Participatif
ACCÈS PUBLIC
10 / 07 / 2017
Didier Cozin / Membre
Articles : 167
Inscrit(e) le 23 / 07 / 2012

Éducation et formation : quel est notre niveau ?

La formation n'est pas une production technocratique (avec ses habituelles usines à gaz) mais, parfois, la co-production entre un travailleur motivé, concerné et capable de changer, une entreprise apprenante et bienveillante et un État accompagnateur et facilitateur.

Le marasme provoqué par la dernière réforme de la formation est difficile à nier :
  • une déresponsabilisation des employeurs : baisse de 30 à 60 % des budgets, désengagement quasi généralisé des services RH, liquidation de nombreux services internes de formation ;
  • une complexité et une bureaucratie dévorantes, liées à la fois à une inflation règlementaire et à une bien introuvable individualisation des droits ;
  • une quasi-faillite des organismes de formation : confrontés à une baisse spectaculaire des budgets de formation, à un formalisme et à une bureaucratie étouffantes ils ont été noyés sous la paperasse, déstabilisés par la réforme, la suspicion et l'attentisme qui l'ont accompagné.
Les Français estiment que la formation (comme l'éducation) doit être gratuite.

Depuis des années, les médias et les pouvoirs publics communiquent sur le chiffre symbolique de 32 milliards d'euros dépensés en formation mais :
  • les trois quarts de ces sommes sont entre les mains de l'État ou des régions mais pas des entreprises (qui disposent, selon un rapport de 2016, à l'Assemblée nationale, de seulement 6 milliards) ;
  • 50 % des sommes représentent les rémunérations des stagiaires (donc un simple jeu d'écritures pour les entreprises) ;
  • lors des PSE ou des plans de départ volontaires, la quasi totalité des fonds (90 parfois 95 %) servent d'indemnités aux salariés, les budgets pour reconvertir ces mêmes salariés, eux, sont ridiculement bas.

Pourquoi faudrait-il payer le prix pour des formations de qualité ?

Tout ce qui est gratuit n'a que très peu de valeur et il en est ainsi de la formation comme de l'éducation (ou de la santé). Habitués depuis l'après-guerre à ne rien payer pour leur éducation, salariés et employeurs ne veulent pas admettre que la formation tout au long de la vie a un coût et devient la condition sine qua non du travail. Les loisirs et les vacances (14 % de la masse salariale) sont sans doute agréables mais ils disparaîtront si notre pays n'est pas compétititif et si les salariés ne sont pas compétents.

La formation des adultes reste une activité artisanale, coûteuse parce que non industrialisable.

Pour apprendre et reprendre notre place au sein des économies développées, notre pays ne pourra faire l'économie de réformes éducatives majeures :

a) responsabiliser le monde du travail (entreprises, salariés et syndicats) sur le développement et le maintien des compétences. Les entreprises doivent prendre leur part de l'apprentissage de tous tout au long de la vie (y compris pour les TPE/PME aujourd'hui non concernées par la formation) ;

b) prendre le temps d'apprendre : chaque travailleur (salarié ou non) va devoir consacrer au moins 10 % de son temps à apprendre, le temps des RTT pourrait donc être converti en temps des apprentissages ;

c) payer le prix pour les services de formation sans attendre de subventions ou d'illusoires financements mutualisés ;

d) sortir du système dépassé et coûteux des labellisations et des diplômes officiels devenus des certificats de conformisme intellectuel dans un monde en perpétuel changement.

Après des années d'immobilisme éducatif, il faut changer notre système.


La réforme de 2014 a été en échec parce que la formation n'a plus rien à voir avec les dispositifs de 1971 alors que notre pays connaissait le plein emploi et bénéficiait d'une école de qualité et d'une économie stable, en expansion et non endettée.

Aujourd'hui, les responsabilités qui échoient à la formation sont essentielles au maintien d'un modèle économique et social de qualité :

  • développer les compétences, l'employabilité, les capacités entrepreneuriales de 30 millions d'actifs ;
  • remettre à niveau 5 à 7 millions d'adultes insuffisamment qualifiés pour se développer au travail ;
  • se confronter à de nouveaux concurrents et défis : la Chine, l'Inde ou la Corée du Sud deviennent des nations apprenantes qui progressent chaque jour (plus d'ingénieurs sont formés chaque année en Inde que dans toute l'Europe réunie).

La confrontation éducative et intellectuelle se déroulera aussi entre les cerveaux des humains et ceux de machines devenues apprenantes et intelligentes (numérisation, robotisation, « block-chain », « deep learning », « cloud », intelligence artificielle...). 

Pour nous développer nous n'avons d'autres choix qu'apprendre

En matière éducative, nous n'avons plus de marges.

Notre pays va devoir rapidement et simultanément reconstruire son école (devenue une quasi garderie sociale), sa formation (transformée en un capharnaüm organisationnel) et responsabiliser aussi bien les travailleurs que les entreprises (même les plus petites) sur le développement des compétences et la numérisation du travail, loin des modèles compassés des XIX et XXèmes siècles (qualification, certification, diplômes, statuts, codes et règlementations rigides ou vaine capitalisation de droits sociaux...).

Le coût (social, politique et financier) de tous ces changements pourrait être élevé, les acteurs de l'ancien monde balayés ou déstabilisés mais l'immobilité et le conformisme éducatif ne sont plus possibles, ni tenables.

Pas encore de commentaires