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03 / 02 / 2022 | 43 vues
Catherine Gras / Membre
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Apprenons à bien poser les questions dans les administrations publiques et dans le champ politique : quel est le besoin et à quoi ça sert ?

Le monde dans lequel nous vivons nous noie sous les chiffres et où nous oublions de nous poser une question pourtant essentielle : à quoi ça sert ? Pourquoi faudrait-il supprimer 150 000 emplois de fonctionnaires ? Qu’est-ce qui fait que, depuis au moins quarante ans, l’on rabatte les oreilles des citoyens de plans quantifiés de suppressions d’emplois de fonctionnaires ? Pourquoi nous invite-t-on à regarder un mode opératoire (supprimer des emplois dans un budget) plutôt qu’une finalité et un sens ? Socrate dirait que c’est parce que les politiques sont des sophistes, pas des philosophes !

 

Prenons un exemple d’actualité
 

Il est à la croisée des chemins entre la Cour des comptes, le Sénat et la Ministre de la Transformation et de la Fonction publique. Une commission d’enquête sénatoriale mène actuellement des auditions sur l’influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques. Zn 2015, la Cour des comptes avait rendu un rapport sur le sujet. De nombreux citoyens et politiques se sont émus et n’ont pas compris pourquoi des grands cabinets de conseil ont été (chèrement) recrutés pour conseiller dans la gestion de la crise sanitaire du covid-19.

 

Lors de son audition, la Ministre de la Fonction et de la Transformation publiques s’est engagée à « au moins 15 % de baisse » du volume de dépenses en conseil extérieur pour l’année 2022, sur les sujets de la transformation et de la stratégie (hors dépenses liées à l’informatique).

 

Au cas précis, quelle question se poser pour bien orienter la réflexion ? Est-ce : « de quel pourcentage diminuer les dépenses ? » ou est-ce : « à quoi sert d’être conseillé quand on est un décideur public ? Puis, les cabinets de conseil (externes et internes) servent-ils à bien conseiller ? Si oui, à quelles conditions ? ».

 

Répondre à une question posée en termes de finalité n’est certes pas si simple…
 

Quand, dans une réunion professionnelle, on demande à chacun à quoi il sert, on commence par entendre rires ou énervements. Puis les réponses arrivent et chacun se décrit, le plus souvent, par ses fonctions, pas par sa mission.

 

Le directeur du budget dit : « Je sers à faire préparer et faire voter le budget annuel ». Le directeur des ressources humaines : « Je sers à recruter, payer, affecter le personnel » ou « je sers à diriger la direction qui gère les compétences du personnel et négocie les emplois ». Le garagiste : « Je sers à vendre et réparer des voitures ». Le boulanger dit : « Je sers à fabriquer et vendre du pain ». Ces réponses expliquent ce que les gens font et non pas et ce à quoi ils servent. Simon Sinek dirait « Start with why » et sa représentation sous forme de cercle d’or est pédagogique (cf. Wikiagile cesi).

 

Pourquoi, est-il essentiel de commencer par se poser la question en termes de finalité « à quoi ça sert  et quel besoin cela doit-il satisfaire » ?

 

Pour éviter de faire fausse route ! Par exemple, pour ne pas se retrouver englué avec un projet inutile, mal adapté aux problèmes qu’il prétend résoudre et avec des dépenses mal ciblées.

 

Comme Pierre Boulanger l’inventeur de la 2CV de Citroën en 1935, un fabricant de voitures pourrait par exemple dire : « Faites étudier par vos services une voiture pouvant transporter deux cultivateurs en sabots, cinquante kilos de pommes de terre ou un tonnelet à une vitesse maximum de 60 km/h pour une consommation de trois litres aux cent. La voiture devra pouvoir passer par les plus mauvais chemins, être conduite par une conductrice débutante et avoir un confort irréprochable. Le point de vue esthétique n’a aucune importance. Et le prix devra être inférieur au tiers de celui de la traction avant 11 CV ».

 

Par exemple, un membre de Galilée.sp, nous dit souvent que, lorsqu’il dirigeait Blédina (groupe Danone), sa mission n’était pas de fabriquer et de vendre des petits pots pour bébés mais de leur apporter une alimentation saine.

 

Autre exemple, au début des années 2000, Michelin ne se présentait pas comme un fabricant de pneus mais comme un partenaire de mobilité.

 

Encore un exemple d’un fabricant de gants de ménage. La première formulation spontanée de sa mission était : « Nous fabriquons et vendons des gants en latex trempé ». Ceci est une description technique. Alors : « Nous fabriquons et vendons des gants » ? C’est mieux mais c’est toujours la définition du produit. À quoi sert-il ? À protéger la main. Nous y voilà : « Protéger les mains » et on peut préciser « … lors des travaux de ménage ».

 

Apprenons alors à bien poser les questions dans les administrations publiques et dans le champ politique, en commençant par « quel est le besoin et à quoi ça sert ? ».

 

Si vous voulez en savoir plus, relisez le billet d’humeur de Paul-Hubert des Mesnards sur l’analyse de la valeur et vous verrez comment exploiter cette question pour créer des produits ou des services qui satisfont les besoins.

 

Un livre à lire et faire lire (actuellement plus que jamais) : Voyage de Galilée.sp dans la cosmologie de l'action publique (*)
 

De quelle fonction publique avons-nous besoin pour traverser le XXIe siècle ? Si cette question vous intéresse, vous lirez  cette publication réalisée à l'occasion du dixième anniversaire de la création de notre think-tank "Galilée.sp" avec grand intérêt.

Au-delà d'un retour sur ces dix années de recherches, de réflexions, d'initiatives et de créativité, treize auteurs membres de Galilée.sp ont allié leur écriture pour évoquer leurs expériences, chacun à sa façon, et présenter leurs propositions avec l'ambition d'accompagner et d'innover au service de la transformation du service au public.

Les « administrations coactives » sont la nouvelle odyssée républicaine vers les nouveaux horizons. Galilée.sp vous y invite... Pour toute commande: contact@galileesp.org
 

(*) Publié dans la collection « Réfléchir » aux éditions Marinières.

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