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06 / 06 / 2017 | 132 vues
Didier Cozin / Membre
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90 % des organismes de formation privés pourraient disparaître avant la fin de cette année

Alors que les pouvoirs publics veulent former prioritairement 2 millions de personnes sur  5 années (1 million de jeunes sans éducation et 1 autre million, chômeurs non qualifiés ou de longue durée) un décret « qualité » organise la disparition de la plupart des centres et des formateurs indépendants (s'ils ne répondent pas à des critères bureaucratiques prétextant la « qualité »).

Le décret qualité ou comment l’État technocratique a prétendu tout contrôler

En prétendant éviter 1 ou 2 % de détournements divers ou escroqueries à la formation (escroqueries dues en grande partie à la complexité et à la lourdeur du système), on va ruiner ce secteur en le bridant.

Ce « décret qualité » (la qualité et la croissance ne se décrètent pas, elles se méritent et se bâtissent dans la confiance) publié 18 mois après le vote de la loi du 5 mars 2014, prétend labelliser les organismes de formation s'ils remplissent 21 conditions bureaucratiques, tenant bien plus de la traçabilité des fonds de formation que de la pédagogie des adultes.

Ainsi, 3 000 organismes ont été habilités depuis janvier 2017 (avant cette date rien n'était anticipé par un État exigeant mais brouillon et désorganisé), 20 000 sont en attente, en rade sur le « data dock » et, dès le 1er juillet, tous les autres (encore 20 000 au moins) devront fermer boutique.

Sous prétexte de recherche de qualité, la réforme de 2014 a tenté de drastiquement réduire le secteur privé de la formation :

  • en liquidant 90 % des organismes de formation privés pour arriver à ce chiffre magique de 3 000 en France (comme en Allemagne) ;
  • en renflouant l’AFPA (en quasi faillite), les GRETA (déficitaires pour un grand nombre) et les facs (qui n’ont pas assez d’argent pour accueillir tous les jeunes qui sortent de l’école) ;
  • tout en faisant disparaître des statistiques (catégorie A) le chômage provoqué par les piètres politiques d'emploi suivies en 2012 et 2013.

Réduire le nombre et la diversité des organismes de formation pour retrouver la qualité est une idiotie en 2017.

Alors qu'il est compréhensible (cf l'élection d'Emmanuel Macron) que l'État IIIème République, gendarme, planificateur et vertical était condamné, alors que l'Éducation nationale elle-même s’apprête à octroyer une réelle autonomie aux établissements scolaires (et donc de la diversité pour leurs pratiques pédagogiques) la tentative de création de conglomérats de formation tourne le dos à la société de la connaissance et des réseaux.

  • Elle réduira la concurrence, l'innovation, la créativité, la flexibilité et sans doute la qualité en formation (on peut savoir ranger les dossiers dans les bons classeurs et ne pas savoir former).
  • Elle fera l'impasse sur les nouvelles formes d'apprentissages (en situation de travail, à distance, informelle, par alternance, en classe inversée...).
  • Elle fera régresser l'effort de formation de tout un pays en le circonvenant à une dérisoire quête d'heures de formation, de labels, de diplômes ou de titres divers (la VAE reste un échec depuis 17 ans car les entreprises cherchent des compétences, pas des titres figés dans des référentiels).
  • Elle déstabilisera la formation dans les TPE/PME : ces petites structures n'intéresseront jamais les « grands » organismes de formation du fait de leurs faibles effectifs et de leurs spécificités en formation.
  • Elle mettra au chômage (certes non indemnisé) de 30 à 40 000 formateurs indépendants (qui manqueront cruellement aux systèmes éducatifs, privés comme publics ces prochaines années).

Ce qui s’est produit en médecine libérale ou chez les artisans se produira en formation.

Partout en France, on déplore le manque de médecins généralistes ou d'artisans dans les campagnes et les zones périurbaines et la disparition programmée (dans quelques semaines) des formateurs indépendants nous guette aussi désormais.

  • Il ne sera plus possible d'organiser des formations de qualité dans les TPE sur tout le territoire national (le plus vaste de l'Union européenne).
  • La naissance et le développement de conglomérats hétéroclites, sous-capitalisés et sous-performants noyautera le secteur.
  • Enfin, la concurrence n'existera plus avec l'impossibilité de créer de nouvelles structures de formation (pour être considéré comme un organisme de formation, il faudra déjà y avoir travaillé durant plusieurs années).

Dans un vrai marché concurrentiel, c'est le consommateur (l'apprenant et l'entreprise) qui décide de la qualité du service. Désormais, c'est donc bien au marché de décider ce dont il a besoin, sans intermédiation ni contrôles étatiques et contre-productifs.

Le démantèlement des textes de formation adoptés en février 2014 est une priorité éducative pour le pays.

Pour changer la formation et la remettre au service du travail dans notre pays, il ne sera pas possible d'attendre début 2018 (avec une mise en œuvre, au mieux, en 2019) et si notre pays veut retrouver sa compétitivité et ses compétences, il lui faut changer sa formation par décret, doter chaque travailleur d'un chèque formation, abandonner cette quête fallacieuse de compteurs d’heures (CPF, CPA, CEC, CET…) et libérer les apprentissages dans un pays qui a trop confondu la formation avec la reproduction (sociale).

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