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09 / 03 / 2015 | 4 vues
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Ondes électromagnétiques et santé : les syndicats s’opposent toujours à l’installation du wi-fi à la BNF

Décidément, à la Bibliothèque Nationale de France (BNF), on n’est pas très sensible aux décisions prises dans les instances paritaires. Malgré le vote (tout frais) de la loi Abeille encadrant l'exposition du public aux ondes électromagnétiques générées par les technologies sans fil, la direction a remis la question du wi-fi sur le tapis lors du dernier comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Une première tentative d’en installer dans les salles de lecture avait échoué en 2008. À la place, les syndicats avaient obtenu des connexions filaires. Néanmoins, l’établissement public, dont l’écoute est visiblement brouillée, persiste.

Pour justifier son forfait, la BNF s’était alors réfugiée derrière les résultats d'un audit réalisé par un cabinet pour défendre l'installation du wi-fi. Seulement, les syndicats avaient sorti la parade et invité comme expert du CHSCT, Dominique Belpomme, médecin et professeur de cancérologie. Évidemment, l’argumentaire de la BNF a été taillé en pièce. Le Professeur Dominique Belpomme a ainsi pointé le fait « que la BNF est un lieu public qui nécessite une sécurité sanitaire. L'étude réalisée par le cabinet d'audit est insuffisante, incomplète et présente des erreurs technologiques. Ce n'est pas l'intensité de la dose qui compte mais la durée d'exposition », a-t-il rajouté.

« Le wi-fi n'est pas bien toléré par certains sujets qui présentent une électro-hypersensibilité », précise le Professeur Dominique Belpomme interrogé par ActuaLitté. « Leur état est considéré comme pré-Alzheimer car ils présentent des symptômes visibles au niveau du système nerveux », explique-t-il. « L'installation du wi-fi créerait alors pour ces usagers une ségrégation, en interdisant l'entrée des lieux à une catégorie de la population ». Bref, Dominique Belpomme glisse plusieurs pépins en travers de la gorge de la direction.

Une borne wi-fi suffit pour créer un champ électromagnétique et donc une électrosensibilité : l'installation de plusieurs bornes créera donc un champ magnétique plus étendu et une exposition probable à ce dernier. De plus, l'ordinateur relié en wi-fi génère, lui aussi, un champ électromagnétique, auquel il sera donc impossible de se soustraire.

« Je me suis formellement opposé au tout wi-fi, essentiellement pour des raisons sanitaires, mais aussi pour des raisons juridiques : au niveau du droit, nous allons nous acheminer vers des plaintes de plus en plus nombreuses, un peu sur le modèle de l'amiante » - Professeur Dominique Belpomme.

Les autres usagers qui ne présentent pas d'électro-hypersensibilité pourraient aussi pâtir d'une installation généralisée du wi-fi : les adolescents et les jeunes adultes pourraient ressentir des maux de tête ou des troubles de la mémoire et de la concentration et « ne pourraient pas tolérer de rester des heures dans une bibliothèque dotée d'un réseau wi-fi ». Pour le personnel de la BNF, exposé de manière constante, les risques sont évidemment encore plus importants.

« Je me suis formellement opposé au tout wi-fi, essentiellement pour des raisons sanitaires, mais aussi pour des raisons juridiques : au niveau du droit, nous allons nous acheminer vers des plaintes de plus en plus nombreuses, un peu sur le modèle de l'amiante », assure le Professeur Dominique Belpomme. Un certain nombre de risques liés au wi-fi est déjà accepté par la communauté scientifique, et le colloque du 5ème appel de Paris à l'Académie Royale de Médecine, en Belgique, le 18 mai prochain, va porter ces risques à la connaissance de l'Organisation mondiale de la santé pour qu'ils soient reconnus comme tels.

Le Professeur Dominique Belpomme a suggéré à la BNF la mise en place de lieux sans wi-fi. Pour lui, l'utilisation du câble reste la meilleure solution. En effet, la solution filaire elle-même génère un faible champ électromagnétique, bien moins nuisible. Mieux, cette technologie a déjà été expérimentée dans un établissement proche de la BNF :  la Bibliothèque universitaire des langues et des civilisations (BULAC). « À l'époque, ce n'était pas nécessairement un choix en termes de santé publique », rappelle au site ActuaLitté,  Benjamin Guichard, directeur scientifique et responsable du pôle informatique de la BULAC. « Il s'agissait plutôt de neutraliser une crainte sur la pérennité de la technologie wi-fi ».

« L'avantage du filaire, c'est la grande stabilité de la connexion, ainsi que la connexion au kiosque de la BU, qui est complètement ouverte dès lors que l'on est câblé », précise le responsable du pôle informatique. Cela évite également la mise en place d'un portail d'identification, peu apprécié du côté des bibliothécaires. L'installation du wi-fi a bien été suggérée mais le « contexte budgétaire délicat » aura finalement fait conserver l'option filaire. L’austérité a parfois du bon.

L'absence de wi-fi au sein de la BULAC ne s'est pas révélée tellement dommageable : « Les utilisateurs de matériel Apple sont agacés mais certains usagers se réjouissent de l'absence de wi-fi, qui aide aussi à se déconnecter pour se concentrer », remarque Benjamin Guichard « L'intolérance des personnes électrosensibles au wi-fi nous incite à limiter autant que possible les émissions d'ondes électromagnétiques dans l'enceinte de la BULAC », expliquait alors l'établissement.

  • De son côté, la BNF aurait acte des débats du CHSCT, et de l'opposition unanime des syndicats en annonçant la poursuite des études de faisabilité : « Nous allons prendre en compte les hypothèses discutées avec le Professeur Dominique Belpomme et d'autres spécialistes, et en discuter avec les organisations syndicales », souligne au site ActuaLitté, Sylviane Tarsot-Gillery. « J'espère que, d'ici cet été, nous pourrons revenir devant les employés avec des propositions », explique la directrice générale. Un discours d'apaisement qui semble toutefois très éloigné de celui tenus aux syndicats, si l'en croit le compte rendu publié par la CGT.

La BNF envisage donc de suivre les recommandations du Professeur Dominique Belpomme et de se tourner vers des zones distinctes, avec et sans wi-fi dans les salles de lecture. Enfin, la banque de salle (zone du personnel) serait, elle aussi, exclue de la zone wi-fi. De toute façon, cette technologie n’a aucun intérêt pour les agents qui y travaillent puisque qu’ils utilisent déjà le système informatique de l’établissement qui est, bien entendu, câblé.

« Certaines salles seront également totalement sans wi-fi car un réseau sans fil y est de toute façon trop délicat à installer, à cause de murs trop épais ou d'une profondeur trop importante sous le niveau du sol », explique Sylviane Tarsot-Gillery.

Mi-fevrier, le Parlement français a adopté une loi (dite loi Abeille), qui interdit notamment le wi-fi dans les crèches et la limite dans les écoles, mais oblige également à indiquer si une zone est couverte par le wi-fi, et donc un champ électromagnétique. Pour garantir à ses usagers et à son personnel une sécurité sanitaire, la BNF envisage de fournir à des lecteurs ou à des agents des dispositifs de mesure des taux d'ondes électromagnétiques sur simple demande.

En 2009, une conférence de citoyens mis en place par la Mairie de Paris recommandait déjà la prudence avec notamment l'abaissement du seuil d'exposition aux ondes électromagnétiques. Elle recommandait en outre de « privilégier dans les bâtiments publics (administration, bibliothèques, écoles, hôpitaux) l'utilisation filaire par rapport au wi-fi » (lire ici).

Interrogé à l’époque par l'AFP, Denis Baupin, adjoint (Verts) à l'environnement auprès du maire de Paris s'était déclaré « doublement content », du « processus extrêmement innovant d'expertise citoyenne (qui) va remettre de la sérénité dans le débat » et de ses conclusions. « Je ne vois rien d'intenable » dans les propositions émises, a-t-il dit, estimant notamment que privilégier le filaire par rapport au wi-fi dans les bâtiments publics, « ne remet pas en question l'orientation numérique de Paris ».

Enfin, il y a deux ans, des syndicalistes avaient lancé un appel aux pouvoirs publics pour limiter la prolifération des ondes dans les espaces de travail. Un appel qui avait aussi pour but de sensibiliser tout les acteurs du monde de l’entreprise : employeurs, médecins du travail mais aussi les syndicalistes. Le texte est ici.
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