annoncé 600 supplémentaires pour 2027
De surcroît, l’efficacité de la stratégie de lutte contre la fraude fiscale ne peut toujours pas être évaluée rigoureusement, la France continuant d’afficher un retard regrettable sur plus de quarante pays de l’OCDE en matière d’estimation de son montant, qui seule permettrait d’apprécier quelle proportion en est effectivement détectée et sanctionnée.
En 2024, 30 % des 58 administrations fiscales de l’OCDE publient régulièrement des estimations de leurs écarts fiscaux, cinq d’entre elles effectuant ce travail à un rythme annuel (l’Australie, le Canada, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède), alors qu’en France, les premiers travaux de chiffrage de l’écart fiscal n’ont été engagés par la DGFiP qu’en 2022 sur la TVA.
Il est donc indispensable que la direction générale des finances publiques (DGFiP) termine son estimation de l’écart fiscal de la TVA et estime celui relatif à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu d’ici 2027. Ces estimations doivent devenir un chantier prioritaire
La Cour appelle donc à achever le chiffrage de l’écart fiscal, préalable à l’estimation du montant de la fraude elle-même dont elle est une composante, à mieux évaluer et piloter la programmation des contrôles, à encadrer la doctrine de « règlement apaisé des contrôles » et à réaliser un bilan complet de la réforme du verrou de Bercy.
(*) Le rapport complet :