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11 / 10 / 2012 | 3 vues
Didier Cozin / Membre
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L’individualisation de la formation, le DIF et un futur compte épargne formation : à quand la culbute ?

Le Centre d’Analyse Stratégique (CAS) vient de publier une étude portant sur l’individualisation de la formation dans les politiques d’emploi dans huit pays.

Cette étude a été commandée en vue de futures négociations sociales sur la création d’un « compte épargne formation », compte détaché du statut professionnel et qui suivrait les individus tout au long de leur vie (professionnelle ou vie tout court).

Même si on ne peut nier la nécessité d’ajuster en permanence les politiques d’emploi et de formation, il semblerait que notre pays s’apprête une nouvelle fois à inventer la roue, tout en prenant le risque de déstabiliser un milieu professionnel très mal en point. En France, l’heure n’est-elle pas à l’application de ce qui existe plutôt qu’à un énième marathon législatif qui mettrait des années à produire d’hypothétiques effets ?

Au temps d’internet, de la mondialisation et de l’économie instantanée et financiarisée, l’appareil législatif est sans toute devenu obsolète et mieux vaut simplifier et élaguer que multiplier les textes qui donnent bonne conscience.

Illustrons cela par l’exemple de la dernière réforme de la formation (loi du 25 novembre 2009). Le processus a été initié fin 2007. Le 29 novembre 2007, lors d’une interview télévisée du chef de l'État, ce dernier a annoncé « la refonte de la formation professionnelle afin qu'elle bénéficie aux moins diplômés ».

Ce processus a donc vu les partenaires sociaux discuter et négocier dès la fin 2007 et durant toute l’année 2008 (au rythme peu frénétique d’une rencontre toutes les deux semaines), puis le processus législatif démarrer sous la houlette du député Gérard Cherpion au printemps 2009 et le vote d’une loi prétendant simplifier l’accès à la formation et sécuriser les parcours professionnels (les 3 millions de chômeurs de catégorie A apprécient sans doute).

Trois ans plus tard nous connaissons les conséquences de la troisième réforme de la formation (depuis 1971) : les résultats sont quasi nuls.

La formation professionnelle continue est encore plus complexe, inefficace et opaque qu’avant la réforme et les millions de personnes souhaitant se former ne peuvent toujours pas accéder aux financements de leur formation (alors qu’officiellement 30 milliards d’euros y sont consacrés tous les ans).

Alors que les problèmes d’accès à la formation sont flagrants (les effets ciseaux de la crise) notre pays ne devrait plus se payer de mots (et de Lois) et doit simplement ajuster l’existant, remettre en cause les lobbies syndicaux (patronaux comme ouvriers) tout en rendant efficient et fiable le seul dispositif qui peut encore par son aspect universel changer la formation : le DIF, droit individuel à la formation.

Si le souhait des pouvoirs publics est donc de réellement faire monter en compétences les travailleurs français (en cessant de mêler tous les sujets comme celui des jeunes sortant de l’école sans aucun bagage, problème d’autorité et d’efficacité de l’EN avec son million de fonctionnaires ou encore celui de la remise à niveau des chômeurs de longue durée, qui ne relève pas non plus de la responsabilité des entreprises, il existe en fait une solution simple et accessible depuis 2004 pour remettre en mouvement une formation tout au long de la vie grippée et sidérée par la crise.

Culbuter la formation professionnelle

En 2004 (donc bien avant la crise de 2008), la France a inventé ce dispositif de formation moderne, peu coûteux et parfaitement adapté à un contexte de crise : le droit individuel à la formation (DIF). Plutôt que de réinventer la roue et de faire perdre encore de précieuses années au pays avec moult rapports, livres blancs et autres discussions syndicales et législatives (sans compter les décrets d’applications et les accords dans des milliers de branches professionnelles), les pouvoirs publics doivent s’appuyer sur le milliard d’heures de DIF, cumulées par les salariés depuis 2004 pour culbuter la formation professionnelle. Il suffirait pour cela de :

  • obliger les employeurs (tous les employeurs dès le premier salarié) à verser tous les ans 1 % de la masse salariale sur un compte individuel de formation géré par un organisme national de type URSSAF ;
  • supprimer les autres cotisations formation obligatoires (excepté le 0,2 % du CIF que, là encore, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, devraient payer). Au XXIème siècle, il doit  être possible d’admettre que le plan de formation de l’entreprise et son financement relèvent de sa seule responsabilité. Elle doit être libre de le mettre en œuvre ou non (on ne force personne à acheter des machines neuves, pourquoi forcer une entreprise à dépenser en formation pour son activité ?) ;
  • rendre l’exercice du DIF simple et sûr, en exigeant de l’employeur qui refuserait un DIF (exprimant ainsi son désaccord selon l’article 6323-12 du Code du travail) de motiver par écrit ce désaccord, tout en organisant sans délai un entretien professionnel et en proposant des formations alternatives à mettre en œuvre dans le mois suivant le désaccord DIF ;
  • réinterroger les mécanismes de financement des œuvres sociales des entreprises, notamment les comités d’entreprise qui, plutôt que de financer des arbres de Noël ou les voyages d’été, devraient aussi avoir pour mission d’abonder les fonds de la formation des salariés quand ceux-ci doivent entreprendre de longues et coûteuses reconversions professionnelles ;
  • responsabiliser les salariés sur leur avenir professionnel en limitant les droits au chômage pour ceux qui ne feraient pas tous les efforts nécessaires pour se former et évoluer quand ils sont encore en emploi.

 

Les politiques qui ont été portés au pouvoir en mai et juin 2012 ont une responsabilité historique : soit ils masseront et berceront le peuple avec des discours convenus (et depuis Marshall Mac Luhan, on sait que le message peut aussi être un massage) promettant des réformes qui n’apporteraient rien ou si peu (trop peu, trop tard et trop lentement), soit ils prendront conscience que la loi, les règlements et une certaine organisation étatique sont désormais dépassés par la vitesse de l’information. Il pourrait alors s’agir pour les politiques, l’appareil d’État et les corps intermédiaires de faire œuvre d’humilité, de s’effacer devant la société civile tout en faisant confiance, en responsabilisant et en cessant de prendre les Français pour d’éternels mineurs à qui on doit cacher la vérité (une vérité toute simple à formuler : à l’avenir, il faudra travailler plus, travailler mieux et travailler plus longtemps pour simplement espérer conserver un travail).

Notre pays a parfois manqué de courage politique. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de donner les pleins pouvoirs à un homme politique ou à un parti quelconque mais bien de se réapproprier notre avenir social et professionnel, loin des enjeux des siècles passés. Comme l’a écrit Georges Soros en 2008 à propos de la crise, « c’est quand la mer se retire qu’on découvre ceux qui se baignaient nus ».

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Bonjour, Le mieux selon moi est d'abord d'informer les salariés et faire de la communication massive à leur intention. Ce qui ne se fait pas pour le moment, l'information (quand elle se fait) se faisant en direction des entreprises. S'agissant de l'encadrement du droit de refus de l'employeur je pense que la meilleure solution en cas de désaccord sur le choix de l'action de formation consisterait à mettre en place une solution de médiation ou d'arbitrage faisant intervenir un tiers. Un forum sur le DIF : http://www.le-dif-en-questions.fr Bruno Callens