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13 / 08 / 2015 | 61 vues
Didier Cozin / Membre
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Le Compte Personnel de Formation (CPF) LE dispostif vain et inutile en formation

Si notre pays n'est pas avare d'usines à gaz, de dispositifs complexes, de lois coûteuses et souvent inutiles, en formation personne n'avait encore imaginé une telle aberration telle qu'est le Compte Personnel de Formation, un compteur de vaines heures de formation censé sécuriser sur leur formation les 30 millions d'actifs que compte notre pays.

Il aura fallu pas moins de 2 ans de palabres sociales, de discussions parlementaires et de moult décrets de loi pour lancer la Réforme de la formation, celle que l'année dernière encore Michel Sapin désignait comme l'acte II de la formation et de l'éducation, le plus important évènement formation depuis la loi Delors de 1971.

 Le CPF mélange tout en n'atteignant évidemment aucun résultat

 Partant du constat (sujet parfaitement secondaire) que les heures de DIF étaient perdues en cas de changement d'employeur (ceux qui n'avaient jamais demandé leur DIF durant des années  ne se réveillaient que rarement touché par la grace de la formation lors d'un changement d'employeur) les partenaires sociaux, à la recherche d'un acte positif lors de difficiles négociations sociale (ANI de janvier 2013) décidèrent de créer un Compte Personnel de Formation qui accompagnerait le travailleur tout au long de sa vie professionnelle.

Si le principe d'un compte épargne formation n'est sans doute pas stupide , le traitement de ce dossier Compte Personnel de formation l'aura été lui d'un bout en bout de ces 2 années de tergiversations et d'improvisations sociales !

1) on a confondu le but et les moyens

Si le but était de développer la formation, notamment pour les moins qualifiés, on ne voit pas pourquoi 

- il fallait limiter les formations à des certifications ou des diplômes (obtenus parfois en plus de 3 000 heures)

- il fallait faire dépendre la formation  de l'acquisition d'un capital d'heures formation

- Il fallait mettre hors jeu l'employeur (censé être responsable de son salarié en stage meme si celui-ci part en formation sur son temps libre sans l'en avertir)

- doter ce compte personnel formation d'une cinquantaine d'euros pas an (alors qu' un CIF coute environ 25 000 euros)

 2) on a voulu mêler la formation des chômeurs et celles des salariés

Rapprocher les chomeurs et les jeunes en insertion du monde du travail est logique mais prélever les budgets des entreprises pour prétendre former plus les chomeurs est une politique de Gribouille.

Si les Pouvoirs Publics ont abondamment communiqué sur les 32 milliards d'euros prétendument gâchés en formation, ils ont oublié au passage quelques détails

  • un tiers de ces 32 milliards constitue des dépenses de l'Etat pour former ses propres fonctionnaires (et ceux des 3 fonctions publiques) et les chômeurs. Demander un effort au secteur privé sans se demander si par exemple les couteuses préparations aux concours avaient un réel intérêt c'était désigner "la paille dans l'oeil du voisin...". La Cour des Comptes ne s'y est pas trompée, elle qui, en juin 2015, dans un rapport sur la formation des enseignants nous a appris que celle-ci était à la fois couteuse (1 milliard d'euros pour 1 million d'enseignants soit près de 1 000 euros par an et par personne) mais surtout très insuffisante et de qualité douteuse 
  • un autre tiers de ces dépenses formation concerne en fait l'enseignement professionnel (privé ou public) et donc pas directement les salariés en poste (qui n'ont évidemment pas 500 ou 800 h de disponible pour se former le soir ou le WE)
  • sur les 13 milliards jadis dépensés (qu'on se rassure l'effort formation des entreprises diminue depuis 2015 du fait de la baisse des cotisations obligatoires de 60 % environ) la moitié de ces sommes n'était constituée que des salaires des stagiaires en formation

En fait chacun des salariés du privé disposait de 500 euros par an en moyenne (avec une répartition totalement inégale selon la branche professionnelle ou le statut des travailleurs). 500 eurs pour former chaque travailleur du privé, pour reconvertir10 à 20 % d'entre eux et pour remettre à niveau encore 20 % des moins qualifiés, le compte n'y est pas (et n'a jamais été).

3) On a une fois de plus oublié l'utilisateur final de la formation (l'entreprise et son salarié)

Il est stupide  aujourd'hui de bâtir des dispositifs complexes, dans une société toujours plus complexe, rajouter des barrières, des conditions, des cadres rigides c'est prendre le risque d'éloigner définitivement de la formation les plus fragiles (qui représentent près d'1/4 des travailleurs aujourd'hui)

On a cru trouver les moyens avec un système complexe de comptabilisation d'heures de formation (avec des paliers dégressifs et à due proportion du temps de travail pour faire bonne mesure).

Le CPF était la dernière chose à faire.

Comme bien souvent en la matière la "réforme" de la formation a  été imaginée aussi pour donner du travail à tout un éco-système paritaire, politique et social : d'innombrables commissions et comités Théodule qui se contredisent, se percutent et sont jaloux de leurs prérogatives.

Voulant faire plaisir à beaucoup de partenaires sociaux, désireux de mettre en avant un dialogue social qui deviendrait la marque de fabrique des lois sociales, on a multiplié les interlocuteurs et les acteurs sur une réforme qui a bien évidemment dévié pour n'être plus que le terrain de jeu et de luttes d'influence de partenaires sociaux en mal de responsabilités.

 Quelle est la situation aujourd'hui ?

 La situation de la formation est grotesque, ubuesque et dramatique.

Du fait des improvisations des pouvoirs publics (un système d'information pour 30 millions de personnes mais pas de cahier des charges ni de recours à un appel d'offres public), d'un manque de préparation mais aussi  de la méconnaissance des procédures formation on a bâti un monstrueux CPF, système perclus de défauts où personne ne retrouve ses petits et qui pourrait occuper pendant des années des centaines de personnes (y compris les milliers de conseiller en évolution professionnelle qui auront pour principale tâche d'expliquer les dédales de ce système inutile).

  • le Droit à la formation (DIF) a disparu et avec lui la possibilité de négocier avec son employeur des départs déconcentrés sur des formations courtes (20 h comme le souhaitent les employeurs et beaucoup de salariés)
  • On a remplacé le DIF par un système comptable illisible et incompréhensible pour ses "bénéficiaires". Les services formations des grandes entreprises ne s'y retrouvent pas toujours et l'on prétend qu'un salarié peu ou non qualifié (ou même illettré) peut y trouver son bonheur, c'est totalement hors d'atteinte
  • On a prétendu  bâtir un système hors sol de l'entreprise pour former des millions de personnes (mais sans que personne ne sache comment payer pour la formation de tous). C'était irresponsable mais les pouvoirs publics l'on fait.  Seul l'employeur peut donner du sens à une formation de son salarié, l'accompagner (ou non).

La formation file un mauvais coton car on s'est payé sa tête depuis 2012

Prétendant tout changer les pouvoirs publics ont agit maladroitement comme un éléphant dans un magasin de porcelaines.

Les porcelaines se brisent désormais les unes après les autres (l'apprentissage tout d'abord, le plan de formation ensuite, puis la professionnalisation et enfin cet invraisemblable CPF).

Il est plus que temps de reprendre ses esprits, d'admettre (toute honte bue) qu'on a pu se tromper en 2013 eten 2014 et qu'en fait de réformes en France, c'est d'abord celle de l'élaboration de la Loi et des institutions qui doit devenir une priorité.

 

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