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03 / 02 / 2011 | 6 vues
Michel Debout / Membre
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Crise économique et suicides

En trois décennies d’une pratique solidaire, celle de l’après-guerre, période des grandes formations syndicales, associatives, on est passé à une posture plus individuelle, chacun essayant de trouver la bonne réponse pour lui-même. C’est pourquoi la crise peut avoir l’effet positif du retour aux valeurs collectives, comme réponse aux dérives désastreuses d’un système qui ne reconnaît comme seul moteur que l’accumulation de profit pour le compte d’un petit nombre d’actionnaires anonymes, sans lien avec l’outil de production lui-même.

Cet individualisme, cette quête de la réussite personnelle, cette violence dans les rapports humains trouvent leur traduction dans le mode de management actuel et ses dérives « concurrentialistes », et pourtant, les salariés ont droit à la préservation de leur santé, qui ne doit pas constituer une contrepartie marginale aux efforts consentis.

Ce que l’on appelle aujourd’hui « les risques psychosociaux au travail » ont trop longtemps été considérés comme relevant exclusivement de la personnalité du salarié, de son histoire, de son état psychique, en déniant toute implication des conditions de travail et du milieu professionnel.

Des enquêtes étiologiques rapportent l’apparition des suicides sur le lieu du travail à l’évolution des formes d’organisation du travail, des méthodes de gestion et de management (Christophe Dejours). Ces méthodes déstructurent les valeurs de référence au travail bien fait. L’évaluation individuelle des performances crée des conditions de concurrence entre les salariés. Avec la crise, la peur du chômage accroît encore ces comportements.

Chômage, suicide et société : une relation préoccupante 

Il n’y a pas de lien direct entre chômage et suicide, sinon il y aurait eu plus de suicidés encore. Mais cette dégradation sociale contribue à projeter tous les Français dans un monde plus dur, plus incertain, où l'on ne trouve pas toujours sa place. 

Le chômage provoque l’isolement et la désocialisation du travailleur qui se trouve dépourvu ainsi des liens interpersonnels noués au travail. Le travail est un organisateur de vie et de rencontres, il imprime son rythme au quotidien, et beaucoup de licenciés récents continuent à organiser leur journée selon les mêmes horaires qui étaient « imposés » par leur emploi. Parfois, le premier signe de la résignation, du découragement consiste en l’abandon de cet « emploi du temps », qui n’est plus scandé par le rendez-vous de l’usine, du bureau ou du service, mais qui devient totalement ouvert, libre, de cette fausse liberté qui a un autre nom : le sentiment d’’inutilité.

Si le chômage dure, s’installe alors un sentiment de désespoir et de culpabilité. Cette culpabilité peut être renforcée par l’attitude de l’entourage qui doute de la volonté réelle du chômeur à trouver un nouvel emploi : il est dit passif, indéterminé dans ses recherches, pas assez volontaire dans ses démarches et, si cela dure trop, complice de ce qui lui arrive. Cette situation entraîne des incompréhensions dans le couple, et la survenue de reproches (liés souvent aux problèmes matériels de tout ordre, créés par la situation) pouvant désorganiser la famille et aller jusqu’à une rupture.

Sans travail, sans repère social, en difficulté dans sa sphère famliale, le chômeur va donc être exposé au repli, et à la dérive dépressive et mortifère, la tentation du suicide n’est pas loin. Ce lien entre chômage et tentation suicidaire n’a toujours pas suscité de prise en charge spécifique et de recherche clinique. La prévention du suicide des chômeurs reste à inventer.

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