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26 / 03 / 2018
Jacky Lesueur / Abonné
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« Est-il encore pertinent que la protection sociale continue autant de se fonder sur l’activité professionnelle ? » - Thierry Beaudet, FNMF

Interview de Thierry Beaudet, président la Fédération nationale de la Mutualité Française sur les enjeux majeurs en débat au prochain congrès de la Mutualité Francaise.

Cette année sera marquée par le 42ème congrès de la mutualité. Quels en seront les grands axes ?
Notre prochain rassemblement, qui se tiendra à Montpellier du 13 au 15 juin, sera une nouvelle fois l’occasion de réunir près de 2 000 congressistes, parmi lesquels des représentants des groupements mutualistes, des pouvoirs publics et des décideurs du monde de la santé et de la protection sociale.

Plusieurs enjeux majeurs y seront débattus, à commencer par l’accès aux soins : accès financier, avec en fond le « reste à charge zéro », dont les différents paramètres seront arrêtés début juin 2018 ; accès territorial aussi, quand l’on sait que près de 8 % de la population française vit aujourd’hui dans un désert médical. La ministre des Solidarités et de la Santé a d’ailleurs eu l’occasion de revenir sur cette question dans le dernier numéro de Mutations.

La sécurisation des parcours professionnels et de vie sera également abordée. Il s’agira de réfléchir collectivement, notamment avec les organisations syndicales présentes, à l’idée de rattacher les droits sociaux à la personne plutôt qu’au statut. Par exemple, dans un contexte où les parcours se font plus volatiles, incertains, complexes et ambigus, est-il encore pertinent que la protection sociale continue autant de se fonder sur l’activité professionnelle ?

Les congressistes débattront aussi de la transition démographique, au moment où les questions de vieillissement de la population et de perte d’autonomie marquent autant l’actualité. 

En matière de perte d’autonomie, où en sont vos réflexions ?

Aujourd’hui, l’enjeu est de vivre le plus longtemps possible en bonne santé. Or, l’insuffisante mobilisation autour de cette question du grand âge est frappante. On manque de militants de la cause de l’âge, comme il peut y en avoir dans d’autres secteurs, dans le handicap par exemple.

Nous lançons une piste de réflexion autour de la création d’une garantie de  dépendance intégrée à la complémentaire de santé et qui serait rendue obligatoire à partir d’un certain âge.

La prévention de la perte d’autonomie est majeure. Cela passe par la promotion de l’activité sportive, le repérage précoce des fragilités des personnes âgées, le maintien d’une vie sociale riche. Afin de favoriser le vieillissement à domicile, il nous faut continuer de développer de nouveaux services, continuer à innover dans le logement, la domotique, pour les aidants familiaux (plus de 10 millions en France) etc.

Mais le principal défi pour notre pays reste la problématique du financement. C’est un vrai sujet de préoccupation pour les Français, trop de familles devant accompagner financièrement leurs proches en perte d’autonomie.

C’est pourquoi, nous lançons une piste de réflexion autour de la création d’une garantie de dépendance intégrée à la complémentaire de santé et qui serait rendue obligatoire à partir d’un certain âge. C’est par la mutualisation la plus large que l’on pourra minorer le coût de la protection pour tous.

Alors que les négociations avancent et que s’expriment les diverses organisations professionnelles, quelle est la position de la mutualité sur le RAC 0 ? Peut-on y arriver ? À quelles conditions ?

Comme j’ai déjà pu l’indiquer, la réforme du reste à charge (RAC) zéro est attendue par les Français qui voudraient pouvoir se soigner sans débourser d’autres euros que leurs cotisations à la Sécurité sociale et à leur mutuelle. Les chiffres sont parlants : le RAC s’élève jusqu’à 850 euros pour une prothèse auditive.

Dans les domaines de l’optique, des prothèses dentaires et auditives, une telle réforme est atteignable à deux conditions : d’une part, s’accorder sur des paniers de soins nécessaires et de qualité, accessibles à tous, tout en laissant la liberté aux Français de pouvoir choisir un autre équipement (ainsi qu’aux professionnels de proposer des options supplémentaires et aux mutuelles d’offrir des garanties correspondant aux attentes des adhérents et des entreprises) ; d’autre part, que l’ensemble des acteurs se mobilisent et fassent preuve de responsabilité : il faut une prise en charge plus importante des dépenses de santé par l’assurance maladie et une action résolue sur l’ensemble de la chaîne de valeur (fournisseurs, industries, professionnels de santé etc.).

Comment affirmer la différence mutualiste ?
Notre congrès nous donnera aussi l’opportunité de prolonger les réflexions, au-delà du calendrier gouvernemental et d’identifier les actions possibles pour les mois et années à venir, avec nos trois « think-tanks » partenaires, de sensibilités différentes (Fondapol, Jean-Jaurès et Terra Nova).

Le congrès de la mutualité sera également l’occasion pour la Mutualité Française de lancer une campagne de communication, qui expliquera le rôle et le fonctionnement singulier des mutuelles, afin de faire entendre et valoriser la différence mutualiste par rapport aux autres secteurs.

Enfin, un livre et une exposition de photos retraceront l’histoire des établissements de soins et d’accompagnement mutualistes du milieu du XIXème siècle à aujourd’hui. Une manière de mettre en lumière la tradition d’innovation des mutuelles, à l’occasion d’un congrès qui mettra ce thème à l’honneur (avec l’organisation d’un « innovathon » et la remise du prix de l'innovation mutuelle).

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