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26 / 11 / 2010 | 7 vues
Xavier Berjot / Membre
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Auto-entrepreneurs : le risque de requalification

Dans une réponse du 12 octobre 2010 (rép. Liebgott n° 76823, JO, 12 octobre 2010), le Secrétaire d'État chargé du Commerce a fait le point sur le risque lié à la requalification du contrat de mission de l’auto-entrepreneur en contrat de travail.

Cette réponse ministérielle est l’occasion de rappeler les conséquences juridiques et financières applicables à la requalification, ainsi que les moyens d’en limiter le risque.

Distinction entre le contrat de travail et le contrat de mission de l’auto-entrepreneur


  • Contrat de travail

Le contrat de travail peut être défini comme celui en vertu duquel le salarié s’engage à mettre son activité professionnelle à la disposition de l’employeur, sous la subordination de laquelle il se place, moyennant une rémunération.

 
Le lien de subordination est l’élément déterminant du contrat de travail.

Selon la Cour de Cassation, « le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné », (Cass. soc. 1er juillet 1997, n° 94-45.102).

  • Contrat de mission de l’auto-entrepreneur

Le contrat de mission de l’auto-entrepreneur est un contrat d’entreprise (ou louage d’ouvrage), tel que défini par l’article 1710 du Code civil : « Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles. »

À la différence du salarié, l’auto-entrepreneur exerce son activité en toute indépendance et n’a donc aucun lien de subordination avec son client.

L’auto-entrepreneur est lié par une obligation de résultat mais conserve toute liberté quant aux moyens mis en œuvre pour y parvenir.

Cas de requalification du contrat de mission de l’auto-entrepreneur en contrat de travail


Si l’auto-entrepreneur ne remplit pas sa mission en toute indépendance et qu’un lien de subordination peut être établi entre lui-même et son client, la relation entre les parties peut être requalifiée en contrat de travail.

Comme la réponse ministérielle l’a indiqué :

  • « Une activité indépendante se caractérise essentiellement par le fait que celui qui l'exerce a pris librement l'initiative de la créer ou de la reprendre, qu'il conserve, pour son exercice, la maîtrise de l'organisation des tâches à effectuer, ainsi que de la recherche de la clientèle et des fournisseurs.

Tout autre est donc la situation de personnes, salariées ou engagées dans un processus de recherche d'emploi, à qui l'on demande de se déclarer comme auto-entrepreneur alors qu'elles travaillent en pratique sous l'autorité de leur ex-employeur ou de leur recruteur ».

Le risque de requalification ne se limite pas aux situations dans lesquelles un ex-salarié, ayant démissionné, continue de travailler pour le compte de son ex-employeur sous la forme de contrats de mission.

Il vise tous les cas dans lesquels l’auto-entrepreneur est placé, dans les faits, dans un lien de subordination juridique vis-à-vis de son client.

D’ailleurs, avant même la création du statut de l’auto-entrepreneur par la loi n° 2008-776 de modernisation de l'économie du 4 août 2008, la jurisprudence s’est prononcée sur la requalification de contrats d’entreprise en contrats de travail.

Ainsi, dans un arrêt du 14 mars 1991 (Cass. soc. 14 mars 1991, n° 88-20374), la Cour de Cassation a jugé qu’était justifiée la requalification du contrat de mission d’un chercheur, en se fondant sur les éléments suivants :

  • ce chercheur recevait de la société des instructions très précises quant aux sujets à traiter ;
  • il était astreint à respecter des délais d'exécution ;
  • il devait périodiquement faire un compte-rendu de ses travaux ;
  • il percevait une rémunération fixe et calculée à la vacation selon un tarif imposé par la société.

La jurisprudence de la Cour de Cassation fournit de nombreux exemples de requalification de contrats d’entreprise en contrats de travail.

La création du statut de l’auto-entrepreneur devrait logiquement conduire à de nouveaux arrêts de la Cour de Cassation.

Conséquences de la requalification du contrat de mission de l’auto-entrepreneur en contrat de travail

La requalification entraîne des conséquences d’ordre financier et pénal.

  • Conséquences financières

En cas de requalification, toutes les sommes versées à l’auto-entrepreneur ont le caractère d’un salaire.

Par conséquent, le client (requalifié en employeur) peut être condamné à acquitter l’ensemble des cotisations sociales afférentes aux sommes versées à l’auto-entrepreneur.

Par ailleurs, l’auto-entrepreneur peut réclamer une rémunération au moins égale au SMIC voire supérieure, si la convention collective applicable à son client prévoit des barèmes supérieurs.

Sur le plan de la durée du travail, l’auto-entrepreneur est censé être soumis au régime des 35 heures et peut solliciter le paiement d’heures supplémentaires s’il établit avoir travaillé au-delà de cette limite.

Enfin, si la relation entre les parties prend fin, la rupture sera nécessairement qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas d’inobservation des règles relatives au licenciement.

Dans ce cas, l’auto-entrepreneur peut solliciter le versement des indemnités suivantes :

  • une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
  • une indemnité compensatrice de préavis ;
  • une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;        
  • des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
L’auto-entrepreneur peut également réclamer une indemnité destinée à compenser l’absence de congés payés durant sa période d’emploi.

En effet, s’il avait été salarié, il aurait bénéficié de 30 jours ouvrables de congés payés par an (article L. 3141-3 du Code du Travail).

Enfin, le salarié auquel un employeur a eu recours sans être déclaré a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire à moins que l’application d’autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable (article L. 8223-1 du Code du Travail).

Ces conséquences financières particulièrement lourdes ne sont pas exhaustives, d’autres pouvant s’y ajouter en fonction de chaque cas particulier.

  • Conséquences pénales
En ayant recours à un auto-entrepreneur dans des conditions caractérisant une relation de travail, son client s’expose aux sanctions applicables au travail dissimulé.

Il résulte en effet de l’article L. 8221-6, § II du Code du Travail que l'existence d'un contrat de travail peut être établie lorsque des travailleurs indépendants fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Dans ce cas, il y a dissimulation d'emploi salarié s'il est établi que le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement à l'accomplissement des formalités liées à la déclaration préalable à l'embauche et à la délivrance des bulletins de paie.

Selon la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, l'intention coupable de l'auteur présumé du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié est caractérisée lorsqu'il est constaté que celui-ci a violé en connaissance de cause les obligations légales.

Ainsi, le seul fait pour un employeur d'avoir recours à une personne dans un cadre salarial sans respecter les formalités liées à l'emploi suffit à caractériser l'élément intentionnel du délit, l'employeur ne pouvant ignorer qu'il est soumis à ces obligations (Cass. crim. 27 septembre 2005 n° 04-85.558).

L'infraction de travail dissimulé est passible de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, ainsi que de peines administratives (inéligibilité aux aides à l'emploi et à la formation professionnelle, exclusion de l’accès aux marchés publics) et civiles (interdiction des droits civiques, civils et de famille).

Moyens propres à limiter le risque de requalification du contrat de mission de l’auto-entrepreneur en contrat de travail

Afin de se prémunir contre les conséquences liées à la requalification, certaines précautions peuvent être prises, tant d’un point de vue juridique que factuel.

  • Sur le plan juridique

Il convient tout d’abord de s’assurer que l’auto-entrepreneur est régulièrement déclaré et à jour de ses obligations fiscales et sociales, et qu’il est dûment assuré.

Par ailleurs, le contrat de mission de l’auto-entrepreneur doit prévoir que ce dernier a la charge du résultat de sa mission.

Le contrat doit ainsi prévoir les sanctions en cas d’inexécution de la mission (pénalités de retard notamment).

Enfin, il est conseillé que la rémunération prévue au contrat soit fixée forfaitairement, en fonction du résultat, et non du nombre d'heures de travail effectuées.

  • Sur le plan factuel

Dans les faits, la nécessaire indépendance de l’auto-entrepreneur implique que ce dernier doive :

  • utiliser son propre matériel dans l’exécution de sa mission ;
  • disposer de ses propres cartes de visite et de sa propre adresse email ;
  • intervenir sur une mission préalablement définie par le contrat et ne constituant pas une simple location de main-d’œuvre ;
  • ne pas figurer pas sur l’organigramme de la société ;
  • fixer librement son emploi du temps ;
  • avoir plusieurs clients ou au moins la possibilité de développer sa clientèle.

En conclusion, la plus grande attention doit être portée aux contrats de mission des auto-entrepreneurs, d’autant que la réponse ministérielle a indiqué que « le gouvernement a clairement indiqué qu'il souhaitait renforcer l'information sur le caractère illégal et les risques de toute pratique visant à dissimuler une relation salariale de subordination sous la forme d'une relation commerciale de sous-traitance ».

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