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08 / 03 / 2015
Didier Cozin / Membre
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Réforme de la formation, le bon sens peut-il encore l’emporter ? 1 ère partie : le diagnostic

En février 2014 le législateur décida que les Français disposeraient tous dès 2015 d’un compte formation. Il fallait faire vite, détruire rapidement le Droit à la formation, les financements mutualisés depuis 30 ans pour construire sur du sable un CPF au final impensé et inconséquent.

Un an plus tard la technostructure sociale alliée à notre bureaucratie hexagonale, a logiquement accouché d’un monstre règlementaire avec pour seule conséquence l’arrêt à peu près complet de la formation.

 Le CPF devait sécuriser la formation et les travailleurs, il plonge tout au contraire les acteurs de la formation (stagiaires compris) dans les limbes du doute, de l’impuissance et de l’incompréhension.

 Le Compte Personnel de Formation : un premier bilan catastrophique et un échec presque instantané  de la réforme

 Si avant l’Internet on pouvait compter sur les années pour qu’un nouveau dispositif de formation prenne sa place dans notre pays, aujourd’hui avec  l’Internet les choses vont beaucoup plus vite : En 2 mois, près d’un demi million de personnes se sont inscrites sur le site de la caisse des dépôts mais 65 personnes (oui 65 pas 65 000 !) ont eu la possibilité  de commander une formation (qui d'ailleurs se déroulera peut être dans 6 mois…ou jamais).

Depuis le 5 janvier 2015, 500 000 personnes se sont donc inscrites sur le site de la Caisse des dépôts mais seulement 65 salariés ont pu s’engager dans une formation, ce résultat démontre que le CPF n’est pas un dispositif de formation, juste un compteur qui égrène des heures dont personne ne sait que faire.

Via le CPF, que ce soit en matière de formations certifiantes ou de formations sur le Socle des compétences les dispositifs sont minés, d’une complexité inouïe et aucun stagiaire ou presque ne répond à l'appel (pour des formations non financées de toute façon).

La situation de la formation professionnelle continue en ce mois de mars 2015 est tout bonnement catastrophique :

1)      La réforme a bouleversé la donne, déstabilisé tous les acteurs de la formation, ouvert des chantiers sans fin, rompu de fragiles équilibres et tué dans l’œuf les quelques velléités de former les travailleurs non qualifiés

2)      La réforme a opacifié et complexifié à l’extrême le départ et la réalisation des formations (pour l’employeur comme pour son salarié)

3)      La réforme a rendu le Droit à la formation formel et impossible à exercer

4)      La Réforme de la formation telle qu’elle existe  aujourd’hui est  une  machine à renforcer les ingalités et à exclure les travailleurs pauvres (travaillant dans de petites structures ou des entreprises de main d'oeuvre)

Pour remettre à niveau le six  millions d’actifs en grande difficulté un siècle de CPF n’y suffira pas !

Si l’on prend pour base l'enquête internationale menée par l'OCDE en 2013 dans 27 pays E (Etude PIAAC publiée en octobre 2013) il y a en France environ 22 % d’adultes en très grande difficulté éducative (un des niveaux de litteratie les plus faibles en Europe). Pour 30 millions d’actifs il faudrait donc requalifier 6 millions d’adultes.

Le Socle des compétences était une opportunité de faire basculer des budgets comme une partie de la formation vers les moins qualifiés. Il n’en sera rien (ou dans des temps inconnus de tous et fort lointains)

Le socle des compétences, éternelle arlésienne de la formation (congrès de Deauville du CNPF en 1998, ANI de 2009..) constituait dans le texte de la loi de mars 2014 une vraie avancée éducative.

Les salariés (mais pas les travailleurs non salariés) étaient censés se former dès la publication officielle du décret de loi (qui a mis un an à être publié) avec leurs anciennes heures de DIF (le Socle était de droit, sur le temps de travail et opposable à l’employeur).

Le socle des compétences a en fait été torpillé et dénaturé par la machine règlementaire, paritaire et sociale française.

Alors qu’il s’agissait de favoriser sans délai le départ en formation courtes, accessibles, sans formalisme de plusieurs millions de personnels on a  multiplié sans raisons les contraintes et obstacles pour y accéder:  

o   Une certification qui n'existe pas mais à laquelle on fait référence

o   Des négociations à mener dans 600 branches professionnelles  pour l’adapter

o   La réunion de commissions (indépendantes de l’organisme de formation) chargées d’évaluer le niveau de chaque stagiaire avant tout départ en formation (pour certains items du socle cela promet d'être surréaliste)

o   Une Certification (inexistante aussi)  pour les futurs organismes de formation « capables » de mettre en œuvre des formations du socle

o    Des examens et tests de sortie de formations qui retiendront sans nul doute les moins qualifiés de se former

Le Socle des compétences, tout comme le compteur formation, était une idée intéressante, la multiplication des parties prenantes et commissions sociales l’a rendu incompréhensible et inaccessible.

Comment sortir de cette impasse et tenter de sauver ce qui peut l'etre ? (A suivre dans une seconde partie)

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