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Conseil économique, social et environnemental: vers quelles évolutions ?
Vrai sujet, vives interrogations et inquiétudes dans le contexte actuel où de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer (une nouvelle fois) sa suppression.
"Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) occupe une place majeure dans notre paysage institutionnel et est un acteur essentiel de notre démocratie sociale." ... c'est pourtant l'accroche d'un communiqué gouvernemental de fin juin.
Pour mémoire: Le CESE est la troisième assemblée constitutionnelle de la République, il assure la représentation des forces vives économiques, sociales et associatives de notre pays.
Après avoir déjà procéder à de sérieuses réorganisations, suite à la loi organique portant réforme du Conseil économique, social et environnemental de janvier 2021, le nombre de membres siégeant au CESE passe de 233 à 175 répartis en trois pôles :
-vie économique et dialogue social ;
-cohésion sociale et territoriale et vie associative ;
-protection de l’environnement
Les 175 sièges sont répartis en 4 pôles :
- 52 représentants des salariés ;
- 52 représentants des entreprises, exploitants agricoles, artisans, professions libérales, mutuelles et chambres consulaires ;
- 45 représentants au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative (dont 8 représentants des Outre-mer) ;
- 26 représentants au titre de la protection de la nature et de l'environnement.
Installation d'un comité chargé de proposer des évolutions de la composition du Conseil économique, social et environnemental
La loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021 avait prévu que sa composition serait régulièrement revue afin de veiller à ce qu’elle reflète la diversité de la société civile.
Ce comité, après consultations des acteurs concernés, est chargé de faire des propositions en vue d’éclairer le Gouvernement sur la future composition du CESE a été installé fin juin par Patrick MIGNOLA, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Il est composé de :
-trois députés désignés par le président de l'Assemblée nationale,
- trois sénateurs désignés par le président du Sénat,
-trois membres du CESE, désignés par le président du Conseil,
- un membre du Conseil d’Etat, désigné par le vice-président de l'institution
- et un membre de la Cour des comptes, désigné par le premier président de la Cour, est chargé de faire des propositions en vue d’éclairer le Gouvernement sur la future composition du CESE.
Les membres désignés pour participer à ce comité sont :
- M. Erwan BALANANT, député du Finistère ;(Modem)
- Mme Clémentine AUTAIN, députée de la Seine-Saint-Denis ; (groupe Ecologiste et Social)
- M. Ian BOUCARD, député du Territoire de Belfort ; (LR)
- M. Ian BROSSAT, sénateur de Paris ;(PCF)
- M. Vincent LOUAULT, sénateur d’Indre-et-Loire ; (Horizons)
- Mme Laurence HARRIBEY, sénatrice de la Gironde ;(groupe socialiste, écologiste et républicain)
- Mme Anne-Marie COUDERC, membre du CESE ; 'Entreprises)
- M. Thierry CADART, questeur du CESE ; (CFDT)
- M. Jean-Karl DESCHAMPS, membre du CESE ; (Mouvement associatif)
- M. Francis LAMY, président de section au Conseil d'Etat ;
- M. Julien AUBERT, conseiller maître à la Cour des comptes.
Ce comité sera présidé par M. Francis LAMY.
Après consultation des acteurs concernés, un rapport relatif à la composition du Conseil devrait être remis avant le début de la prochaine mandature du CES mi- 2026.
Tout ça nous promet sûrement de vifs débats compte tenu des attaques en règle menées encore ces dernières semaines par des parlementaires ( peu prompts à s'interroger sur l'organisation et l'efficacité leurs propres structures), nombre "d'observateurs" ou institutions, comme la Cour des Comptes , entre autres !
Tout cà nous promet encore de vifs débats ....
A suivre!
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LE CESE, UN MODÈLE INSPIRANT
Dans un contexte de tensions budgétaires et de remise en question des institutions, le Conseil
économique, social et environnemental (CESE) fait l’objet de critiques récurrentes de la part de
certains responsables politiques.
Le CESE est parfois présenté comme une institution superflue, voire comme une cible à supprimer. Pourtant, cette vision réductrice occulte le rôle fondamental que joue le CESE dans notre démocratie. En tant que troisième assemblée constitutionnelle de la République, il incarne la voix de la société civile organisée depuis près d’un siècle.
Les origines du CESE
Le CESE est né d’un combat syndical porté notamment par Léon Jouhaux, figure fondatrice de
notre confédération, et il a traversé un siècle d’histoire en résistant aux tentatives de fusion, de
dilution ou de contournement.
• 1925 : Création du Conseil national économique (CNE) par Édouard Herriot, réunissant
syndicats et associations pour conseiller le gouvernement.
• 1946 : Le Conseil économique est inscrit dans la Constitution de la IVe République, avec
164 membres. Sa composition laisse une large place aux syndicats de travailleurs dans
le cadre de la reconstruction du pays. Il est présidé par Léon Jouhaux de 1946 à 1954.
• 1958 : Sous la Vème République, il devient Conseil économique et social (CES) et s’élargit
à près de 200 membres. En 2008, il intègre la dimension environnementale et devient le
CESE.
• 2021 : La loi organique réforme l’institution, accroit la place de la société civile et réduit
le nombre de ses membres.
Un modèle inspirant pour l’international…
Le Comité économique et social européen est né en 1957 du consensus au lendemain de la
Seconde Guerre Mondiale de s’appuyer sur les forces vives de la Nation, dont les organisations
syndicales, et dans la dynamique amorcée par la création du CESE en France et d’autres CESE
dans le groupe des six (Italie, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Luxembourg, France).
Des conseils similaires existent désormais dans plus de 30 pays en Afrique, en Amérique latine
et en Asie. L’Association Internationale des Conseils Economiques et Sociaux et Institutions
Similaires (AICESIS) a été fondée en 1999 pour fédérer les Comités Economiques et Sociaux du
monde entier.
La note du secteur international, met en exergue les multiples collaborations existantes entre le CESE français, les CESER régionaux, le CESE européen, et ses homologues étrangers via des réseaux internationaux et des rencontres thématiques qui permettent le partage de bonnes pratiques, la formation, et des prises de position communes sur des enjeux mondiaux.
Retirer la voix du CESE en France serait donc en totale déconnexion avec la reconnaissance unanime, à l’échelle européenne, du rôle des Comités Economiques et Sociaux et de leur intérêt pour le débat démocratique
Face aux attaques, les organisations agissent.
Depuis sa création, Force Ouvrière a toujours défendu avec constance l’existence et le rôle du
Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Aujourd’hui, alors que certains responsables politiques appellent à sa suppression ou à sa transformation profonde, notre organisation syndicale s’oppose fermement à toute tentative de marginalisation de cette institution essentielle.
C’est pourquoi notre secrétaire général a signé la tribune portée par plus de 70 organisations siégeant au CESE publiée dans Le Monde le 07 juillet (*).
Dans une époque marquée par la fragmentation sociale et la polarisation politique, affaiblir le
CESE reviendrait à fragiliser un espace de concertation pluraliste, capable d’apporter des
éclairages précieux aux décideurs publics.
Le CESE n’est pas un gadget institutionnel. Il est le lieu de représentation de la société civile
organisée, où FO porte la voix des travailleurs et des travailleuses, des retraités, des jeunes et
des précaires. Il est un espace de dialogue social et de réflexion collective qui enrichit le débat
public grâce à ses avis et contributions. Vouloir le supprimer ou le vider de sa substance, c’est
affaiblir la démocratie sociale, c’est nier le rôle de la société civile organisée.
Dans un contexte de crise sociale, de montée des inégalités, de remise en cause des droits
sociaux, le CESE est plus que jamais nécessaire. notre organisation continuera à y siéger, à y travailler et à y porter les revendications des travailleurs.
C’est le sens de la contribution adressée au comité, présidé par Francis Lamy chargé de proposer des évolutions de la composition du CESE.
La tribune du Monde du 7 juillet(*)
« Le Conseil économique, social et environnemental est l’un des rares lieux où se construit du compromis »
Un récent rapport parlementaire remet en cause le fonctionnement et le coût de
l’institution. Quelque 70 dirigeants d’organisations de la société civile soulignent,
dans une tribune collective au « Monde », la nécessité démocratique des corps
intermédiaires, leur vertu de concertation, particulièrement en ces temps de
fractures politiques.
cf; https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/07/07/le-conseil-economique-social-et-environnemental-est-l-un-des-rares-lieux-ou-se-construit-du-compromis_6619656_3232.html
Le CESE, en Europe et à l’international
Depuis la création du CNE en 1925, le CESE a été reproduit sous différents formes et dans différents
continents avec toujours le même objectif de contribuer à apporter une vision de terrain aux politiques
pour leur permettre de prendre les bonnes orientations législatives.
Cette contribution détaille l’ensemble des CESE créés depuis 1925 et dont le fonctionnement n’est pas
remis en question. Se couper de notre CESE national, reviendrait à ne plus porter la voix des travailleurs
là où elle peut être entendue.
En lien avec les CESER
Les CESER peuvent être appuyés dans les territoires transfrontaliers des Comités Syndicaux Inter-
Régionaux (CSIR). Institués en 1976, avec le premier CSIR Grande Région impliquant la France,
l’Allemagne et le Luxembourg, leur nombre s’élève aujourd’hui à 46 CSIR à travers toute l’Union
Européenne. Les CSIR visent à soutenir au plus près du terrain les travailleurs transfrontaliers d’une
part et d’autre de frontières d’Etats membres de l’UE dans le cadre de la liberté de circulation et des
réglementations existantes à l’échelle européenne en matière de mobilité, à l’instar du règlement de
l’UE n°883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Ils sont également déterminants
dans l’orientation des fonds européens en soutien à la coopération transfrontalière.
Les CSIR sont composés des syndicats des deux côtés de la frontière affiliés à la Confédération
Européenne des Syndicats (CES) et sont coordonnées en son sein.
Les CSIR sont une ressource importante qui éclaire l’activité des CESER dans les territoires
transfrontaliers, permettant à ces derniers de s’engager dans les débats transfrontaliers où les
frontières des réglementations nationales et des politiques publiques s’estompent de plus en plus,
comme en témoigne les Eurométropoles de Lille et de Strasbourg. Le CESER, en lien avec les CSIR,
devient donc un acteur incontournable de la mobilité européenne quotidienne et permet de mieux
orienter les politiques (et les investissements) publiques en faveur des travailleurs et de la cohésion
sociale, économique et territoriale.
Sur le Comité Economique et Social européen (CESe)
Le Comité Economique et Social européen (CESe) a démarré son activité en 1958 après avoir été fondé
par le Traité de Rome de 1957 instituant la Communauté Economique Européenne. Une telle
reconnaissance politique est un fait marquant dans l’histoire de l’UE, avec peu d’exemples similaires
à ce jour, démontrant sa valeur-clé vis-à-vis des institutions européennes.
Plus généralement, le CESe est né du consensus au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale de s’appuyer sur les forces vives de la Nation, dont les organisations syndicales, et dans la dynamique amorcée par la création du CESE en France en 1946 et d’autres CESE dans le groupe des six (Italie, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Luxembourg, France). La présidence d’honneur du Mouvement Européen par Léon JOUHAUX et sa correspondance avec Jean MONNET, l’un des pères fondateurs de l’Union Européenne, peuvent également laisser présupposer une certaine marque de FO dans la création du CESe.
Dès ses origines, le CESe assumait une fonction consultative auprès des institutions européennes. La
France, au vu de son poids démographique et économique, a toujours eu le contingent le plus élevé de
représentants. Les premiers membres FO du CESe était René PEETERS, ex-secrétaire général de l’UD
54 et membre en parallèle du CESE en France, et Charles VEILLON, ex-secrétaire confédéral FO. Le
CESE et le CESe étaient très proches à leurs origines et cette connexion a survécu à travers le temps
avec des travaux et des initiatives parfois partagées avec l’appui de la commission permanente
« affaires européennes et internationales » du CESE aujourd’hui présidée par Force Ouvrière.
Le CESe dispose aujourd’hui de 329 membres couvrant l’ensemble des 27 Etats membres de l’UE. Sous
l’impulsion du président actuel du CESe, Oliver ROPKE du syndicat autrichien ÖGB, le CESe intègre
progressivement des membres observateurs des pays candidats à l’adhésion à l’Union Européenne.
Retirer la voix du CESE en France serait donc en totale déconnexion avec la reconnaissance unanime à
l’échelle européenne du rôle des Comités Economiques et Sociaux et de leur intérêt pour le débat
démocratique, sans parler d’un déclassement par rapport aux autres puissances européennes en
réduisant la voix de la France par rapport à ses voisins européens aux intérêts bien souvent
convergents, mais pas toujours.
Sur la dimension internationale
Le Conseil économique et social des Nations-Unies (ECOSOC) est l’un des principaux organes des
Nations-Unies depuis sa création en 1945. Il vise à orienter et coordonner l’activité économique,
sociale et culturelle des Nations-Unies, y compris de l’Organisation Internationale du Travail, et veille
également au respect du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de
1966, dont son article 8 sur la liberté syndicale. Son activité est aujourd’hui tournée vers la réalisation
des objectifs de développement durable en faveur du développement social à l’échelle mondiale.
L’ECOSOC est composé de représentants « tournants » des Etats membres des Nations-Unies qui
changent chaque année. La France en sera membre en 2026. L’ECOSOC est néanmoins engagé dans
un écosystème plus complexe avec des commissions fonctionnelles, des commissions régionales,
des organes d’experts, des institutions de formation, des programmes des Nations-Unies, d’agences
spécialisées, de forums et de comités permanents. Le mouvement syndical est engagé dans l’ECOSOC
à travers l’Organisation Internationale du Travail (OIT), la Confédération Syndicale Internationale (CSI)
et les Fédérations syndicales mondiales. Les Comités Economiques et Sociaux de la planète entière,
et le CESe, sont également invités à participer à ses travaux, à ses conférences, à ses programmes ou
à ses différentes initiatives.
Cette connexion, et particulièrement l’engagement syndical, reste encore à développer avec l’appui de
la Confédération Syndicale Internationale, et son réseau syndical sur la coopération au développement
auquel adhère FO, qui participe déjà annuellement à l’évènement le plus important de l’ECOSOC : le
Forum politique de Haut-Niveau sur le Développement durable (HPLF). Le lien entre le CESE et
l’ECOSOC est aujourd’hui distendu en raison d’une coordination balbutiante via la CSI et reste encore
à développer pleinement. En parallèle, la Commission économique des Nations-Unies pour l’Europe
(UNECE), l’une des principales commissions régionales de l’ECOSOC, est aujourd’hui peu investie par
le mouvement syndical, dont le PERC (le conseil syndical paneuropéen de la CSI) ou la Confédération
Européenne des Syndicats, limitant les interactivités possibles entre les Comités Economiques et
Sociaux nationaux, le CESe et l’ECOSOC.
L’Association Internationale des Conseils Economiques et Sociaux et Institutions Similaires
(AICESIS) a été fondée en 1999 pour fédérer les Comités Economiques et Sociaux du monde entier. Il
compte aujourd’hui plus de 70 membres répartis de manière équilibrée entre les différents continents
avec 18% de membres en Amérique latine et des Caraïbes, 36% en Europe, 30% en Afrique et 16% en
Asie. Cette Association est notamment appuyée par l’ECOSOC et l’Organisation Internationale du
Travail. La coopération entre l’AICESIS et l’OIT a été initiée en 2005 et se concentre aujourd’hui sur la
réalisation de l’agenda pour le travail décent de l’OIT et les objectifs de développement durable (ODD)
des Nations-Unies, et plus particulièrement l’ODD 8 sur le travail décent.
Le CESE français est engagé comme membre de l’AICESIS et en a assumé la présidence entre 2003-
2005. La présidence de l’AICESIS est aujourd’hui assurée par le Curaçao avec un renouvellement
attendu en 2025. Des échanges ponctuels entre les membres du CESE et de l’AICESIS perdurent même
si ces liens pourraient être renforcés à l’avenir. Une nouvelle fois, supprimer le CESE viendrait porter
atteinte à la voix de la France sur la scène internationale, d’autant plus au vu des bouleversements
géopolitiques internationaux, quand les différentes formes de multilatéralisme basées sur des règles
et la coopération internationale nécessitent d’être renforcées.
L’Union des Conseils Economiques et Sociaux et Institutions Similaires Francophones (UCESIF) est
née en 2004 et vise à renforcer la voix des Comités Economiques et Sociaux face à l’essor de
l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Elle était dirigée jusqu’en 2025 par la France qui
a cédé la présidence à la Côte d’Ivoire, tout en y assurant la vice-présidence. Des liens étroits entre le
CESE et l’UCESIF existent et perdurent, culminant lors de la tenue du XIXème Sommet de la
Francophonie en France le 4 et 5 octobre 2024. Le Sommet de la Francophonie Syndicale organisé par
Force Ouvrière et la CSI en marge s’était justement tenu au CESE en présence du président du CESE et
de l’UCESIF. Le siège de l’UCESIF et son secrétariat, se trouve également dans les locaux du CESE.
L’UCESIF est un levier additionnel pour le réseau de la Francophonie syndicale de la CSI, soutenu
activement par FO, pour renforcer les liens entre l’OIF et l’OIT dans la continuité de l’accord de
coopération signé entre ces deux organisations en 2015, notamment pour accélérer la ratification des
conventions de l’OIT dans les pays francophones.
Plus généralement, l’UCESIF contribue à la vitalité de l’OIF qui devient un acteur de plus en plus central du multilatéralisme face aux pressions exercées par certaines puissances mondiales. Supprimer le CESE déstabiliserait l’UCESIF qui affaiblirait in extenso l’OIF dans un monde en pleine turbulence alors que les bases du multilatéralisme établies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, contribuant à la paix, sont en train de vaciller.