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14 / 11 / 2011 | 5 vues
Denis Garnier / Membre
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La mort à bon marché

Trois événements différents les uns des autres ont frappé mon impossible imaginaire.

En Chine, une fillette de deux ans marche le long de la rue lorsqu’un fourgon vient la percuter. La roue avant passe sur le corps. Après un bref arrêt, le véhicule redémarre et la roue arrière repasse sur le corps. La fillette gît, inanimée, sur la route. Plusieurs passants poursuivent leur chemin sans se retourner. Le chauffeur expliquera plus tard que si la fillette n’avait pas succombé, il aurait dû payer des frais, ce qui lui aurait coûté beaucoup plus cher que l’indemnisation qu’il doit pour le décès.

Au cours d’une réunion sur la qualité du travail à Paris, le Professeur Daniéllou [1], docteur en ergonomie réputé, expose un incident de fabrication sur une chaîne de production de pièces mécaniques. La mauvaise entente dans une équipe a conduit au rejet de centaines de pièces. Lorsque le délégué syndical expose les causes et les conséquences de cet incident à son directeur, celui-ci ne peut y croire et diligente une enquête sur le champ. Elle donne raison au délégué. Après une rapide consultation, le directeur prend des dispositions pour réorganiser le travail afin que de telles pertes ne puissent se reproduire.

Au cours de la même réunion à Paris, le Docteur Marc Giroud, président de Samu Urgences de France, informe qu'il propose depuis des années une réorganisation du système des urgences hospitalières. Si ses propositions étaient engagées, il soutient que plus de 1 000 décès par an pourraient être évités en France.

Ainsi, nous constatons que le décès d’une fillette chinoise entraîne moins de frais que sa survie ; que la perte de centaines de pièces mécaniques facturables nécessite une réorganisation immédiate du travail ; que 1 000 morts évitables par an ne motivent aucune remise en question.

En France, la production mérite toutes les attentions mais, comme en Chine, le bon soin coûte plus cher que la mort. C’est la loi du marché !

[1] François Daniellou est professeur d'ergonomie à l'École Nationale Supérieure de Cognitique de l'Institut polytechnique de Bordeaux. Il est directeur du département d'ergonomie des systèmes complexes.
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