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06 / 05 / 2020 | 520 vues
valerie perot / Membre
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Le dialogue social et le rôle du CSE et du médecin du travail absents du protocole de déconfinement

Le protocole comprend un préambule rappelant les points suivants.
 

  • Les principes généraux de prévention devant mener chaque entreprise, par ordre de priorité :
    • à éviter les risques d’exposition au virus,
    • à évaluer les risques ne pouvant être évités,
    • et à privilégier les mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.
       
  • Les mesures organisationnelles, en premier lieu le télétravail « qui doit être la règle chaque fois qu’il peut être mis en œuvre ». « En revanche, lorsque la présence sur les lieux de travail est nécessaire, le séquencement des activités et la mise en place d’horaires décalés font également partie des mesures organisationnelles qui, en limitant les risques d’affluence et de concentration du personnel, permettent de respecter les règles de distanciation physique ».
     
  • Les mesures de protection individuelle si les mesures collectives et organisationnelles sont insuffisantes, comme le port du masque.
     
  • La mise en œuvre de toutes ces mesures « nécessite un travail de réflexion préalable, mené dans un cadre concerté, afin de garantir leur faisabilité, leur effectivité et leur appropriation la plus large par tous les acteurs participant à la lutte contre la propagation du virus », ce qui inclut les représentants du personnel.
     

Les mesures contenues dans ce protocole sont des recommandations, même si l'on peut y trouver certaines injonctions. Dans tous les cas, le plan de reprise d’activité (PRA) doit faire l’objet d’une consultation. Dans certaines entreprises, un accord collectif a été négocié compte tenu des sujets abordés en termes d’organisation et de temps de travail.
 

Le protocole est découpé en 8 thématiques :

  1. les mesures barrières et de distanciation physique,
  2. les recommandations en termes de jauge par espace ouvert,
  3. la gestion des flux,
  4. les équipements de protection individuelle (EPI),
  5. les tests de dépistage,
  6. le protocole de prise en charge d’une personne symptomatique et de ses contacts rapprochés,
  7. la prise de température,
  8. le nettoyage et la désinfection des locaux.

 

  1. Les mesures barrières et de distanciation physique sont renforcées : toutes les 3 heures, aérer les pièces fermées pendant 15 mn et régulièrement désinfecter les objets manipulés et les surfaces, y compris les sanitaires. Or, de nombreux espaces de travail sont dotés de climatisation et ne permettent pas l’aération naturelle. Le terme régulièrement pour la désinfection sera à préciser. Il est déconseillé de porter des gants (vecteurs de transmission) et de systématiquement contrôler la température à l’entrée des établissements alors que ces mesures ont été mises en place par la plupart des entreprises dans le cadre du confinement et des nouvelles conditions de poursuite d’activité sur site.

     
  2. Les recommandations en termes de « jauge » par espace ouvert : la « jauge » est fixée à 4 m2  minimum par personne. La distance de 1 mètre autour de l'individu doit être garantie. La surface prise en compte est celle effectivement disponible pour les occupants, déduction faite des parties occupées, hors circulation. Rappelons que cette « jauge » est inférieure aux surfaces par poste dans un « open-space » recommandées par l’AFNOR. De plus,  attention aux implantations car les « benches » de 4 ou 6 postes dans les « open-spaces » nécessitent souvent de passer derrière un collègue pour accéder à son poste de travail. De plus, la taille des bureaux varie de 120 à 160 cm.
     

    Ce calcul ne peut suffire et les plans d’aménagement doivent permettre de visualiser le nombre de personnes présentes dans l’espace et l’implantation de leur poste de travail qui devra être affecté. Cela dépend donc de plusieurs paramètres dont la nature de l’activité. Il serait préjudiciable de faire travailler des salariés 7 heures par jour à 1 mètre les uns des autres, dans un espace sans renouvellement naturel de l’air. Nous recommandons de diviser le taux de présence sur site au minimum par 2, lorsqu’il est nécessaire.
     

    3. La gestion des flux : la surface de 4m2 doit s’appliquer pour circuler. Des plans de circulation doivent être mis en œuvre pour garantir le respect de la distanciation (y compris pour accéder à l’entreprise et à son poste, comme l’utilisation des ascenseurs). Chaque individu devra être informé des nouvelles conditions de circulation. La présence physique ponctuelle ou périodique des télétravailleurs doit être nécessaire et organisée pour limiter le nombre de salariés dans l’entreprise. Pour les services recevant des salariés, la prise de rendez-vous doit être rendue prioritaire. L’usage des lieux communs doit être balisé et échelonné. Des bonnes pratiques sont présentées, notamment condamner les tourniquets, circuler à sens unique, renforcer le nettoyage quotidien, mettre en place de nouveaux horaires d'arrivée, de pause et de départ, connaître le taux d'occupation des espaces communs, laisser les portes ouvertes, éviter les face-à-face dans les « open-spaces », attribuer un poste fixe...

  • 4. EPI : une utilisation en dernier recours quand les solutions collectives sont insuffisantes. À usage unique ou réutilisable, les modalités de destruction ou de nettoyage doivent être prévues. Le masque grand public FFP1 est un complément, notamment lorsque les solutions techniques et organisationnelles sont insuffisantes. L’employeur peut néanmoins décider de généralisation le port collectif du masque. Les mêmes recommandations s’appliquent aux autres EPI comme les gants. Pour Michel Sterdyniak, médecin du travail et secrétaire général du syndicat national des professionnels de la santé au travail, le port du masque devrait être généralisé car la distance d’un mètre ne protège pas d’une éventuelle contamination. De plus, le protocole qui recommande le masque grand public n’est pas satisfaisant selon lui.

     
  • 5. Les tests de dépistage : l’employeur doit inciter ses salariés à ne pas se rendre sur le lieu de travail ou à le quitter en cas de symptômes et à consulter au plus vite afin d’obtenir la prescription de dépistage. Il s’agira alors pour l’employeur d’évaluer les risques de contamination encourus sur le lieu de travail et de mettre les mesures de prévention en place ; les campagnes de dépistage ne sont pas autorisées.

     
  • 6. Prise en charge d’une personne symptomatique et de ses contacts : procédure préventive à élaborer concernant la prise en charge qui doit reposer sur l’isolement (distance à respecter et port du masque), la protection, la recherche de signes de gravité via le professionnel de santé, le sauveteur/secouriste formé au risque de covid ou le référent. En cas d’absence de signe de gravité confirmé par le médecin du travail ou le médecin traitant, organiser le retour au domicile. En cas de signe de gravité, appeler les secours et organiser l’accueil des secours. Une fois la prise en charge effectuée, le nettoyage du poste et l’identification des salariés en contact doit être effectué avec l’appui du médecin du travail. Les contacts à risques sont placés en quatorzaine.

     
  • 7. Prise de température : déconseillée au niveau de l’entreprise d’autant que le virus peut être asymptômatique et que le symptôme peut apparaître 2 jours après le portage viral ; si l’employeur veut organiser ce contrôle, le salarié a néanmoins le droit de refuser.

     
  • 8. Nettoyage et désinfection : le protocole indique un « nettoyage fréquent des surfaces et objets touchés », sans précision (hormis quotidien pour les sols). « Si nécessaire après évaluation des risques », la désinfection vise « la destruction du virus » : les conditions de la désinfection ne sont pas précisées.
     

Notre analyse : le dialogue social et le rôle du CSE et du médecin du travail absents du document
 

Si l’ensemble des mesures doit donner lieu à la consultation du CSE, le rôle des représentants du personnel doit surtout concerner le suivi de l’application des mesures et leurs effets, ainsi que la remontée des salariés. D’autant que ce plan de reprise sera amené à évoluer au fil des semaines : nous recommandons la mise en place d’une commission de suivi dans la continuité de la consultation.
 

Parallèlement, ce plan modifie les documents obligatoires : affichage, règlement intérieur, document unique d’évaluation des risques dont la mise à jour doit associer les représentants du personnel, comme la Cour d’appel de Versailles l'a récemment rappelé dans son jugement rendu concernant Amazon.
 

Le rôle de l’Inspection du travail devra également être activé par les représentants du personnel : membre présent lors de la réunion de consultation sur ce sujet et destinataire du plan de reprise, il est légitime pour vérifier la pertinence des mesures en termes de sécurité au travail et de contrôler leur mise en œuvre. Leurs moyens devront être renforcés, comme l’a annoncé le Ministère du Travail.
 

Le rôle des services de santé au travail n’est plus mis en avant alors que le ministère lui a permis de prescrire des arrêts de travail et de pratiquer des tests. Cet acteur est un conseil à ne pas sous-estimer dans les mesures de prévention à mettre en place. Membre de droit aux réunions du CSE portant sur la santé au travail, il doit être associé au plan de reprise en amont. Par ailleurs, les services de santé au travail sont pluridisciplinaires et composés de psychologues voire d’ergonomes. Les entreprises les plus modestes devraient les solliciter pour les accompagner dans le cadre de l’ergonomie des nouveaux postes de travail mais aussi du télétravail souvent mis en place dans l’urgence. De plus, la période est propice à l’explosion des risques psychosociaux et à l'épuisement professionnel : les collectifs de travail sont éclatés, certains salariés isolés et d’autres ne sont plus en mesure de dissocier vie familiale et professionnelle. Or, de nombreuses entreprises ne disposent pas d’action de prévention tertiaire.
 

Enfin, si la situation est tendue sur le plan économique et social, les représentants du personnel doivent pouvoir se faire accompagner pour exercer leurs prérogatives en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail qui sont à considérer comme un levier et non un frein à la reprise économique et à la préservation des emplois. Dans ce contexte atypique qui mène à modifier le code du travail, des solutions innovantes peuvent être trouvées par l’ensemble des parties.
 

Selon nous, le plan de reprise de l’activité de votre entreprise devra comporter les pré-requis suivants :

  • les entreprises et fonctions tertiaires doivent privilégier le télétravail et l’organiser de façon pérenne via la négociation ou la renégociation d’un accord collectif ;
  • avant tout retour sur site, le plan de prévention, le plan de circulation et les marquages ad hoc, l’affichage réglementaire, la dotation en équipements doivent être opérationnels ;
  • le plan de reprise doit s’appuyer sur le service de santé au travail ;
  • un nouveau règlement intérieur doit être présenté au CSE dans le cadre de sa consultation ; le préventeur, le référent santé au travail et les secouristes doivent être formés au risque de covid.
  • l’organisation du suivi et l’évolution du plan de reprise et de ses mesures doivent associer les représentants du personnel et être déterminées lors de la consultation. Le CSE doit pouvoir se faire accompagner pour exercer ses prérogatives au mieux dans un contexte fortement évolutif.
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