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02 / 07 / 2009 | 4 vues
Groupe De Travail Acat / Membre
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Prévention du risque routier professionnel, une question de travail avant tout!

« Le risque routier est plus difficile à diagnostiquer que la plupart  des autres risques professionnels. Notamment parce que l’accident corporel de la route est rare dans le cadre du travail. Sauf que quand il survient, les conséquences sont graves » : c’est en ces termes que Stéphane Seiller, directeur des risques professionnels à la CNAMTS et président du Comité de pilotage national pour la prévention du risque routier professionnel, a introduit le colloque « Activité de conduite, activité de travail » du 18 juin dernier. L’occasion de
rappeler que la route est la première cause d’accidents mortels au travail. Il ne suffit pas d’édicter des chartes du bon conducteur, de s’assurer que les véhicules soient bien entretenus ou de financer des stages de conduite pour faire de la prévention.

« Une approche trop techniciste de la prévention atteint vite ses limites en matière de risque routier » - François Hubault, responsable scientifique du groupe de travail Acat

Au delà d’affirmer que l’approche préventive ne pouvait pas se limiter à la correction de la situation de conduite, mais devait s’élargir à une approche englobant l’activité professionnelle, les intervenants qui se sont succédés à la tribune ont tous estimé que
le le risque routier, bien que risque professionnel à part entière, présentait des spécificités le différentiant de risques plus « classiques » comme le risque chimique par exemple. « C’est l’interaction avec un environnement non prévisible qui est facteur de risque et non la voiture en elle-même. Une approche trop techniciste de la prévention atteint vite ses limites en matière de risque routier. Il faut être capable de décliner une nouvelle approche de la prévention qui intègre le modèle organisationnel de l’entreprise sans faire l’impasse
sur l’engagement subjectif qui va de pair avec la conduite », explique François Hubault, responsable scientifique du groupe de travail Acat, également directeur du département Ergonomie et Écologie de l’Université Paris 1.

Les retours d’expériences terrain des intervenants n’ont pas manqué d’étayer ces nouvelles dimensions de la prévention. Notamment au niveau de la pression qui s’exerce sur les salariés dans leurs tournées. « Les salariés d’un bureau de contrôle peuvent être contraints de ne pas suivre à la lettre les procédures en accélérant les visites lorsque les équipements sont quasiment neufs, par exemple. Ils font un pari. Voilà qui amène la question de la capacité des salariés à négocier l’organisation de leur travail lorsque le décalage entre le travail prescrit et le travail réalisé, ne peut être géré par les stratégies usuelles », souligne Thierry Fassenot, ingénieur conseil à la CNAMTS. Et ce dernier de rapporter une anecdote témoignant de ce décalage : « une entreprise demande à ses commerciaux de s’engager à ne pas téléphoner en voiture. Tant qu’ils n’ont pas signé le document, ils ne peuvent pas accéder à l’application informatique métier. Alors, bien entendu qu’ils signent mais, dans la pratique,  ils continuent de téléphoner en voiture car c’est le mode d’organisation même de l’entreprise qui l’exige. » « Un salarié qui estime qu’il perd son client s’il ne lui répond pas
alors qu’il conduit devrait pouvoir en discuter en réunion commerciale », illustre Louis Peralta, d’Ergonomie conseil et président du GP2R.

  • Des témoignages sont aussi remontés au travers des espaces de discussions du Miroir Social. Ainsi, Jean-Claude Delgenes, du cabinet Technologia rapporte l’exemple d’une entreprise de cosmétique employant 150 commerciaux à qui la direction a demandé d’espacer les visites des salons de coiffures afin de dégager du temps pour visiter de nouveaux clients :  « le chiffre d’affaires a commencé à chuter, les commerciaux payés au résultat ont commencé à s’affoler.  Pression maximale, montée des risques... La question se posait dernièrement de revenir au statu quo, c’est à dire avant la réforme pour laquelle les VRP n’avaient, bien entendu, pas été consultés.»

Toujours en matière de tournées, mais cette fois à la tribune, Laurent Van Belleghem d’Omnia intervention ergonomique a, quant à lui, partagé son retour d’expérience dans un
centre d’insémination pour bovins dont les techniciens interviennent dans les élevages avec une planification de l’activité qui se fait quasiment en temps réel : « on s’aperçoit qu’il ne sert à rien d’aller vite en voiture entre chaque intervention car c’est la qualité du geste
technique qui importe le plus. D’autant que le technicien doit revenir si l’insémination ne fonctionne pas.» Encore un exemple qui démontre à quel point l’activité de conduite se trouve au cœur de l’organisation du travail.

Convergence avec la prébvention des risques psychosociaux

Pour François Hubault, « il y a une convergence dans les approches de prévention des risques routiers et des risques psychosociaux. C’est en effet l’organisation du travail qui est avant tout facteur de stress. Dans les deux cas, une approche cognitive est indispensable pour se donner les moyens de comprendre des accidents. » Une dimension cognitive
qui balaie d’ailleurs bien au-delà du risque routier. Les préventeurs se retrouvent fort dépourvus quand il se rendent compte qu’une chute de plain pied survient, non du fait d’un manque d’éclairage ou d’une flaque d’huile mais à cause de la mobilisation de l’esprit du salarié un peu stressé par la préparation d’une réunion par exemple...

« Dans ces conditions, la majorité des salariés faisait les allers-retours, y compris pour les chantiers lointains et les chantiers de nuit, ce qui se traduisait par des prises de risques routiers évidents » - Vincent Jacquemont, ingénieur conseil chez Secafi

Dans son discours de clôture, Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail a insisté sur la nécessaire implication des médecins du travail et des élus du personnel sur le sujet de l’activité de conduite. Des élus qui peuvent se retrouver parfois dans des situations délicates comme le rapporte Vincent Jacquemont, ingénieur conseil chez Secafi sur
le groupe des discussions : « J’ai été confronté à un système pervers qui prévoyait une prime de découchée, mise en place pour faire accepter l’évolution du périmètre d’intervention, mais qui était versée à tous les salariés, y compris ceux qui, dans les faits, rentraient chez eux. Dans ces conditions, la majorité des salariés faisait les allers-retours, y compris pour les chantiers lointains et les chantiers de nuit, ce qui se traduisait par des prises de risques routiers évidents. La situation était connue de l’employeur, mais celui-ci
considérait avoir fait le nécessaire en prévoyant un découché et se déclarait nonresponsable de ce que fait le salarié « en dehors du temps de travail ». Pas évident dans cette situation de convaincre les élus du CHSCT de se battre pour mettre fin à ce système ».

La priorité du groupe de travail Acat vise désormais à faire remonter un maximum de pratiques en place dans les entreprises. Ses travaux s’inscriront dans les orientations du comité de pilotage pour la prévention du risque routier professionnel pour les années 2010-2012.

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