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28 / 03 / 2014
Christian Grolier / Abonné
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Parcours professionnels, carrières et rémunérations : le gouvernement joue au pompier incendiaire

Bruno Le Roux et Vincent Peillon, soutenus par le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, ont posé l’hypothèse du gel de la carrière et du régime indemnitaire des fonctionnaires.

Les démentis du Premier Ministre n’y feront rien : le mal est fait !

L’intention existe, elle s’est exprimée. Le gouvernement Ayrault veut donner des gages de bonne gestion budgétaire à la Commission européenne et aux marchés financiers en s’attaquant au premier poste de la dépense publique : les fonctionnaires (40 % des charges de l'État).

Notre fédération combattra cette politique en commençant par participer à la réussite du 18 mars. Geler l’avancement des fonctionnaires, s’attaquer au GVT (glissement, vieillesse, technicité) : un ballon d’essai qui arrive à point dans le calendrier politique.

-  La discussion préparatoire au budget démarre. Les ministres auditionnés samedi dernier par le Président de la République ont été sommés de rendre leur projet d'économies à Bercy.

-  Le chantier PPCR (parcours professionnels, carrières et rémunérations) s’engagera en mai après en avoir fixé la méthode. Jeudi 13 février s'est tenue la réunion conclusive de méthode du chantier PPCR. Polluée par les provocations gouvernementales, elle a été reportée faisant place à une réaction intersyndicale après une tentative ratée d’apaisement de la ministre.

Au terme du cycle de réunion dite de méthode, le secrétariat de la FGF-FO entend faire quelques constats.

Sur la méthode : les choses semblent évoluer…

Dès le début, la DGAFP a appliqué un cadre fixé par le cabinet. En conséquence, les propositions de modifications lourdes proposées par FO, telles que le changement de calendrier (allongement) ou l’ordre des séquences de négociation ont été rejetées d’office. Qui plus est, le terme « négociations » est vite apparu impropre. Il s’agissait tout au plus de propositions unilatéralement avancées par le gouvernement et que les organisations syndicales étaient priées de ratifier après discussions marginales. Il n’était donc pas envisagé de négocier sur la base des revendications des organisations syndicales.

La FGF-FO, reçue par la ministre le 13 février après le démenti équivoque sur le gel de l’avancement[i], a entendu le contraire. Tout serait devenu négociable. Les revendications syndicales seraient même discutées. Mais rappelons que la feuille de route a clairement été donnée par la DGAFP via le rapport de Bernard Pecheur. Rapport qui a fait de la gestion des emplois et des agents le deuxième grand thème majeur de la négociation. Thème mené en parallèle du cœur de sujet : « La rénovation de l’architecture statutaire et la politique salariale ». 

La méthode marque donc une approche excessivement « ressources humaines » en décalage avec la problématique initiale.

Ajoutons une seconde orientation que le projet de relevé de conclusions met en évidence.

La maîtrise budgétaire

La rigueur budgétaire, le calendrier politique, le maintien du gel du point (dénoncé par Bernard Pecheur) conduisent le gouvernement à encadrer les revendications salariales dans un accord pluriannuel.

C’est pourquoi le cabinet (via la DGAFP) tente d’imposer d’entrée un accord salarial compatible avec le budget triennal 2015-2017, sous prétexte de discuter de contreparties à l’amélioration des grilles. L’obsession comptable et budgétaire a eu pour conséquence depuis une décennie de faire de la masse salariale « fonction publique » la variable d’ajustement.

Avec comme traduction concrète :

• l’explosion du recours aux précaires,

• les suppressions massives de postes,

• les transferts de personnel,

• les privatisations,

• le gel du point d’indice,

• l’étranglement des PRO/PRO,

• la réduction des plans de requalification.

Rajoutons le projet de réforme de l’indemnitaire qui, sous prétexte de revenir sur la PFR, déconnecte le régime indemnitaire du grade.

 

Donner une prime unique pour une même fonction conduira immanquablement à baisser le niveau des primes et surtout à priver les ministères des faibles marges de manœuvres qui leur restaient. Le triennal est un cadrage inacceptable. FO revendique des négociations annuelles obligatoires et refuse d’être enfermé dans un « carcan » pluriannuel.

Notre fédération rejette l’idée d’un pacte salarial qui tiendrait compte de la croissance, des prix et de l’évolution des salaires du privé.

Pour nous, une négociation sur les carrières et les grilles devrait s’organiser logiquement ainsi :

  1. l’architecture et la gestion statutaire,
  2. la rénovation des grilles,
  3. le cadre de la politique salariale.

 

Engager le chantier « parcours professionnels, carrières et rémunérations » par cet angle, c’est hypothéquer l’avenir du statut et donc de la fonction publique. On ne construit pas un statut sous la pression de la conjoncture économique financière et budgétaire, qui plus est dictée par la sphère politico-financière. Rénover le statut et les grilles, c’est se projeter dans 30 ans, c’est tenir compte des évolutions de la société en matière de diplômes, de parcours professionnel. C’est conforter l’adéquation entre statut et service public.  

Toute vision court-termiste dans la conduite du projet ou dans ses objectifs essentiels conduirait à l’impasse tant le chantier des grilles représente un enjeu majeur de l’avenir de la fonction publique.

Notre fédération de fonctionnaires revendique, congrès après congrès, la réforme et la refonte de la grille

Le tassement, la SMICardisation des bas de grilles et la perte de reconnaissance des qualifications pénalisent la fonction publique. Les carrières sont de moins en moins attractives.

L’ascenseur social est bloqué. Pire, la politique salariale engagée par le gouvernement Fillon (gel du point d’indice) est poursuivie par le gouvernement Ayrault. La MAP supprime autant d’emploi que la RGPP.

Le chantier PPCR pourrait représenter l'occasion de sortir de cette impasse qui détruit de la valeur dans le service public.

Or, la méthode qui nous est proposée ne suit pas ce chemin. Cela pour plusieurs raisons : la volonté affirmée de traduire les préconisations du rapport Pécheur et un plan de travail qui mélange les problématiques et les priorités.

 

L’urgence pour nous , c’est :

  • d'augmenter immédiatement la valeur du point d’indice ;
  • d'améliorer les grilles, notamment en ouvrant des perspectives de carrières intéressantes et réalisables ;
  • de conforter le lien entre traitement indiciaire et pension ;
  • de prendre en compte les niveaux de qualification ;
  • et de garantir la progression professionnelle et personnelle, et non de définir les niveaux de gestion des agents, cela même si le sujet est d’importance dans l’organisation statutaire.

Pour nous, l'objectif est clair.

Consolider le statut pour réaffirmer les principes qui régissent l’emploi public. Le statut fait sens au profit de la mission du service public. Ne l’oublions jamais !

2013 a célébré les 30 ans de la loi Le Pors. Le chantier PPCR devrait tracer la route pour les 30 prochaines années (au moins). Le calendrier trop court (mai 2014-février 2015), encadré par une saignée des dépenses publiques, de l’économie, de 53 milliards d’euros fait que ce chantier démarre dans les pires conditions.

Rénover les grilles ne saurait être un enjeu de politique salariale. C’est un projet d’avenir. Il doit absolument être déconnecté des pressions conjoncturelles.

Aussi, nous ne pouvons accepter d’être enfermés de quelque manière que ce soit dans un plan ou un accord budgétaire triennal.

- Oui, nous revendiquons des négociations salariales annuelles.

- Non, nous n’accompagnerons pas la rigueur salariale et la baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires.

Les agents publics en ont assez d’être la variable d’ajustement budgétaire des gouvernements successifs. Nous avons déjà marqué notre opposition à cautionner l’obstination du gouvernement dans sa réforme du régime indemnitaire malgré le rejet massif des syndicats. Nous ne voulons pas traiter de la pénibilité dans la fonction publique sans que le service actif soit au centre des discussions.

La fédération générale des fonctionnaires-FO refusera tout chantage, tout encadrement, toute contrepartie à la rénovation et à la revalorisation des grilles.

Nous continuerons donc de construire et porter la revendication d’une réforme et une refonte des grilles pour :

  • un meilleur traitement,
  • des carrières attractives,
  • une retraite décente.

La fédération prendra donc ses responsabilités si le gouvernement s’obstine à conduire la rénovation des carrières et la revalorisation de la grille indiciaire contre les revendications portées par les représentants du personnel.

 


Bernard Cazeneuve a voulu rassurer les fonctionnaires, qui « ont déjà fait beaucoup d'économies « mais a estimé essentiel d'« associer les fonctionnaires à ce mouvement, parce (…) qu'ils sont désireux de participer à une réforme de l'État qui fasse monter en gamme le service public » selon Le Figaro. Jean-Marc Ayrault a indiqué « qu'il y a des sujets qui sont sur la table dont peut-être celui-là », tout en précisant être personnellement « défavorable » à cette solution. L'entourage du président affirmait « qu'aucune décision n'est prise » mais le Premier Ministre s'est montré plus catégorique jeudi matin au micro d'Europe 1 : « Ce n'est pas vrai... Pourquoi annoncer de fausses nouvelles ? [...] Je ne suis pas favorable à une baisse du pouvoir d'achat des fonctionnaires ». Cette dernière affirmation reste pleine d’ambiguïté et de menaces.
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