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08 / 04 / 2014 | 3 vues
Didier Cozin / Membre
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Socle des compétences ou compte personnel de formation ?

Alors que le texte de la loi sur la formation de mars 2014 doit rendre opposable la demande de formation d'un salarié (ce que le MEDEF avait lui-même préconisé en janvier 2013), il semblerait que certains souhaitent reprendre leur parole pour transformer le CPF en un DIF virtuel et inaccessible au commun des salariés.

Les pouvoirs publics ont parfois un double discours : pour les médias et lors des discussions parlementaires, c’est le concours de beauté pour apparaître le plus généreux et le plus ouvert à la formation mais dès que l’encre des textes a séché, les décrets d’applications et les pratiques en entreprise laissent transparaître les mêmes blocages et interprétations a minima que jadis. La pente est désormais bien connue : notre pays forme peu, mal et seulement les travailleurs qualifiés.

Concernant le « socle des compétences », mis en avant dans la loi et devenu de droit dans le cadre du CPF, deux visions s’opposent entre les tenants d'un faible développement de formations toujours assimilées à des charges et ceux qui pensaient pouvoir développer les compétences de tous les travailleurs, y compris ceux qui ne sont pas illettrés ou chômeurs.

Il y a pourtant urgence à traiter le problème de compétences et de qualité du travail. Les mots compétences et compétitivité débutent par les mêmes lettres mais nous feignons de ne pas comprendre que la qualité insuffisante de notre travail le rend moins compétitifs.

Le socle des compétences pour tous est devenu une urgence sociale et professionnelle

L’OCDE nous révèle année après année l’étendue des défis éducatifs qui attendent la France au XXIème siècle.

L’an dernier, une étude portant sur les compétences et l’éducation dans 26 pays développés (http://www.oecdepublishing.org/multilingual-summaries/9789264204256-sum/html/9789264204256-sum-fr.html) révélait le faible niveau éducatif de près de 22 % des adultes en France. Après PISA pour l’école, PIAAC démontre logiquement que de nombreux adultes ne sont plus assez éduqués et qualifiés pour développer un travail de qualité.

À l’autre bout du spectre professionnel et social, « l’élite » des travailleurs hautement qualifiés pose aussi des questions. Les adultes très qualifiés sont bien moins nombreux en France que dans les autres pays comparables (moins de 10 %, contre 14 % en moyenne dans les pays de l’OCDE).

Pour ce qui est encore de la pratique de la langue anglaise, c’est pire encore : une autre enquête nous a classés en 2013 en 35ème position en Europe, juste devant la Turquie (http://www.ef.com.fr/epi).

Comment peut-on prétendre garder une place de choix dans une économie mondialisée si l’immense majorité des Français ne peut échanger avec les autres citoyens, consommateurs et producteurs du monde ?

Pour ce qui est de l’informatique et du travail en réseau, les Français ont des progrès à faire.

Le taux d’équipement en smartphones ou en connexions internet ne fait pas tout. Si aujourd’hui les usages deviennent plus importants que les matériels ou les infrastructures, les Français, jamais sérieusement formés aux technologies de l’information, utilisent le numérique surtout pour consommer ou les loisirs, rarement pour travailler.

Une preuve flagrante de notre incapacité à valoriser le numérique est le faible développement du télétravail. Bien que travaillant à 75 % dans les services, nous devons nous déplacer tous les jours pour rencontrer notre travail car notre règlementation, bâtie pour les travailleurs des siècles passés, exige encore que le travail soit chronométré et contrôlé de visu.

L’effort en formation recule en France depuis les années 2000

Nos retards en formation sont attestés par un taux de départ en formation parmi les plus bas d’Europe : 5 % des Français se forment tous les mois alors que les objectifs européens sont de 15 % à l’horizon 2020. Les Français passent 12 heures par semaine pour jouer à des jeux vidéo, contre seulement 12 heures par an pour se former.

La complexité : un crime contre les travailleurs pauvres

En multipliant les contraintes, les obstacles et les conditions restrictives et en exerçant un contrôle important sur la formation, notre pays tourne le dos à l’économie de la connaissance ainsi qu’à son pendant, la formation tout au long de la vie.

D’une scolarité obligatoire très longue durant l’enfance (dès 2 ans dans certaines zones) nous passons ensuite à une formation sur le mode mineur conjuguant rareté, coûts élevés (TVA de 20 %) files d’attente et parcours du combattant (y compris pour les chômeurs).

En formation, notre pays regarde ailleurs ou se focalise sur de faux problèmes, des enjeux mineurs qui l’éloignent de la réalité de cette « mal-formation ».

On sur-réagit par exemple à quelques faits divers ou à une émission télé (Cash investigation) mais personne ne semble surpris que la dernière réforme de la formation ne réoriente que 3 % des fonds dévolus à la formation (1 milliard sur les 32 milliards prétendument gaspillés).

Pire encore, on demande des sacrifices au seul secteur privé pour alimenter le FPSPP et les fonds pour former les chômeurs alors que les deux tiers des fonds sont « gérés » par le secteur public et sans doute mal utilisés.

En mai 2013, la Cour des Comptes a rendu public un rapport qui a laissé de marbre le ministre de l’Éducation de l’époque : « gérer les enseignants autrement », les conclusions étaient pourtant claires. « Le système éducatif ne parvient ni à répondre aux besoins des élèves, ce dont atteste la dégradation des résultats de la France, ni aux attentes professionnelles des enseignants. Dans cette situation, le problème n’est pas celui du nombre d’enseignants ou d’une insuffisance de moyens.C’est l’utilisation des moyens existants qui pose problème ».

En matière professionnelle et sociale aujourd’hui en France, le risque principal pour un travailleur n’est pas d’être enrôlé dans l’ordre du temple solaire ou de faire de la course en sac mais bien de perdre son travail et tout espoir d’en retrouver rapidement un.

Mal préparés par une école nostalgique de Jules Ferry et des temps industriels, les Français adultes ne trouvent ensuite que des réponses complexes, bureaucratisées et peu adaptées à leurs besoins en apprentissage.

Le socle généralisé des compétences est une réponse adéquate pour l’ensemble des travailleurs qui doivent pouvoir :

-          parler et lire l’anglais,

-          bien s’exprimer dans leur langue maternelle à l’oral et à l’écrit,

-          faire équipe et savoir travailler avec les autres,

-          avoir une pratique professionnelle des réseaux et de l’informatique,

-          savoir compter et connaître les grands mécanismes de l’économie de marché,

-          pouvoir comprendre et saisir les occasions offertes par la société de la connaissance et de l’information.

Pour se développer, un pays a besoin de capitaux (l’épargne est abondante en France) et d’infrastructures (mais il ne sert à rien de multiplier les lignes de tramway alors que nous pourrions travailler à distance) mais aussi d’avoir confiance en ses propres capacités d’apprentissage et de remise en question.

Nous savons que nos modèles économiques, sociaux et éducatifs sont à bout de souffle et c’est bien d’une relance des apprentissages que le pays a besoin.

Quelles sont les recommandations de l’OCDE en la matière ?

 

·         Assurer une formation initiale de qualité et des possibilités de formation tout au long de la vie.

 ·         Permettre à tous d’accéder à des possibilités de formation tout au long de la vie.

 ·         Assurer que tous les enfants bénéficient d’une éducation solide.

 ·         Développer des liens entre le monde scolaire et le monde professionnel.

 ·         Assurer une formation aux travailleurs.

 ·         Assurer une formation adaptée.

 ·         Permettre aux travailleurs d’adapter leur formation à leur rythme de vie.

 ·         Montrer aux adultes comment tirer parti de l’amélioration de leurs compétences.

·         Donner des informations faciles à trouver sur les activités de formation des adultes.

·         Reconnaître et valider les compétences.

·         Identifier les adultes les plus susceptibles d’être peu compétents.

Ce programme, les Français doivent le mettre en œuvre au plus vite, le socle des compétences et des connaissances doit être généralisé, y compris pour les travailleurs précaires ou les non-salariés (comme s'y engageait l'ANI du 11 janvier 2013).

Les coûts de cette formation pour tous seront évidemment élevés mais c’est le prix à payer pour notre développement futur.

Pour travailler désormais, il faut apprendre mieux et tout au long de sa vie.

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