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07 / 05 / 2012
Jean Yves Brun / Membre
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Quatre ans après la création de la Direction générale des finances publiques : le vrai bilan

La fusion de la Direction générale de la comptabilité publique et de la Direction générale des impôts a été annoncée en mai 2007 par le candidat Sarkozy, devenu Président de la République. Elle a donné naissance à la Direction générale des finances publiques (DGFiP) en avril 2008.  Cette « fusion » est immanquablement qualifiée de réussite par ses créateurs.


Mais à l’occasion de son 4ème anniversaire, après une journée de grève le 2 février à la DGFiP qui venait en point d’orgue des mobilisations départementales lors des comités techniques locaux de janvier, les organisations syndicales ont dressé un bilan concret de la réalité des services de la DGFiP, en totale opposition avec ses promoteurs.

Ce texte a été remis au président du comité technique de réseau lors de la séance sur le sujet

La situation est plus qu’inquiétante dans les services, près d’un agent de la DGFiP sur trois était encore en grève le 2 février pour combattre les suppressions d’emplois, exiger de meilleures conditions de travail et revendiquer une hausse du pouvoir d’achat.

Des suppressions d’emplois qui dégradent l’exercice des missions : 25 000 emplois ont été supprimés depuis 2002 au sein des services de la DGFiP.

  • Ces destructions méthodiques d’emplois publics représentent deux départs à la retraite sur trois non remplacés, soit un niveau très largement supérieur à la règle dogmatique du non-remplacement d'un départ à la retraite sur 2 au sein de la fonction publique d’État.

Concrètement, ces suppressions d’emplois ont des conséquences désastreuses, tant sur les conditions de vie au travail des agents que pour les missions de la DGFiP. Ajoutons également que ces suppressions d’emplois sont autant d’emplois en moins pour lutter contre le chômage.

Pendant que le secteur privé délocalise l’emploi, la fonction publique supprime les emplois et ne les remplace pas. 

  • Alors que le directeur général reconnaît lui-même que la charge de travail a augmenté de 35 %  dans l’ensemble des services de la DGFiP, ces suppressions d’emplois se traduisent automatiquement par une très forte pression sur les agents, la dégradation de leurs conditions de travail et un amoindrissement du service public rendu aux usagers et aux contribuables.

Ainsi, dans les services d’accueil, alors que le nombre d’usagers augmente continuellement (plus de 15 millions en 2010), les délais d’attente s’allongent, la tension s’accroît, les exemples d’agressions verbales et parfois physiques sont en augmentation et la qualité de service baisse.

Dans les services de gestion de l’impôt des particuliers comme des professionnels, les urgences s’enchaînent, le nombre de dossiers augmente, les délais de réponse aux contribuables augmentent et les missions ne sont plus correctement assurées (suivi des régimes fiscaux dérogatoires par exemple). L’implantation territoriale des services de la DGFIP est en repli.

Ainsi, de nombreux emplois ont été supprimés dans les trésoreries : 1 000 d’entre elles ont été supprimées entre 2000 et 2010. Les économies locales voient un service public de plus disparaître et les usagers doivent subir une restriction d’accès due à l’éloignement.

Alors que la fraude fiscale, évaluée à une perte de 50 milliards de recettes,  devient plus lourde à supporter par le budget de l’État et plus complexe à combattre, de nombreux emplois sont pourtant supprimés dans les services chargés de la détecter  et d’alimenter en dossiers des brigades de vérifications.

De même, l’orientation stratégique affichée par la DGFIP du renforcement du conseil aux collectivités locales se heurte aux réalités des services, largement sous dimensionnés pour assurer, dans de bonnes conditions, cette mission, pourtant essentielle. De plus en plus d’élus locaux considèrent que la mise en place de la DGFIP ne leur a pas apporté les améliorations promises. 

L’évolution de la législation (suppression de la taxe professionnelle et mise en œuvre de la contribution économique territoriale, gestion du plan de relance) et les nombreuses mutations dans l’organisation du travail contribuent à accroître la complexité et la charge de travail.

Des réorganisations incessantes et souvent précipitées 

La création de la DGFiP a été mise en œuvre de manière précipitée et accélérée.
En moins de 4 ans ont été ainsi menés :

  • la fusion des services centraux des deux anciennes directions générales et des directions départementales,
  • la mise en place des services des impôts des particuliers et des pôles de recouvrement spécialisés,
  • l’élargissement des compétences des trésoreries avec la mise en place de l’accueil fiscal de proximité.

Il faut y ajouter les multiples opérations immobilières contraintes par la volonté de réduire le « mètre carré par agent », les évolutions en matière de management et d’organisation du travail, ainsi que les regroupement de services en « pôles » départementaux par exemple.

Le rythme des fusions et des réformes, la suppression des emplois et la création de missions nouvelles missions sans moyens supplémentaires pèsent et pèseront encore à l’avenir sur le travail et le « moral » des agents.

À titre d’exemple, les agents en poste dans les trésoreries de proximité doivent désormais assurer l’accueil fiscal généraliste, sans effectif supplémentaire, avec une formation réduite d’une journée où il a fallu apprendre les règles de l’impôt sur le revenu ou encore de la taxe d’habitation, une gageure…

La réorganisation de la chaîne de gestion de la dépense publique, dans le prolongement de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), et la mise en place de Chorus, sans concertation, se sont traduites par un changement rapide, voire brutal, dans l’organisation du travail et l’accumulation de dysfonctionnements dont la presse fait régulièrement l’écho.

D’autres réformes ont également été décidées et engagées dans la précipitation : il en va ainsi de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale  (CET) qui, en réalité, comprend un ensemble de plusieurs impôts : contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), contribution foncière des entreprises (CFE), taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM). Les agents ont dû s’approprier l’abondante réglementation de cette réforme dans des délais très restreints et avec une formation a minima. Ils sont aujourd’hui assaillis de demandes d’explication par les entreprises.

Un management inadapté

Alors que les deux anciennes directions fusionnaient dans un contexte de très forte pression sur les agents et sur les missions, le mode de management est devenu de plus en plus contraignant, se traduisant par des délais toujours plus resserrés et des objectifs toujours en hausse, et ce sans prévoir ni apporter le soutien technique adéquat aux agents.
Ainsi, dans les services de contrôle fiscal, les vérificateurs ont vu s’accroître leurs objectifs individuels de 15 %. Dans le même temps, il a fallu également assurer davantage de travaux administratifs et de « programmation » du contrôle fiscal pour compenser les suppressions de postes. 

De même, dans les services de gestion et d’accueil, les sollicitations des usagers s’accroissent : nombre de réceptions d’usagers en hausse, nombre de réclamations en hausse, nombre d’appels téléphoniques en hausse, explosion des sollicitations par courriers électroniques…

  • Le management fait de la réduction du délai une priorité absolue au détriment de la qualité de service.

À cela s’ajoute le mécontentement croissant des agents quant aux difficultés de remboursement des frais de mission. La prise en charge des frais des agents qui se déplacent dans le cadre de leurs fonctions ou à l’occasion de la formation professionnelle est de plus en plus longue et les niveaux de remboursement demeurent très en deçà de la réalité des dépenses réellement supportées.

Loin de la réussite officiellement annoncée, la création de la DGFiP s’est faite dans un contexte de très forte pression sur les agents et les missions. Sa mise en œuvre formelle ne peut masquer la réalité de la dégradation des conditions d’exercice des missions et de travail.

Charge et complexité du travail en hausse, moyens en baisse, service public en souffrance, tel est le véritable bilan de la DGFiP quatre ans après sa création. 

En dix ans, l’administration des finances publiques a connu des bouleversements sans équivalent dans l’État par leur durée, leur force et leurs conséquences. Ces quatre dernières années ont aggravé les faiblesses, diminué les moyens et déstabilisé encore un peu plus les agents.

Le niveau de mécontentement, de revendications et de conflit à la DGFiP est ainsi devenu l’un des plus importants, si ce n’est le plus important de la fonction publique. Pourtant, les rapports officiels (commissions parlementaires, Cour des Comptes…) ne cessent de louer les efforts réalisés tout en exigeant de nouvelles saignées en emplois, de nouvelles fermetures de sites et dessinent déjà une DGFiP réduite par l’abandon de missions.

  • Les syndicats Union SNUI-SUD trésor Solidaires, CGT finances publiques, FO DGFiP, CFDT finances publiques, UNSA DGFiP et CFTC DGFiP, se sont réunis pour construire une plateforme revendicative unitaire.

Forts de la représentativité obtenue lors des élections professionnelles d’octobre 2011 où le taux de participation a atteint près de 90 %, les syndicats de la DGFiP ont mobilisé les agents depuis plusieurs mois et ont décidé en plus de s’adresser au public et aux médias pour :

  • présenter le bilan noir des 4 ans de DGFiP,
  • rétablir la vérité sur l’action des agents de la DGFIP trop souvent critiquée,
  • faire cesser les suppressions d’emplois et les restrictions de moyens néfastes au bon exercice du service public fiscal et financier depuis dix ans.
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