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18 / 11 / 2009 | 130 vues
Eric Chauvel / Membre
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Inscrit(e) le 08 / 07 / 2009

La communauté des navigants d'Air France est particulièrement exposée aux risques de harcèlement

Nous sommes parfois témoins de comportements insidieux qui peuvent aboutir à une souffrance au travail. Nous en sommes nous-mêmes parfois les auteurs involontaires, par ignorance. Les sujets de harcèlement et de discrimination sont complètement tabous dans les entreprises et on a naturellement tendance à penser que ça n’existe que chez les autres.

  • Peut-on être raciste quand on est navigant à Air France et que l’on traverse la planète de long en large ? Peut-on être homophobe quand nombre de nos collègues sont gays ? Peut-on être misogyne quand 75 % de notre population est féminine ? La réponse est oui, et la plupart du temps on ne s’en rend même pas compte…


Sommes-nous tous en capacité de reconnaître les formes de harcèlement ? Nous n’en avons qu’une vague idée et elle est bien souvent très restrictive.

Selon la législation, le harcèlement est une atteinte du droit à la dignité, qui a pour objet ou pour effet de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Au-delà des définitions légales, qui sont trop imprécises en la matière, le jugement moral porté par les autres, les collègues, les supérieurs hiérarchiques, considérant trop simplement que la victime l’a peut-être un peu cherché ou bien qu’elle manque d’humour, ajoute souvent à la souffrance de la victime de harcèlement. Mais il faut retenir que la réalité légale manque, elle aussi, d’humour.

La peur de l’isolement, de transgresser les codes établis font que traditionnellement, on tolérait  certains comportementsEn effet, une fois démontrée la culpabilité du harceleur, c’est la conséquence morale ou physique qui sera retenue en faveur de la victime. Et peu importe que l’agresseur soit simplement un gros lourdaud sans éducation ou bien, que l’usage dans le corps de métier ait toléré jusqu’à présent certains débordements, il sera redevable devant la Justice.

  • Il n’y a aucune raison pour que notre communauté de navigants soit épargnée et elle est même particulièrement exposée, de par son statut d’itinérant. Il y a, en plus de l’héritage culturel, une certaine propension à accepter des débordements comportementaux : on est loin, à l’étranger, on forme une équipe, mieux, un équipage. La peur de l’isolement, de transgresser les codes établis font que traditionnellement, on tolérait des gestes un peu déplacés, une main sur une hanche, une proposition un peu salace au coin d’un office, ou encore la « bonne blague » racontée à son collègue avec l’accent du pays dont il est originaire.


En résumé, des comportements qui, s’ils peuvent paraître anodins, peuvent être pour autant constitutifs de ce que l’on pourrait qualifier d’humiliation ordinaire.

Responsabilité des employeurs


Au regard de la loi, l’employeur est lui aussi responsable du fait d’actes de harcèlement commis par ses préposés. L’absence de faute de sa part ne pouvant l’exonérer de sa responsabilité. En effet, l’employeur a une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité au travail.

  • En juillet 2008, huit organisations syndicales ont signé à Air France la « Charte de prévention des harcèlements au travail ». Elle prévoit entre autres choses, des formations en vue de prévenir le harcèlement dans l’entreprise. Malheureusement, depuis, peu d’actions concrètes ont été mises en oeuvre. On peut donc légitimement s’interroger sur la volonté réelle de l’entreprise de mener une politique offensive sur ces sujets.


En revanche, en devançant les directives gouvernementales qui incitent aujourd’hui les grandes entreprises à négocier sur ce sujet, elle a, à coup sûr, bien décoré sa vitrine sociale.

Le temps n’est plus à minimiser, voire à nier, ce sujet. Il est urgent que la compagnie forme ses personnels et fasse de la prévention en la matière, car rares sont ceux ou celles qui aiment sciemment faire souffrir leurs collègues et au-delà des conséquences judiciaires que cela peut avoir, c’est surtout générateur d’une réelle souffrance pour les victimes.

Nous préférons discuter en amont des moyens de prévention plutôt que d’avoir à discuter des sanctions appliquées par la direction ou, plus grave encore, par les juges.

 

Une législation d’inspiration européenne

Progressivement, le droit français intègre les évolutions initiées par les institutions européennes sur les thèmes du harcèlement et des discriminations.  Plusieurs directives européennes ont été transposées dans le Code pénal, le Code de la Sécurité sociale et le Code du Travail.

Si, parfois, cette « harmonisation sociale européenne » se traduit par une perte d’acquis sociaux au nom de la sacro-sainte concurrence économique, elle sait aussi de temps à autre faire preuve d’innovation. C’est le cas par exemple pour tout ce qui concerne l’égalité hommes/femmes, la violence au travail, le stress, la discrimination et le harcèlement.

Mais, ne soyons pas naïfs, ces « novations » sont moins altruistes qu’il n’y parait. Bien souvent, la réelle motivation du législateur est de mettre en oeuvre des dispositifs visant à protéger les employeurs d’une hypothétique responsabilité pénale. Plus simplement, protéger les patrons des salariés quand ils ont recours aux tribunaux. C’est pourquoi les entreprises s’empressent de négocier des accords ou des chartes sur bon nombre de sujets comme le harcèlement moral et sexuel, le stress au travail, la discrimination, (quitte à les oublier une fois signés).

La France n’a commencé à légiférer sur le harcèlement qu’à partir de 1992, en posant le principe de l’autorité du harceleur sur le harcelé, puis ce n’est qu’en 2002, qu’elle spécifie qu’il n’est plus besoin d’avoir autorité sur la victime. Le harceleur pouvant être un simple collègue, ou même un passager.

  • Article L1152-1 : Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.


Selon le Code pénal, le fait de harceler autrui est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Concernant le harcèlement sexuel, la définition est sensiblement différente :

  • Article L1153-1 : Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits.


Le Code pénal punit le harcèlement sexuel d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Pour la loi, des insultes et injures à connotation sexuelle, des paroles offensantes, humiliantes, des menaces, des gestes déplacés, des sanctions disciplinaires injustifiées, ou des agissements commis dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle constituent des actes de harcèlement. C’était pour rire…
  • « Un salarié accepte une restriction de sa liberté en signant son contrat de travail, mais cette liberté est restreinte juste pour le bon fonctionnement de l’entreprise ; elle ne doit pas être réduite lorsqu’elle touche à la personne elle-même et qu’elle sort du cadre de la mission contractuelle » - Gérard Lyon-Caen > expert français du droit du travail
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