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26 / 09 / 2023 | 90 vues
Nora Ansell-Salles / Abonné
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Inscrit(e) le 10 / 09 / 2008

Les principaux défis de l'Ordre National des Infirmiers

Patrick Chamboredon est infirmier en soins généraux et exerce en hémodialyse à l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille. Il est depuis décembre 2017 président de l'Ordre national des infirmiers et depuis novembre 2020 président du Comité de liaison des institutions ordinales. Alors que l'existence de l'ONI est assez méconnue , il a bien voulu faire le point sur l'actualité de l'ordre , pour Mines d'infos (*) et répondre  aux  nombreuses questions du moment... 

 

 

?Par quel chemin détourné ou pas devient-on président de l'ONI ?

 

Mon engagement au sein de l’Ordre a été le prolongement naturel de mon engagement de toujours au service de ma profession. J’ai été représentant des élèves à l’IFSI, j’ai représenté les soignants au sein de l’hôpital. Il m’a dès lors semblé naturel de m’engager au sein de l’Ordre à sa création, dans le fil de mon engagement au service de ma profession. J’ai été président de l’Ordre régional pendant huit ans, avant de devenir président du conseil national.

 

 

?Vous doutiez-vous lorsque vous avez succédé à Didier Borniche de l'ampleur de la tâche qui vous attendait ?

 

Absolument. J’étais déjà élu ordinal à l’époque, donc conscient des défis auxquels l’Ordre faisait face. Nous avions vécu le risque de disparition de l’Ordre au moment de l’examen de la loi Touraine ; la situation financière de l’Ordre était précaire ; l’Ordre ne comptait que 180 000 inscrits et avait peu de relations avec les infirmiers… Nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis !

 

 

?De quelle avancée êtes-vous le plus fier depuis le début de votre présidence ?

 

Grâce à la mobilisation de mon équipe au conseil national, mais surtout grâce au dévouement quotidien des infirmières et des infirmiers sur le terrain – qui a été mis en lumière et salué pendant la crise Covid – nous avons su renouer avec les pouvoirs publics, comme avec les autres professions de santé, et nous nous sommes battus pour faire advenir des textes importants pour l’évolution de la profession (IPA, vaccination par l’infirmier, ouverture des travaux sur le décret infirmier, etc.)
 

Mais surtout, nous avons su renouer avec la profession. L’Ordre compte aujourd’hui un demi-million d’inscrits, que nous consultons régulièrement lors de consultations sur leur exercice, sur la sécurité... C’est ce lien avec le terrain qui donne à l’Ordre toute la légitimité qui est la sienne aujourd’hui. Il est certain que nous pouvons toujours nous améliorer dans le soutien et l’appui que nous apportons à nos consœurs et nos confrères, à tous les échelons de l’Ordre. Tous les infirmiers élus ordinaux y travaillent sans relâche

 

?Quels défis identifiés vous attendent d'ici la fin de votre présidence ?

 

L’Ordre est entré, depuis le 28 août, dans un processus électoral. Ces élections constituent un temps fort dans la vie de notre profession : ce sont les seules élections infirmières regroupant tous les modes d’exercice : privé, public et libéral. Elles sont l’occasion pour tous les infirmiers de prendre la parole et de confirmer la représentativité de nos élus.  J’invite donc tous les infirmiers à s’impliquer et à voter – car l’Ordre ne vit que par l’implication des infirmiers ! Au-delà de ça, nous resterons bien sûr extrêmement mobilisés sur les textes législatifs et réglementaires susceptibles d’avoir une influence sur l’évolution de notre profession : le PLFSS, le décret infirmier, la vaccination HPV, les certificats de décès, les enjeux de formation, etc.

 

?Quel poids pèse concrètement l'Ordre face aux pouvoirs publics sur certains dossiers comme celui de la violence exercée sur les soignants ?

 

L’Ordre a joué le rôle de lanceur d’alerte, un rôle d’interpellation. Nous avons par ailleurs fait deux propositions concrètes : d’abord que toute agression contre un infirmier soit réprimée plus sévèrement ; et ensuite que l’Ordre puisse assurer la continuité des soins dans les territoires en organisant le remplacement de tout infirmier libéral victime de violences. Nous sommes aujourd’hui en attente du plan ministériel contre ces violences. Par ailleurs, l’une des principales missions de l’Ordre est l’entraide, et il y a des référents entraide dans chaque département. Nous nous portons par ailleurs systématiquement partie civile en cas de plainte, aux côtés des infirmiers victimes de violences.

 

?Dans quel cadre s'exerce le pouvoir disciplinaire de l'Ordre... [les motifs qui reviennent le plus souvent et l'échelle des sanctions appliquées] ?

 

Les chambres disciplinaires de l’Ordre relèvent d’une juridiction indépendante du conseil national de l’Ordre infirmier. Les motifs peuvent être par exemple le non-respect du devoir de bonne confraternité, la non-rétrocession des honoraires ou encore le non-respect du secret professionnel. L’éventail des sanctions qu’elles peuvent prononcer va de l’avertissement à la radiation (article L. 4124-6 du Code de la santé publique), mais ça n’est pas au conseil national de faire des commentaires à ce sujet.

 

?A quelle sanction s'exposent les infirmiers libéraux qui abusent et réclament en toute illégalité des dépassements de 25€, voire plus, pour les prises de sang à domicile malgré les ordonnances mentionnant "à domicile" y compris pour les malades en ALD qui doivent faire parfois plusieurs prise sang par mois... Quelle démarche les patients concernés par ce type de pratique doivent-ils entreprendre ?

 

L’une des missions de l’Ordre est la protection de la santé publique, et les enjeux financiers peuvent restreindre l’accès aux soins. Nous sommes donc très vigilants, et invitons tous les patients qui s’estiment lésés de se rapprocher de leur conseil départemental de l’Ordre.

 

S’ils le souhaitent, les patients concernés par ce genre de pratiques, peuvent adresser une plainte par lettre recommandée avec accusé de réception au président du conseil départemental ou interdépartemental de l’Ordre des infirmiers auprès duquel l’infirmier mis en cause est inscrit. Il s’agit généralement de celui de son lieu d’exercice. Après la phase amiable, en cas d’absence de conciliation, la plainte du patient sera transmise à la chambre disciplinaire de première instance ou à la section des assurances sociales du ressort du conseil départemental ou interdépartemental de l’Ordre saisi de la plainte.

 

?Les cotisations de près de 700 000 membres suffisent-elles à financer les missions de l'Ordre ?

 

Nous comptons un demi-million d’inscrits, et nous sommes très attentifs au bon usage de leurs cotisations, dont je sais qu’elles ne sont pas une dépense anodine. Nos comptes sont certifiés chaque année par un commissaire aux comptes, dont le rapport est rendu public sur le site de l’Ordre, et nous nous efforçons, par une gestion consciencieuse, de remplir toutes les missions qui sont les nôtres de par la loi en respectant strictement ce budget.

          

?S'il est toujours agréable de constater que nombre de personnes reconnaissent l'utilité de l'Ordre...Entendez-vous pour autant les reproches formulés et comment pouvez-vous répondre ?

 

Nous sommes en permanence dans une démarche d’amélioration, alors que l’Ordre a connu une croissance exponentielle du nombre d’inscrits et que nos missions s’étendent. Nous pouvons bien entendu toujours mieux faire – c’est ce à quoi nous travaillons, grâce à la mobilisation d’élus ordinaux qui sont, je le rappelle, des infirmiers de terrain élus. C’est aussi pour cela que j’appelle tous les infirmiers à se mobiliser : c’est ensemble que nous relèverons les défis qui se posent à l’Ordre, qui est une émanation du terrain !

 

?Si vous aviez la possibilité de faire vous-même les questions/réponses, quelle question vous seriez-vous posée et quelle aurait été votre réponse ?

 

Et je répondrais qu’encore une fois l’Ordre n’est rien sans les infirmiers. Il est donc essentiel qu’ils s’engagent pour une profession que nous travaillons, avec tout le bureau qui m’entoure, à valoriser. Nous nous battons au quotidien pour que soit reconnue sa juste place au cœur de notre système de santé, et les réussites que nous avons connues à cet égard sont collectives. Nous devons poursuivre ce combat commun, et notre légitimité pour le mener nous la tenons du terrain, et du fait que l’Ordre soit composé d’infirmiers qui ont aussi une activité professionnelle, de gens proches du terrain, qui connaissent le réel. Nous avons besoin de toutes les énergies pour continuer à défendre notre belle profession, dans toutes ses composantes. 
 

L’Ordre national des infirmiers a été créé par la loi du 21 décembre 2006, qui a modifié le code de la santé publique pour instituer un ordre professionnel regroupant obligatoirement tous les infirmiers habilités à exercer leur profession en France. 


Convaincu depuis longtemps que la profession devait se fédérer derrière une instance représentative, je me suis présenté aux premières élections départementales en 2008. 
 

En effet, La profession regroupe plus de professionnels que tous les autres paramédicaux réunies, environ 15 % sont libéraux et 85% sont salaries dans le public ou le privé.  Nous pouvons travailler dans des hôpitaux, des cliniques, dans des établissements scolaires, dans des entreprises, des associations, des caisses d’assurances maladies, des mutuelles, les ARS …      De plus, dans une même structure nous pouvons exercer pour exemple en tant que IADE, IBODE, IPA, Puéricultrice.   Dès 2008, nous nous sommes organisés au sein du département en groupes de travail, ce qui nous a permis de nous connaître d’échanger et de former une véritable équipe. Les élus départementaux ont pour mission de vérifier les diplômes français ou européens, la moralité via le casier judiciaire, la loyauté. ,Le conseil départemental délivre les autorisations de remplacement en libéral et les autorisations de cabinet secondaire, via son président il représente l’ordre auprès de l’ensemble des instances départementales comme la CPAM ou l’agence régionale de santé etc.  Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec les autres ordres départementaux ou régionaux.  


La profession n’est pas corporatiste étant donné qu’elle collabore avec les autres professions de santé ou celles du domaine médico-social.  La prise en soins des patients est pluridisciplinaire et multi professionnelle. Nous défendons également la qualité et la sécurité des soins en relayant les bonnes pratiques. Le CDOI veille également au respect du code déontologie des infirmiers, en cas de plainte il organise une conciliation entre les parties.  Dans la moitié des cas les personnes trouvent un accord mais dans le cas contraire la plainte est transmise en chambre disciplinaire.

 

L’Ordre a également accompagné une collecte solidaire de 140 m3 de matériel médical pour l’Ukraine avec la participation de nombreux infirmiers tant pour les dons que pour le tri et la manutention.   Nous avons multiplié les évènements que ce soit par l’utilisation des médias ou par des colloques ou des conférences thématiques qui sont organisées avec l’ensemble des élus de notre conseil. 
 

Pour exemple, les 2 derniers colloques que nous avons réalisé ayant pour thème « Les violences envers les soignants » et « La prévention sous toutes ses formes ». Ils ont mobilisé une centaine de personnes allant du sous-préfet à la Direction Générale du CHRU en passant par le délégué de la FHF et de la FHP.  Nous accompagnons également les professionnels ayant subit des violences et/ou des préjudices à la police ou gendarmerie et nous nous portons partie civile avec l’accord de l’infirmier ou bien nous déposons une plainte directe au pénal. 


Sans l’Ordre infirmier, ceci n’aurait pas été possible..

 

Pour rappel :

 

L'Ordre national des infirmiers a été créé le 21 décembre 2006

 

L'ordre national des infirmiers groupe obligatoirement tous les infirmiers habilités à exercer leur profession en France, à l'exception de ceux régis par le statut général des militaires, veille à maintenir les principes éthiques et à développer la compétence, indispensables à l'exercice de la profession. 
 

  • Il contribue à promouvoir la santé publique et la qualité des soins. 
  • Il représente et promeut la profession d'infirmier dans son ensemble, quels que soient son mode d'exercice (privé, public, libéral), son type d'exercice (scolaire, en entreprise, sapeur-pompier, puéricultrice, anesthésiste, bloc opératoire, etc.) et son lieu d'exercice. 
  • Il est chargé par le législateur d'être la voix de la profession sur des sujets comme la réforme de la santé au travail, la réforme de la santé mentale, les réformes des études, les pratiques avancées, pour exemples. 
  • Il a également des missions de santé publique qui lui ont été confiées par la loi. 
  • Il maintient l'éthique et la déontologie de la profession d'infirmier en France et établit le code de déontologie de la profession.
     

   
   (*) MINE D'INFOS (pressentinelle2.blogspot.com)

 

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