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09 / 01 / 2014 | 22 vues
Pascal Pavageau / Membre
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MAP dans la fonction publique : mesures d’austérité en plus

En décembre 2012, le gouvernement a officialisé sa démarche de « réformes » pour la fonction publique, selon un nouveau cadre : celui de la « modernisation de l’action publique », la MAP.

En  janvier, sous le titre « MAP : de la RGPP à la RGPP++ », en avril dernier sous le titre « Échec et MAP » et en août 2013 sous le titre « MAP : missions abandonnées et préfectorisation », nous avons déjà analysé ici les annonces faites par le Premier Ministre lors des trois premières réunions du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP).

Cela s’est traduit par 120 décisions [1].

À celles-ci s’ajoutent 29 nouvelles décisions [2], annoncées le 18 décembre par le quatrième CIMAP.

La démarche est identique aux trois premières et à la RGPP : aucune concertation préalable (pas même avec les ministères !) et un débat parlementaire totalement absent alors que de nombreuses mesures auront des conséquences législatives. Entre les 561 mesures de la RGPP qui se poursuivent, les 149 décisions MAP qui se traduisent en plus de 300 mesures, les PMMS [3] ou encore les 61 évaluations lancées sur différentes politiques publiques [4], les services publics sont aujourd’hui touchés par plus de 1 000 mesures concrètes, en général génératrices de réductions de moyens, de postes, d’effectifs, de structures et de missions. Le tout sur une période très courte, à savoir 2008-2015.

Mesures d’austérité en plus 

Comme le rappelle le gouvernement dans sa présentation du 4ème CIMAP, la modernisation de l’action publique poursuit sa montée en puissance autour du but réaffirmé de « contribuer à l’effort de redressement des finances publiques ». À partir de là, aucune ambigüité : pour le gouvernement, l’objectif unique des 29 nouvelles décisions est de « permettre de dégager 5 à 7 milliards d'euros d’économies sur la période 2015-2017 ».

Dès lors, les 12 nouvelles évaluations de politiques publiques ne sont pas présentées pour améliorer leurs mises en œuvre ou pour les faire évoluer à de nouveaux besoins publics mais selon l’ambition de « dégager de 3 à 4 milliards d'euros d’économies à l’horizon 2017 et de manière pérenne ». Celles-ci s’ajoutent aux 49 évaluations déjà lancées par les 3 premiers CIMAP qui représentent déjà 3 milliards d'euros d’économies budgétaires (soit 3 milliards d'euros de services publics en moins).

De la même manière, avec les décisions de ce CIMAP (voir annexe jointe) visant à une « gestion publique plus performante », ce qui en soi n’est pas critiquable, « le gouvernement dégagera 2 à 3 milliards d'euros d’économies supplémentaires à l’horizon 2017 ». À ces réductions budgétaires s’ajoutent les 15 milliards d'euros d'économies de dépenses [5] pour 2014 (montant sans précédent, comme l’indique le gouvernement), après déjà 10 milliards d'euros d’économies en 2013.

De fait, les décisions du CIMAP ne sont que des prolongements de celles des lois de finances et lois de financement de la Sécurité sociale, inscrites dans le marbre de l’austérité par l’obligation faite par le traité européen TSCG de réduire le déficit public dit « structurel ».

La MAP attaque aussi les services et organismes sociaux et de santé  

Si les décisions des trois premiers CIMAP visaient principalement les administrations, les services et les opérateurs de l’État, ces 29 nouvelles mesures touchent les services et les organismes sociaux et de santé.

  • La MAP traduit la RGPP dans les organismes sociaux :
Les décisions 10 et 11 sont relatives aux coûts de gestion des caisses de retraite et du recouvrement. Au nom de la rationalisation comptable, elles risquent de constituer une étape dans la mise en place d'un régime universel de retraite (10) et dans la disparition du circuit de recouvrement des prélèvements sociaux (11). En effet, il s’agirait avec la mesure 10, au travers d’une mutualisation et d’une « optimisation » (du renseignement de l’usager jusqu’aux fonctions support en passant par le recouvrement, la liquidation et le paiement) de réduire les coûts de gestion.

De nouveau, la logique comptable servirait de marche-pied à une remise en cause inacceptable des droits. La mesure 11 vise très directement la construction du circuit de recouvrement social, à savoir les URSSAF et l'ACOSS. À titre d'information, en termes d'emploi, la branche recouvrement de la Sécurité sociale comprend environ 13 000 postes et 14 750 effectifs retraite pour l'ARRCO et l'AGIRC. De la même manière, avec la décision 14, la MAP traduit la RGPP dans la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) : dématérialisation totale pour des services, suppression de l’attestation de scolarité pour le paiement de l’allocation de rentrée scolaire (remplacée par une déclaration sur l’honneur effectuée par télé-service), intégration des ressources des allocataires ayant établi quatre déclarations trimestrielles sans ressources durant l’année de référence et dispense subséquente d’établir une déclaration annuelle.

Comme toujours avec la RGPP-MAP, le but est de faire des économies et réduire les effectifs en tentant de justifier une « simplification pour les assurés ». Outre la déshumanisation induite, de nombreux usagers (de la CNAF en l’occurrence) ont besoin d'aides et de conseils personnalisés et/ou ne peuvent utiliser facilement les outils dématérialisés, quand ils y ont accès...           

  • L’hôpital public n’est pas un service commercial 

La décision 13 prévoit une rationalisation des achats hospitaliers et une « optimisation du processus de gestion administrative du patient et du recouvrement des créances hospitalières ».

Pour nous, si le développement des médicaments génériques et des réflexions sur la gestion des achats hospitaliers peuvent permettre d’optimiser certaines dépenses de santé (et, sous réserve de contrôles et uniquement pour des cas bien précis, le développement de la chirurgie ambulatoire), la gestion du patient et le recouvrement des créances hospitalières ne peuvent pas être des producteurs d'économies.

Au contraire, ils nécessitent des investissements conséquents. Pour organiser de la chirurgie ambulatoire, il convient d’investir en amont dans la programmation des soins et modifier l'organisation du travail des médecins hospitaliers dans une véritable politique de santé dont l’absence fait cruellement défaut depuis des décennies. Une nouvelle organisation de la chirurgie publique vers l'ambulatoire ne peut être abordée sous l'angle des économies ciblées mais doit l’être selon une approche différente de la prise en charge du patient sans altérer la qualité du service de soins.

Or, la présentation qu'en fait le gouvernement exclut toute approche globale du parcours de soins du patient. Le gouvernement explique que « la mise en œuvre de la tarification à l’activité (T2A) et les travaux relatifs au parcours de soins ont mis en lumière des marges de progrès dans la prise en charge administrative du patient ainsi que les délais et la qualité de la facturation ». Cette approche purement comptable se place en dehors d'une véritable politique de santé publique et de toute considération du parcours du patient et de la qualité des soins.

L'unique but des gouvernements est la recherche absolue d'économies à court terme.

Or, cette recherche effrénée produit chaque jour des nouveaux exclus de l'accès aux soins primaires. Ce fait est à lui seul source de dépenses supplémentaires pour « réparer les dégâts ». Seule une réorganisation complète du système de santé, avec les effectifs et les moyens adaptés, permettrait une meilleure réponse tant de qualité que de quantité. Rappelons que la T2A est une régulation par les prix car, étant en système d’enveloppe fermée, lorsque l’activité augmente, le prix diminue.

Comme l’indique le Comité consultatif national d'éthique [6], la préservation du « bien commun santé publique » ne peut pas être comptabilisée comme un « produit » : elle est la pierre angulaire d'un service public qui maintient un lien essentiel avec les citoyens.

Pour la société, le bénéfice de ce lien est inestimable. Son coût n’est d’ailleurs pas aussi exorbitant qu’on le croit au regard de cette mission fondamentale. Il est important de rappeler que les dépenses de santé correspondent aussi à des investissements qui présentent eux-mêmes une incidence positive sur l’activité économique. Un examen global de l’activité hospitalière doit comparer les dépenses qu’elle engendre avec l’ensemble des bénéfices directs et indirects qu’elle induit.

Une dépense initiale peut générer des économies substantielles. Plutôt que des économies, ce sont les fondamentaux de la mission primaire de l'hôpital que le gouvernement devrait rechercher.

Celle-ci a dérivé de ses fonctions d'accueil de la précarité et de la maladie ou encore de recherche et d'enseignement, vers la situation actuelle qui fait de l'hôpital un service industriel et commercial ayant pour conséquence de déboucher sur la recherche de la rentabilité économique, au lieu de continuer à lui conférer sa dimension sociale.

Sur la MAP, notre confédération condamne une méthode, des objectifs et des principes RGPP qui demeurent et sont renforcés. Pour le service public, cette « modernisation de l’action publique », c’est « échec et MAP » et toujours plus d’austérité.
 
[1] Voir les trois articles précités.
[2] Ces 29 décisions du CIMAP du 18 décembre 2013 sont détaillées et analysées dans l’annexe jointe.
[3] PMMS : « programme ministériel de modernisation et de simplification » imposé à chaque ministère (voir annexe 2 de la circulaire n°129 du 20 aout 2013).
[4] 49 évaluations lancées par les 3 premiers CIMAP et 12 nouvelles politiques publiques évaluées par la décision 1 du CIMAP du 18 décembre 2013. Celles déjà abouties servent de prétexte pour mettre en œuvre des mesures supplémentaires, notamment en termes de réformes structurelles (fusions, mutualisations ou suppressions).
[5] Les restrictions de droits sociaux vont représenter 6 milliards d'euros, dont la moitié sur l’assurance-maladie et une partie du fait de la contre-réforme sur les retraites. L’action publique sera, quant à elle, amputée de 9 milliards d'euros, sans compter les économies liées au financement du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). La destruction de 13 123 postes statutaires dans la fonction publique de l’État et les baisses des moyens d’interventions de 4 % chez les opérateurs de l’État et de 2 % dans les ministères conduisent à des missions publiques abandonnées bien que prioritaires socialement ; à des services publics de proximité en moins ; à une commande publique en diminution ce qui aura un effet fort sur l’activité et sur l’emploi privé.
[6] Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) - Avis n° 101.
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