Finances publiques : quelle recette pour des recettes supplémentaires ?
Si les récents gouvernement ont considéré l’axe de la baisse des dépenses comme l’unique solution pour améliorer l’état des finances publiques, évacuant toute possibilité de recherche de recettes supplémentaires en sollicitant les ultra-riches et les très grandes entreprises -et non de manière accessoire-, la pression mise par les travailleurs exigeant des mesures de justice fiscale et sociale, se fait entendre. Notamment par les mobilisations du 18 septembre et du 2 octobre.
La problématique des recettes à doper pour le grand bien des comptes publics, est désormais au cœur d’un débat national qui va à l’évidence se poursuivre à l’occasion de la présentation des projets de textes budgétaires pour 2026.
La question de l’obtention de recettes publiques supplémentaires est désormais un débat national majeur.
Rien d’étonnant. Depuis 2017, les mesures successives de baisse d’impôts ont abouti à une perte de recettes fiscales à hauteur de 62 milliards estimait en 2024, la Cour des comptes dans un rapport. Et ce n’est qu’un aspect des difficultés pour les comptes publics. Début juillet, un rapport sénatorial chiffrait à 211 milliards d’euros en 2023 l’ensemble des aides publiques aux entreprises. Cela comprenant entre autres les dépenses fiscales (dont crédits d’impôts) représentant un manque à gagner de 88 milliards d’euros et les allègements de cotisations sociales, 75 milliards d’euros. Des aides soumises à aucune conditionnalité (sur l’emploi, les salaires, …) contrairement à ce que demande FO.
Entre propositions timides et refus ferme
Actuellement, le débat sur les recettes, fiscales et sociales, est d’autant plus vif que la dette publique et le déficit sont évoqués avec inquiétude, tous azimuts (le patronat du Medef a ainsi présenté ses pistes drastiques pour les résorber), et notamment par les chantres de l’ultra-libéralisme. Mais alors que les récents plans gouvernementaux, tel le projet Bayrou, ont voulu faire de la réduction massive des dépenses l’unique voie menant à un redressement des finances publiques -quitte à attaquer les droits des travailleurs et assurés sociaux - les mesures pour accroître les recettes et en visant les ultra-riches et les grandes entreprises restent minimes, quand elles ne sont pas repoussées.
Des mesures ont toutefois émergé, certaines sont déjà mises en action, quoique très limitées. Et faisant toujours débat. Ainsi, fin 2024, le gouvernement de Michel Barnier envisageait, initialement, une contribution fiscale supplémentaire momentanée, pendant trois ans, des ménages à hauts revenus. Cette surtaxation, appliquée au-delà d’un revenu fiscal de référence de 250 000 euros pour une personne seule et 500 000 pour un couple, visait quelque 24300 personnes. La mesure était prévue jusqu’en 2026, avec un rendement limité : moins de 2 milliards d’euros par an. En octobre 2024, un amendement pour une pérennisation de la mesure était adopté par l’Assemblée, tandis qu’une taxation sur les hauts patrimoines était rejetée.
Dans l’attente des textes budgétaires pour 2026
Après la chute du gouvernement Barnier, l’idée de surtaxer – toujours de manière très modeste- ces très hauts revenus a été reprise par le gouvernement Bayrou, mais avec une mesure applicable sur la seule année 2025. La même mesure, mais toujours aucunement corsée, était dans les tuyaux pour 2026. La question de son maintien en 2026 est actuellement évoquée. Le projet de loi de finances qui sera présenté par le gouvernement de Sébastien Lecornu apportera la réponse.
Le nouveau Premier ministre, démissionnaire ce 6 octobre 2025, a d’ores et déjà indiqué son opposition à une taxation des hauts patrimoines sur le mode de la proposition de l’économiste Gabriel Zucman (une taxation annuelle de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros). Cette proposition est soutenue par différents économistes, dont Olivier Blanchard, ex-économiste du FMI ou encore Jean Pisani-Ferry, connu comme principal auteur du programme économique d’Emmanuel Macron en 2017. Cette mesure de taxation avait été adoptée en première lecture à l’Assemblée puis rejetée en juin dernier par le Sénat.
Le Premier ministre, démissionnaire, a écarté aussi un retour de l’impôt sur la fortune. L’ISF (dont le rendement était autour de 5 milliards d’euros), supprimé par la loi de finances de 2018, consistait en une sur imposition (progressive) dès un patrimoine (immobilier et actifs financiers) net de 1,3 million d’euros. L’ISF concernait quelque 350 000 ménages. L’IFI qui l’a remplacé -payé en 2024 par 186 000 ménages- impose seulement le patrimoine immobilier net (au-delà d’une valeur de 1,3 million d’euros). En avril dernier, la DGFIP notait que le rendement de l’IFI était de 2,2 milliards d’euros en 2024 (+11% en un an). Il ne représente que 0,5% des recettes fiscales nettes de l’État.
Les très grandes entreprises contestent elles vivement, (tel Bernard Arnault, patron de LVMH) l’éventuelle poursuite en 2026 – en vue d’une recette de quatre à huit milliards d’euros- de la surtaxation de leurs bénéfices. Pour quelque 440 entreprises géantes aux chiffres d’affaires supérieurs à un milliard d’euros et à trois milliards d’euros, cela se traduit par une hausse des taux d’imposition de l’impôt sur les sociétés, les faisant passer plus ou moins, selon les cas, aux taux existant avant la réforme entamée en 2016 et qui a connu des accélérations depuis 2018.
Fraudes : une lutte aux moyens tronqués
La question des recettes passe aussi par la lutte contre les fraudes, met en avant l’exécutif depuis quelques mois. Une loi contre les fraudes aux aides publiques (notamment en matière de rénovation énergétique, de formation, …) a ainsi été promulguée le 30 juin. Par ailleurs, un projet de loi de lutte contre la fraude fiscale (estimée entre 60 et 100 milliards par an) et sociale (estimée à 13 milliards d’euros, du fait principalement des entreprises) était ces derniers mois en préparation. Il aurait dû être présenté au Parlement mi-octobre avait annoncé Sébastien Lecornu.
En 2024, 20 milliards d’euros, en fraude fiscale, avaient été détectés dont la moitié récupérée par l’État. Alors que l’exécutif affiche son intention de durcir le ton vis-à-vis des fraudes -discours tenu depuis de longues années-, reste qu’il faut des moyens pour ces luttes. Et notamment des effectifs suffisants d’agents publics. Or, les moyens déployés pour lutter contre les fraudes les plus complexes en matière de versement de cotisations sociales patronales, de fiscalité internationale et de délinquance financière sont insuffisants, conséquence des milliers de suppressions d’emplois dans les corps de contrôle (Finances Publiques, Douanes, Police Judiciaire, justice) qui démontrent qu’il y a loin du discours aux actes constatait FO déjà en 2023.
En octobre dernier, dans le cadre de la construction budgétaire pour 2025, un rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale, consacré à la lutte contre l’évasion fiscale allait dans ce sens, remarquant que plus du quart des effectifs de la DGFiP ont disparu en quinze ans. Notant encore qu’entre 2014 et 2023, en matière de contrôle fiscal, les effectifs dédiés ont constamment diminué depuis 2014 (…). Sur les 12 576 agents dédiés à cette activité en 2014, il n’en restait plus que 10 154 en 2023. Ce sont 20 % des moyens humains du contrôle fiscal qui ont été supprimés (…), et ce alors même que la lutte contre la fraude fiscale a été érigée en priorité par les gouvernements de ces dernières années.