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21 / 10 / 2016 | 4 vues
Aurélie Moreau / Abonné
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Comment efficacement mettre en œuvre le recours judiciaire en cas de défaut dans la procédure de consultation avec délai préfix ?

Voici la première jurisprudence de la Cour de cassation sur la nouvelle procédure d’information-consultation ou comment pratiquer utilement le recours judiciaire pour espérer faire repousser la fin de la consultation. Elle est très riche d’enseignements, autant dans ce qu’elle dit que dans ce qu’elle n’exclue pas.

Il était une fois un CCE estimant nécessaire l’avis d’un CHSCT et d’un comité d’établissement sur le projet qui lui était soumis pour consultation. Le président s’y opposa et prit acte, à la fin du délai préfix d’un mois, de la fin de la consultation du CCE. Le CCE saisit la justice pour demander la suspension de la mise en œuvre du projet et voir confirmer que le CCE ne pouvait émettre son avis tant que le CHSCT et le comité d’établissement ne s'étaient pas prononcés. Si le juge lui donna raison sur la nécessité de la consultation du CHSCT et, de ce fait, sur l’allongement du délai à 3 mois, c’était trop tard, dit la Cour de cassation (Cass. Soc. 21 septembre 2016, CCE CGF Suez) puisque la décision du juge était intervenue au-delà du délai de 3 mois.

Plus de recours possible si le délai de consultation est clos

Par une lecture stricte du code du travail, la Cour de cassation confirme que le CE (ou le CCE) qui ne rend pas un avis à l'expiration du délai est quand même réputé l'avoir fait (article L. 2323-3), ce qui autorise l'employeur à mettre son projet en œuvre.
 
Le recours judiciaire n’est ouvert que pendant le délai de consultation. Le juge doit avoir rendu sa décision avant l’échéance de ce délai. Le TGI devant se prononcer dans un délai de 8 jours et sa saisine ne suspendant pas la consultation en cours, il faut anticiper.

Saisine du CHSCT par le CE justifiée par principe

Il est à noter que la Cour de cassation ne discute nullement de la question de savoir si l'entreprise devait consulter le CHSCT : lorsqu’un CE exprime le souhait de disposer de l'avis du CHSCT, dès lors que le projet touche à l'organisation du travail, cette consultation doit se faire et le délai passe de 1 à 3 mois. Certaines directions prétendent l’inverse : que la saisine du CHSCT par le CE ne serait ouvert que s’il est argumenté et justifié. Mais aucun texte ne comporte une telle exigence de procédure. En pratique, il s’avère parfois nécessaire que le CE saisisse le CHSCT pour apprécier l’existence même d’un effet dans son champ de compétences, les informations transmises n’étant pas précises.

Saisine du CHSCT par le CE pas obligatoirement lors de la première réunion

Notons également que la Cour de cassation ne reproche pas au CCE d’avoir saisi le CHSCT à une réunion postérieure à la première et, même en l’espèce, à celle clôturant le délai d’un mois. Certaines directions prétendent l’inverse : que le droit ne serait ouvert qu’à la première réunion. Mais aucun texte ne comporte une telle restriction. En pratique, le CE a besoin d’analyser le projet pour apprécier ses conséquences et estimer l’utilité du recours au CHSCT.

Comment saisir le juge ?

La Cour de cassation donne la méthode : un CE peut certes saisir en référé un TGI pour que celui-ci statue dans les 8 jours mais sa demande ne peut reposer que sur une insuffisance d’informations pour émettre son avis. Elle ne peut reposer sur l’absence de consultation d'une autre instance.

Et encore, cela ne garantit nullement au CE d'obtenir un prolongement des délais : la saisine du TGI « n'a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficulté particulière d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis motivé du CE, le juge peut décider de la prolongation du délai prévu à l'article L.2323-3 » (article L. 2323-4 du code du travail).

Ainsi, si le CE anticipe de ne pas pouvoir rendre un avis dans le délai imparti parce qu'il estime manquer d'éléments ou qu'il demande en vain la consultation d'autres instances, il a tout intérêt à manifester très tôt son insatisfaction auprès de la DIRECCTE, susceptible d'enjoindre l'employeur à répondre à la demande des élus et à saisir le juge et, en cas de saisine du juge, à faire valoir un manque d’informations et à demander expressément au juge une prorogation du délai de consultation.  

Encore une illustration du fait qu’il faut sécuriser en amont par la signature d’un accord d’entreprise comment se dérouleront ces procédures d’information-consultation dans votre CE.

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