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11 / 05 / 2016 | 14 vues
jean-marc bailly / Membre
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Conditions d'attribution du « chèque santé » : interprétations contre lecture stricte des textes

Pour les salariés du privé, l’adhésion à une couverture complémentaire minimale à caractère collectif est obligatoire depuis le 1er janvier 2016.

Depuis cette date, afin de ne pas pénaliser les salariés bénéficiaires de contrats de travail « précaires » qui se sont dispensés de l'affiliation au régime de couverture de santé collectif de l'entreprise, sans pouvoir de ce fait bénéficier de la contribution de l’employeur, le législateur (loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, de financement de la Sécurité sociale pour 2016 – LFSS 2016) a mis en place un dispositif substitutif, permettant aux intéressés de souscrire ou de continuer de bénéficier d'une assurance individuelle de santé : le « chèque santé », parfois appelé « versement santé » notamment par l’URSSAF.

Ce dispositif consiste en une contribution versée par l'entreprise au salarié et en pratique appelée le « chèque santé ». Celle-ci correspond à peu de chose près à la contribution que l’employeur aurait dû verser au salarié s’il avait adhéré au régime obligatoire.

Les conditions d’attribution de ce « chèque santé » ont fait l’objet de nombreux contre-sens, de sorte qu’il semble nécessaire de revenir à une lecture stricte des textes concernant son paramètre et ses conditions de mise en œuvre. Ce d’autant plus qu’il paraît urgent pour les partenaires sociaux, les syndicats et les employeurs d’encadrer ce nouveaux dispositif.

Le périmètre du « chèque santé »

Le « chèque santé » concerne les salariés en contrat à durée déterminée, en contrat de mission ou à temps partiel et n’adhérant pas au régime collectif de l’entreprise.

Sur ce point, l’objectif du projet de LFSS pour 2016 était de sécuriser les contrats dits « précaires » (CDD et temps très partiel).

La version définitive de cette loi a ainsi fixé le principe du « chèque santé » pour les CDD et les contrats à temps partiel et renvoyé à des décrets pour fixer le périmètre exact des CDD et des temps partiels concernés.

  • Compte tenu des annonces gouvernementales, tous les praticiens s’attendaient à ce que les seuils fixés par les décrets soient de trois mois pour les CDD et de 15 heures par semaine pour les temps partiels et que les entreprises ne soient touchées que pour ces populations.

Le décret d’application n° 2015-1883 du 30 décembre 2015 offre une lecture sensiblement différente.

En effet, si l’article D911-7 du Code de la sécurité sociale (CSS) précise que « les salariés mentionnés au III de l'article L. 911-7-1 sont ceux dont la durée du contrat de travail ou du contrat de mission est inférieure ou égale à trois mois ou ceux dont la durée effective du travail prévue par ce contrat est inférieure ou égale à 15 heures par semaine », le III de l’article L. 911-7-1 du CSS renvoie expressément au fait qu’« un accord de branche peut prévoir que l'obligation de couverture des risques (…) sont assurées selon les seules modalités mentionnées au II du présent article pour les salariés dont la durée du contrat ou la durée du travail prévue par celui-ci est inférieure à des seuils fixés par cet accord, dans la limite de plafonds fixés par décret ».

En d'autres termes, ledit décret fixe bien des seuils conformes aux orientations susvisées, ceux-ci ne sont applicables qu’aux accords de branche, et en l'absence de dispositions spécifiques dans l’accord de branche, ou lorsque celui-ci le permet, aux accords d'entreprise.

À défaut de dispositions limitantes dans l’accord de branche ou dans l’accord d’entreprise, tous les salariés en CDD et à temps partiels se trouvent susceptibles de bénéficier du « chèque santé » s’ils remplissent les conditions d’attribution, étant précisé que la notion de temps partiel n’est pas expressément limitée aux CDD. Il est ainsi possible d’étendre le versement du « chèque santé » aux CDI à temps partiel, sous réserve de l’absence de bénéfice d’un cas de dispense (articles L. 911-7 et D911-2 du CSS, article 4 de la loi Évin de 1989).

Il est important de souligner que cette analyse diverge de la position de certains qui considèrent que seuls les CDD de moins de 3 mois et les temps partiels de moins de 15 heures sont admissibles au « chèque santé ».

De notre point de vue, une analyse aussi réductrice expose l’employeur à un risque social et fiscal.

Les conditions de mise en œuvre du « chèque santé »

Les salariés doivent :

  • bénéficier par ailleurs d’un contrat d’assurance maladie complémentaire, sur la période concernée ;
  • et justifier du caractère responsable de cette couverture (article L 871-1 du CSS).

Ne sont pas éligibles les salariés qui bénéficient de :

  • l’ACS,
  • la CMU-C,
  • une couverture collective et obligatoire, y compris en tant qu’ayant droit,
  • une couverture complémentaire donnant lieu à la participation financière d’une collectivité publique.

L’encadrement du « chèque santé » par les partenaires sociaux, les syndicats et les employeurs

L’encadrement du « chèque santé » par les partenaires sociaux et les syndicats

Comme vu précédemment, les partenaires sociaux et les syndicats ont un rôle central dans l’encadrement de ce dispositif puisque la LFSS pour 2016 laisse le soin aux branches de statuer rapidement sur cette question (art. L911-7-1 du CSS).

En l'absence d'accord de branche ou lorsque celui-ci le permet, un accord d'entreprise peut également comporter des dispositions sur le « chèque santé ».

L’encadrement du « chèque santé » par les employeurs

Compte tenu du nombre de CDD aux effectifs, cette réforme peut avoir une implication financière particulièrement importante pour les entreprises. Il convient de rappeler qu’en pratique, les CDD font l’objet d’un cas de dispense de manière, notamment, à permettre à l’employeur de diminuer le montant de ses contributions au régime obligatoire.

Désormais, les entreprises doivent verser un « chèque santé » à tous les salariés en CDD qui bénéficient d’une dispense.

Par conséquent, cette obligation constitue depuis le 1er janvier 2016 une créance du salarié sujette à la prescription triennale. Les employeurs auront donc intérêt à revoir rapidement leur régime sans attendre l’évolution des accords de branche afin de limiter l’effet des coûts, ce par le biais des DUE. En effet, la loi a prévu la possibilité pour l’employeur de limiter le périmètre du bénéfice du « chèque santé » dans les mêmes conditions de seuil que celles prévues pour les accords de branche et les accords d’entreprise, jusqu’au 31 décembre 2016. Cependant, il existe un doute sérieux quant à la validité des DUE précisant les modalités de versement du « chèque santé » au-delà de cette date.

Compte tenu du risque de redressement, un éclairage de l’administration serait nécessaire.

Le cabinet Exceptio Avocats organise une conférence-formation le 19 mai 2016 à Paris, sur les dernières évolutions de la protection sociales et de l’assurance des personnes. Les URSSAF y participeront, notamment sur ce thème.

Contribution de Marie Caron (avocate collaboratrice) et Nicolas Troussard (avocat associé du cabinet Exceptio Avocats).

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