Organisations
Nécessité d'une formation des différents acteurs des instances médicales de la fonction publique
Le 22 août 2016, le Premier Ministre a chargé la ministre des Affaires sociales et de la Santé d'une évaluation de l'organisation et du fonctionnement des instances médicales de la fonction publique. Les quatre inspections générales concernées (IGAS, IGF, IGA et IGAENR) apportent leur soutien à cette mission
Fort d'une quinzaine d'années de présidence d'une commission de réforme ministérielle, de formateur et de consultant, voici les réflexions que m'inspirent la lettre de mission de la ministre et la fiche de cadrage.
Le constat
Les délais et leurs causes
La variétés des dossiers est présentée comme une cause de délai. Cet élément surprend du fait de la polyvalence attendue des agents.
Qui sont les interloicuteurs et combien sont-ils ? L'agent, son service gestionnaire, le secrétariat des CM-CR, les médecins agréés, les médecins siègeant, occasionnellement les médecins de prévention et les représentants du personnel.
L'agent
Bien qu'il soit au cœur du dispositif, son rôle est limité : il est à l'origine de la consultation des instances. On attend de lui qu'il se rende aux expertises.
Les services gestionnaires
Le problème est double : la compétence et les moyens. Aux syndicats le soin d'argumenter sur les effectifs.
Les compétences reposent sur la formation et l'expérience. J'assure des formations depuis plus de dix ans. L'expérience montre que beaucoup de gestionnaires n'ont bénéficié d'aucune formation et travaillent (avec plus ou moins de talent) sur la base des pratiques antérieures de leurs services. L'actualisation des connaissances est aléatoire. Le guide des instances médicales publié en 2013 par la DGAFP comprend un référentiel de formation, largement ignoré.
Quant à l'expérience, elle repose sur un minimum de stabilité dans les services de ressources humaines, stabilité compromise par la rotation des effectifs.
Depuis 2008, l'administration ne doit plus consulter la commission de réforme quand elle reconnaît l'imputabilité d'un accident ou d'une maladie. La commission ne doit être consultée que si l'administration envisage d'opposer un rejet à la demande de l'agent. L'expérience montre que de nombreux services ne se sont pas encore appropirés cette prérogative et encombrent les commissions de demandes inutiles.
Le secrétariat du comité médical et de la commission de réforme
Dans les départements, ce secrétariat est assuré par la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS). La même problématique se présente : la compétence et les moyens.
Les moyens en personnel sont ceux de la DJSCS et soumis aux contraintes budgétaires. Pour la formation ou la mise à jour des connaissances, les contacts avec quelques secrétariats montrent que la DJSCS ne dispose ni de référents ni de formateurs. Lorsqu'ils en connaissent, les directions départementales font appel à des formateurs occasionnels. Là encore, le référentiel de formation n'est pas mis en œuvre.
Les médecins agréés
Les délais pour obtenir les expertises requises résultent de plusieurs difficultés :
- le manque d'attractivité financière, les tarifs appliqués n'étant pas considérés comme une juste rémunération ;
- le manque de praticiens dans certaines régions retarde toute la chaîne : prise de rendez-vous, établissement et transmission de l'expertise. La situation est très préoccupante pour certains départements ultramarins comme Mayotte ou la Guyane pour lesquels le recours à des médecins agréés des départements voisins peut avoir un coût très élevé.
Les médecins siègeant au comité médical et la commission de réforme
Pas d'observation pour l'activité « comité médical ».
L'activité « commission de réforme » est plus problématique. Ils ont la compténce médicale et certains, siégeant depuis longtemps, se sont appropriés l'instance et ont perdu son caractère paritaire de vue, voire ne l'admettent pas. Ce phénomène est accentué par une compétence parfois limitée des autres acteurs, qu'il s'agisse des représentants du personnel ou des représentants de l'administration. Cela se traduit ponctuellement par des relations tendues. Des tensions similaires peuvent se produire avec les médecins de prévention.
Ponctuellement, ils auraient besoin d'une mise à niveau sur les évolutions de la jurisprudence.
Les représentants du personnel
Qu'il s'agisse de militants ou de sympathisants ayant bien voulu accepter de siéger, la difficulté la plus fréquente est le manque de compétence technique. En effet, retraite pour invalidité, accidents de service ou maladies professionnelles sont des sujets complexes. Là encore, le référentiel de formation n'a pas été mis en œuvre par l'administration. Cet état de fait ne permet pas des discussions équilibrées.
Propositions
Formation des acteurs
L'administration doit être sensibilisée à la nécessité d'une formation des différents acteurs, qu'il s'agisse de ses gestionnaires ou des représentants du personnel. L'accent doit être mis au moins sur la mise en œuvre du référentiel de formation de 2013.
Les médecins agréés
- revoir leur rémunération pour améliorer l'attractivité de leur mission,
- formaliser la possibilité du recours aux praticiens hospitaliers.
Le président de la commission de réforme
Ni la circulaire du 30 janvier 1989 ni le guide des instances médicales ne présentent son rôle, si ce n'est qu'il « dirige les débats mais ne participe pas aux votes ». Il semble nécessaire que son rôle soit davantage précisé. Il doit veiller :
- au respect de la composition de la commission,
- au respect de la qualité des débats : secret médical non opposable lors de la consultation par les représentants du personnel et au sein de l'instance, présentation de la position de l'administration, présentation des arguments des représentants du personnel.
Évolution du quorum
Actuellement, le quorum est fixé à quatre participants, dont au moins un médecin, en présence du président.
Ce quorum pourrait être ramené à trois particiapnts, dont au moins un participant de chaque collège (médecins, administration et représentants du personnel) en présence du président.
L'information des acteurs
C'est le secrétariat des instances qui informe l'agent de la date et l'heure de la tenue de la réunion. Le délai de prévenance de 8 jours est généralement respecté.
L'amélioration doit porter sur l'information des représentants du personnel qui incombe à l'administration gestionnaire : un délai minimal doit être fixé. Pour permettre aux représentants du personnel de s'organiser, il conviendrait de publier le calendrier prévisionnel des réunions de la commission de réforme sur le site de chaque DJSCS, sans préjuger des dossiers concernés.
Les décisions prises sur base des avis
Les instances émettent des avis, l'administration prend des décisions. Il convient de clarifier les délais encadrant la procédure :
- par exemple en matière d'accident de service ou de maladie professionnelle, le délai entre la demande de l'agent et la consultation d'un médecin agréé et la saisine de la commission de réforme,
- le délai entre l'émission de l'avis par la commission de réforme et la décision de l'administration.
D'autres pistes de réflexion sont ouvertes : création de pôles de compétence interadministratifs, décloisonnement de la désignation de leurs représentants par les organisations syndicales.