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17 / 01 / 2011
Eric Verhaeghe / Membre
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Inscrit(e) le 17 / 01 / 2010

Pourquoi j'ai écrit "Jusqu'ici tout va bien" ?

Je me permets de donner quelques explications sur le livre que je viens de publier : Jusqu’ici tout va bien. Enarque, membre du Medef, président de l’Apec, je jette l’éponge !

J'appartiens à la génération qui a grandi avec la crise. J'avais 4 ans en 1973. Je vivais dans le bassin industriel liégeois, et, quand j'étais adolescent, nous vivions dans l'angoisse collective du chômage : les usines fermaient les unes après les autres, les conditions de vie se dégradaient et personne ne voyait de raison objective à une inversion de cette spirale. Comme beaucoup, j'ai cru à toutes les théories qui ont commencé à dominer cette époque : la croissance reviendrait avec la concurrence, le marché, la loi de l'offre et de la demande, la privatisation etc. Tout était contenu, au fond, dans l'idée de rationalité du marché. Laissons faire le marché, qui est rationnel, et tout ira bien.

J'y ai cru

Depuis 40 ans, les politiques économiques, et plus largement les politiques publiques, sont dominées par cette idée générale et elles convergent toutes en ce sens. C'est ainsi que la France s'est engagée dans les années 1980 dans une politique de privatisation, et dans les années 1990 dans une politique de baisse du coût du travail par des allégements de charge. Ceux-ci coûtent 1,5 % de PIB chaque année aux contribuables.

La crise de 2008 a démontré que, au bout de 40 ans, non seulement nous n'avons pas retrouvé la croissance, mais, bien au contraire, nous nous enfonçons dans une crise sans précédent depuis 1929, une crise systémique. En aucune manière cette crise, qui est remboursée par les salariés, n'est due aux salariés. Elle tient tout entière dans des prises de risque inconsidérées, dont les banquiers portent l'entière responsabilité. En un mot, l'encouragement à l'endettement des particuliers aux États-Unis a permis aux banques de percevoir des rémunérations extravagantes sur le dos d'emprunteurs de plus en plus risqués. Et quand ces emprunteurs ont fait défaut, le système s'est effondré brutalement.

Aristocratie prédatrice

Ce séisme s'explique très largement par la théorie du « too big to fail » (trop grand pour faire faillite). Les géants financiers se savent indispensables au système économique et se permettent donc des stratégies extrêmement dangereuses, car les contribuables seront là pour rembourser leurs pertes si ça tourne mal. C'est inadmissible, mais c'est vrai. Et en plus, c'est contraire au principe de l'aléa moral qui fonde l'économie de marché.

Tout cela m'a conduit à revenir progressivement à un examen de ce qu'est exactement l'économie de marché : sommes-nous gouvernés par la rationalité économique, quand on sait que les marchés à terme, qui engagent chaque année 10 ans de PIB mondial, sont une table de poker ? La croissance est-elle synonyme de prospérité etc. ? Cet examen, je l'ai mené uniquement avec des sources officielles, comme les textes du FMI ou de l'OMC. J'aborde aussi la question du rôle de l'État dans ce système et je pense démontrer efficacement qu'il n'est pas l'outil de redistribution qu'on nous décrit souvent.

J'en suis arrivé à la conclusion que, au nom du libéralisme économique et de l'économie de marché, une élite s'est constituée en aristocratie prédatrice, qui assujettit les citoyens et leur demande de financer l'ensemble du système économique. Sous couvert de libéraliser les marchés, on a utilisé l'impôt pour financer l'économie.

Comme je n'aime pas les postures purement critiques, j'esquisse un certain nombre de propositions concrètes pour en sortir.

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