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18 / 07 / 2018 | 13 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Nouveau rebondissement dans l'affaire des « dames pipi » de Paris

L’affaire des « dames pipi » des monuments parisiens, qui se sont subitement retrouvées sans employeur à l’été 2015 après un changement de prestataire, devait être examinée en départage le 11 juillet 2018 aux Prud’hommes de Paris.

Les plaignantes ayant formulé de nouvelles demandes en matière d’arriérés de salaire, l’affaire sera étudiée ultérieurement. Clarisse Josselin a suivi l'affaire pour la Revue FO Hebdo.

Un nouveau rebondissement a eu lieu le 11 juillet 2018 dans le combat judiciaire engagé depuis trois ans par les « dames pipi » des monuments de Paris pour faire valoir leurs droits. À l’été 2015, les onze salariées s’étaient retrouvées du jour au lendemain sans salaire, ni employeur, suite à un changement de prestataire. Six d’entre elles, accompagnées par FO, avaient saisi la justice.

Pour leur avocat, Me Fiodor Rilov, il ne fait pas de doute que le nouveau prestataire, la société Sarivo Point WC (filiale du groupe néerlandais 2theloo), avait l’obligation de reprendre les salariés, en application du Code du travail et de la convention collective de la propreté. Or, ce dernier prétexte un « nouveau modèle économique » lui permettant d’engager librement ses salariés.

Rejet en appel d’une procédure accélérée, absence d’accord sur le fond entre les conseillers prud’homaux… L'affaire a déjà donné lieu à plus d’une dizaine de convocations. Elle devait enfin être tranchée sur le fond le 11 juillet 2018 par un juge départiteur au Conseil des Prud’hommes de Paris.

Ce jugement pourrait faire jurisprudence dans la branche.

Mais, la veille de l’audience, les avocats des plaignantes ont communiqué de nouvelles demandes au tribunal. « L’une des dames nous a alertés sur le fait que les salaires n’étaient plus versés depuis trois ans mais que les contrats de travail avec l’ancien employeur n’avaient jamais été rompus. Nous demandons donc un rappel de salaire sur 36 mois », explique Me Hotense Bétare.

A l’ouverture de l’audience, la partie adverse a demandé un renvoi de l’affaire pour avoir le temps de « mettre le dossier en état ». L’avocat de la société Sarivo a grossièrement évalué le montant de ces arriérés de salaire à un total de 210 000 euros pour les six plaignantes. Jusqu’à présent, ces dernières demandaient 15 000 euros de réparation pour le préjudice subi.

Expliquant qu’il n’était pas possible de faire de renvoi en départage, le juge a radié l’affaire. Elle sera examinée lors de la prochaine audience disponible. « Je ne peux pas vous donner de délai, si ce n’est que ce sera dans moins de dix-huit mois  », a-t-il précisé.

Pour la fédération de services Feets-FO, les enjeux de ce dossier sont importants. La décision de la justice pourrait faire jurisprudence dans la branche de la propreté et remettre en cause la garantie de l’emploi des 490 000 salariés couverts.

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La reprise d'un marché privé impose toujours la reprise des salariés liés au marché. La loi l'impose au travers de l'article L. 1224-1 du Code du travail. Les conventions collectives l'organisent (la fameuse annexe 7 de la convention collective du nettoyage, mais également d'autres conventions collectives). Hélas la reprise des salariés à l'issue de la perte d'un marché public se passe tout autrement. Lors de l'attribution d'un marché public à un nouvel attributaire, ce nouvel attributaire a vocation à reprendre une partie du personnel si l'activité relève d'une convention collective qui le prévoit. Mais c'est à l'administration, pouvoir adjudicateur, de communiquer à tous les candidats - lors de l'appel d'offres - le coût de la masse salariale. C'est ce qu'a jugé le Conseil d'Etat dans un arrêt du 19 juin 2011, affaire #340773. Le Conseil d'Etat a étendu cette obligation aux candidats à l'appel d'offre qui ne sont pas soumis à cette convention collective et ne sont pas astreints à cette obligation de reprise. Dans un arrêt du 6 mars 2014, #13DA00173, La Cour administrative d’appel de Douai a étendu cette solution aux marchés à bon de commandes. Il s'agit, pour la Cour, d'une obligation qui pèse sur l'adjudicateur du marché, au nom de l'égalité de traitement des candidats. Cependant, lorsque les conventions collectives applicables au marché ne l'imposent pas, la reprise ou non des salariés dépend de la volonté politique du pouvoir adjudicateur, qui doit l'inscrire - ou pas - dans son cahier des charges. A ce regard, il est très étonnant de voir que des collectivités locales orientées socialement à gauche, voire très à gauche, méprisent régulièrement cet aspect essentiel du droit du travail, au nom de l'intérêt économique. A moins que ce ne soit en raison de l'incompétence du rédacteur des clauses du cahier des charges du marché public? En toute hypothèse, cette affaire est une nouvelle preuve de ce que la reprise des salariés d'un marché public est un réel problème politique, avant d'être un problème de droit. Si le cahier des charges avait imposé la reprise du personnel, cette affaire n'existerait simplement pas. Les "dames pipi" des Monuments de Paris auraient été reprises par l'entreprise attributaire du marché. Surprise? Les Monuments de Paris sont un établissement public sous la tutelle ... de la Mairie de Paris. Preuve que l'orientation politique des mairies dites "de progrès" n'a pas toujours de transposition dans ses actes. Le Social restera toujours le mal aimé du politique...