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23 / 05 / 2011
Denis Garnier / Membre
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Le suicide au travail ? Il faut en parler et l'observer...

Je suis signataire de l'appel des « 44 » pour la création d’un observatoire des suicides en France, publié dans le journal Libération du 22 mai 2011.

Aucune prévention n’est possible s’il n’y a pas d’observation. Observer pour comprendre. Comprendre pour agir. Agir pour un mieux-être au travail.

  • L’hôpital n’est pas épargné > L’hôpital, dont les rives se rapprochent de celles du libre échange néolibéral, est gagné par ce fléau que l’on croyait réservé au seul monde de l’industrie et de la production. En transformant l’hôpital en producteur de soins, il ne faut pas s’étonner de le voir confronté à tous les maux qu’induit la production. Même si le Ministère de la Santé ne veut relever aucun chiffre sur ce point (silence hôpital oblige), il est évident qu’il connaît un nombre très important de suicides.

 

La primauté de gestion financière aux dépens du travail s’est abattue sur le monde du travail à la fin des années 1980. Dans le même temps, les directeurs du personnel deviennent des directeurs des ressources humaines, le bon sens se transforme en protocole et l’intelligence du travail est emprisonnée dans les référentiels.

Les suicides et les tentatives de suicides sur les lieux de travail sont apparus au cours des années 1990. Bien avant diront d’autres sans fournir aucune démonstration.

Pour le Professeur Dejours, les choses sont claires : « Les méthodes de gouvernement d’entreprise, de direction, de management et de gestion, l’organisation du travail enfin, ont un effet majeur sur la santé mentale et doivent être soupçonnées dans toute décompensation psychopathologique survenant chez un individu en situation d’activité professionnelle, jusqu’à preuve du contraire ! » 

« Un seul suicide sur les lieux du travail, ou manifestement en rapport avec le travail, signe la déstructuration en profondeur de l’entraide et de la solidarité, c'est-à-dire une dégradation très avancée du vivre ensemble dans toute la collectivité ».

Un collègue s’enfonce, on ne lui tend pas la main. L’absence de réaction collective après un suicide, poursuit-il, « ne peut pas être considérée comme neutre. Elle aggrave le sentiment d’impuissance, de résignation, voire de désespoir. Elle scelle le silence encore plus qu’auparavant entre les collègues survivants ».

C’est pourquoi il est important dans ces situations de manifester un soutien moral à la victime harcelée. Les signes de solidarité, même infimes, permettent de sortir d’un sentiment fatal d’isolement. « Les cadres de restructuration, qui ne doivent rien à la dimension du travail mais s’inscrivent uniquement dans des objectifs de gestion des ressources humaines, se soldent par des conduites déloyales à l’égard de certains salariés, prenant la forme d’une disgrâce suivie d’un harcèlement en vue de déstabiliser le salarié dont il s’agit désormais de se débarrasser ».

Marie Pezé partage ce point de vue. Le suicide en entreprise, dit-elle, « est le signe le plus évident de la perte du vivre ensemble. C'est aussi la solitude forgée par les organisations du travail mis en place depuis vingt ans, avec les démantèlements des équipes, les entretiens d'évaluations, la mise en concurrence des salariés, le turn-over... ».

La relation temporelle avec l’instauration de la nouvelle économie est évidente.

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