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11 / 01 / 2024 | 243 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Live Technologia

Comment ne pas céder à la fatalité d'une dégradation de la santé au travail ?

Alors que les expositions aux risques physiques et psychologiques se multiplient, les indicateurs de la santé au travail se dégradent. Il y a donc  plus que jamais matière à agir pour bâtir un cadre plus protecteur dans le cadre du CSE, maintenant que le CHSCT est enterré, mais aussi au niveau des branches. Retour sur le direct du 28 novembre 2023 organisé en partenariat avec Technologia.



Si le CHSCT a été enterré dans les entreprises, la responsabilité des employeurs en matière de santé au travail reste en revanche entière. "Les élus doivent questionner les directions sur la base d'observations objectives que les expertises vont aider à relever. C'est un processus  itératif de questions et de réponses, qui demandent à être motivées, qu'il faut tracer dans un tableau en mettant en perspective les actions préventives déployées par la direction avec les préconisations qui sont systématiquement intégrées dans les expertises que nous menons. Cela demande du formalisme et un suivi rigoureux mais cela met les directions sous la contrainte d'agir, tout en constituant la base d'un potentiel dossier porté au tribunal en cas d'inaction patente", explique Valentine Brégier, directrice juridique de Technologia.
 

Case justice


A l'instar du CSE de Randstad Sud Est qui a fait condamner le 14 septembre  2023 la direction pour manquement à ses obligations concernant les risques professionnels des intérimaires. Le tribunal judiciaire de Bobigny a condamné la société d'intérim à établir, "un plan d’amélioration en matière de santé et sécurité des salariés intérimaires conforme à ses obligations légales, conventionnelles et ses engagements pris dans le cadre de la roue de la prévention." De fait, les objectifs de  réduction de l'accidentologie des intérimaires effectivement affichés dans ce dispositif interne de prévention ne sont pas atteints. De quoi interroger la réalité des moyens mis en œuvre . Les PV des CSE compilant les interrogations des élus et les réponses de la direction ont  été des supports clés de l'argumentation juridique. La décision de justice qui fera l'objet d'un appel condamne aussi  Randstad ‘’à informer et consulter le CSE randstad sud-est sur le programme de prévention concernant les salariés intérimaires, ainsi que les clients les plus accidentogènes.’’ Le tout en devant mettre à jour le DUERP et le PAPRIPACT (Programme Annuel de Prévention des Risques Professionnels et d'Amélioration des Conditions de Travail) "pour intégrer les risques professionnels et les actions de prévention concernant les salariés intérimaires.’’
 

Coordination CCST / CSE


Une action qui illustre la capacité d'un CSE à intégrer pleinement la dimension santé au travail. Concrètement, cela signifie que  la CSSST ne se limite à par une réunion tous les 3 mois et se voit  attribuer des moyens. C'est ainsi qu'un cabinet va assister les élus de la commission dans l'analyse du DUERP. La coordination entre le coordinateur de la CSST et la secrétaire du CSE est quasi permanente. C'est par un vote unanime (moins une voix) que le CSE Sud Est de Randstad a décidé d'ester en justice.  Syndicat majoritaire avec 70% des voix, il était pourtant hors de question  pour la la CFDT de passer en force. "Pour faire adhérer le maximum d'élus , et dépasser les étiquettes syndicales, il faut prendre le temps d'expliquer le pourquoi du comment des actions que l'on souhaite engager au nom du collectif. Nous avons une approche globale. C'est la raison pour laquelle nous venons de mettre au vote une expertise pour risque grave sur le périmètre des 400 salariés permanents (80 agences) où le turnover a atteint les 26%. Il y a un lien entre les conditions de travail des permanents et les moyens qu'ils ont pour appréhender la prévention des risques pour les salariés intérimaires", déclare Peggy Angard, secrétaire CFDT du CSE Randstad sud-est qui se trouve être une ex secrétaire de CHSCT.  


Un CSE Sud-Est qui a aussi donné les moyens à la CCSST de produire une série de vidéos de moins de  2 minutes où des acteurs professionnels mettent en scène les problématiques de prévention des risques entre  salariés permanents et intérimaires. Des vidéos mises en avant sur le portail dédié aux ASC des permanents comme des intérimaires.
 

Exemple de la vidéo sur l'exercice du droit de retrait

 

"Il faut résister au diviser pour mieux régner en matière de santé au travail dans les CSE", souligne Dora Candido, directrice de missions chez Technologia qui ajoute que c'est le meilleur moyen pour ne pas "disperser les forces entre CSE et CSSCT", en insistant sur la coordination des actions avec des réunions du CSE ou "tout le monde n'est pas obligé d'être présent en fonction des sujets mis sur la table".
 

CCHSCT de branche
 

Les branches ont aussi un rôle à jouer dans la prévention, notamment à l'égard des TPE et des PME. Pour aller au contact des travailleurs des TPE, les branches du cinéma et de la production audiovisuelle ont mis en place des Comités Centraux d'Hygiène, de sécurité et des Conditions de Travail (CCHSCT) avec un budget propre (financé par 0,04% de la masse salariale des entreprises), des préventeurs et un pouvoir d'enquête. Si le mode d'action est bien balisé sur les accidents du travail liés à des chutes, électrocutions, ....il se révèle en revanche autrement plus compliqué sur les affaires de harcèlement. "Il y a eu une libération de la parole et le cadre d'intervention des CCHSCT est à clarifier dans ce domaine", explique Laurent Blois-Lascaud, vice-président du CCHSCT  de la branche cinéma et délégué général du syndicat professionnel·les des Industries de l'Audiovisuel et du Cinéma CGT. La mise en place d'un CCHSCT va été mis sur la table par les syndicats dans la branche du spectacle vivant mais les employeurs freinent des 4 fers, rebutés par une cotisation et un "pouvoir d'ingérence". Voilà pourtant un modèle, qui date de 1971 pour le cinema, qui pourrait se décliner dans toutes les branches. Il n'a pas été au menu des négociations de la nouvelle convention collective de la métallurgie où 98 % des entreprises emploient moins de 50 salariés...