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26 / 11 / 2012 | 4 vues
Didier Cozin / Membre
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Sécuriser l’emploi ou les travailleurs ?

Depuis un mois environ et à la suite du sommet social de juillet 2012, les partenaires sociaux tentent de négocier sur la « sécurisation de l’emploi ».

Ces négociations sont périlleuses puisque, pour la première fois depuis l’après-guerre, elles ne pourront déboucher que sur une remise en question de certains avantages sociaux en France.

Le problème est que, dès l’intitulé, la question semble mal posé aux partenaires sociaux.

  • Est-ce l’emploi qu’il faut sécuriser en France ou plutôt les travailleurs pour qu’ils puissent trouver ou créer leur emploi ?

La flexisécurité, tant vantée du Danemark, ne sacralise pas comme nous l’emploi mais elle protège et sécurise en revanche les travailleurs (et pas nécessairement salariés d’ailleurs).

En France, nous avons tendance à croire que la case où rentre un travailleur (son poste de travail ou son emploi) est plus importante que la personne qui l’occupe. Peu importe le travailleur qui occupe un emploi, seul compterait le fait que cette case emploi soit vacante et puisse être « occupée » par un travailleur. Le travail serait donc une constante, un ajustement invariable où le travailleur devrait trouver sa place. L’organe crée la fonction dans notre mythologie sociale.

Cette manière de considérer l’activité et la création de richesses étaient peut-être pertinentes en 1960 quand l’emploi était massif, prévisible et durable mais aujourd’hui elle est artificielle et repose sur beaucoup d’erreurs et d’approximations.

La société industrielle décline en France depuis la fin des années 1970 (le premier choc pétrolier qui a été encaissé et réglé par les entreprises au prix d’une montée inexorable du chômage depuis cette période). Cette société industrielle présentait d'énormes capacités d’intégration et d’homogénéisation des habitants d’un pays et de ses classes sociales.

Elle intégrait tous les travailleurs sans discrimination : les étrangers, les femmes, les travailleurs peu qualifiés, les jeunes, les vieux... Tout le monde pouvait trouver sa place et le système de formation de l’Éducation nationale pourvoyait aux besoins prévisibles d'un monde qui évoluait lentement.

Tout change désormais en vitesse accélérée pour au moins quatre bonnes raisons.

  • Le travail est de moins en moins massif et généralisé. Il pourrait se réduire à mesure que la crise perdure. Nous ne verrons sans doute plus jamais ces créations ex-nihilo de milliers d’emplois dans une ville moyenne comme elles étaient pratiquées autrefois.
  • Il y aura encore du travail en France (services à la personne, maison de retraite, réparation et entretien, construction et bâtiments, restauration…) mais pas toujours aux conditions actuelles de rémunération et d’avantages sociaux dont bénéficient les salariés.
  • Le travail et la création de richesses deviennent des dynamiques : plus je travaille, plus je fais travailler d’autres personnes ou entreprises autour de moi (et inversement évidemment). Les pays comptant le plus d’emplois (Allemagne, Suisse ou Brésil, par exemple) sont ceux où la durée du travail est la plus longue. Il faudra travailler plus (et mieux) pour travailler plus nombreux.
  • Le travail et les entreprises sont devenus mobiles et exigeants. Plus aucune situation commerciale (pour l’entreprise) ou professionnelle (pour le travailleur) n’est acquise. Le client n’est plus captif, l’opportunisme règne entre les acteurs économiques et dans cet environnement mouvant, la stabilité professionnelle promise par le Code du travail est de plus en plus difficile à tenir.

 

L’âge d’or du salariat est peut-être dernière nous. En 1945, seuls 50 % des travailleurs étaient salariés (93 % en l’an 2000) et dans quelques années, nous pourrions revenir à un salariat minoritaire face à des millions de travailleurs indépendants vendant leurs services et leurs compétences.

Mais quelles sont aujourd’hui les huit compétences qu’il faut acquérir et entretenir pour sécuriser son emploi ?

Les 5 idées fortes et les 8 compétences pour sécuriser son travail :

  1. oublier les anciennes valeurs et les schémas du passé. Ce que nous savions de la société, de la politique et du travail, nos anciennes valeurs et croyances doivent être réinterrogées. Il importe que nos concitoyens cessent d’invoquer le passé pour refuser toute évolution, toute remise en question d’avantages devenus parfois des conformismes ou des tabous sociaux ;
  2. responsabiliser les citoyens des pays riches. Les habitants des nations développées doivent réapprendre à devenir autonomes. L’État demeurera mais il ne pourra accompagner et soutenir tout un pays. Il va donc falloir apprendre à se débrouiller seuls ;
  3. abandonner l’idée (et le discours) qu’on ne se réaliserait pas au travail. La société des loisirs étaient une utopie. Il faut désormais investir et s’investir beaucoup dans son travail. Sans ces efforts soutenus et continus pour se former, évoluer, construire sa route professionnelle, de nombreux travailleurs pourraient être définitivement marginalisés ;
  4. cesser d’emprunter pour (r)assurer notre pouvoir d’achat. Le crédit a été notre premier moyen pour « créer » de la valeur pendant les quarante dernières années. Ce crédit levier est en passe de se transformer en crédit massue. Emprunter c’était reporter à plus tard certaines décisions impopulaires ; désormais elles doivent être assumées et expliquées. Les politiques ne sont plus des Pères Noël ;
  5. être capable de rebondir, de changer, de renaître de ses cendres sans jamais faiblir ou se décourager. Autrefois, les guerres mettaient à bas les économies en Europe tous les 20 ou 30 ans. Ensuite, il s’agissait de reconstruire. Aujourd’hui, les guerres entre pays développés ne se font plus à coups de canons : les confrontations sont économiques et sociales. Les marchés sont les champs de bataille où nous mesurons nos forces. Quand un pays enregistre des déficits durables, c’est qu’il perd des batailles économiques, qu’il décline et qu’à terme il perdra son indépendance.

Dans cette nouvelle économie de la connaissance, huit compétences permettront aux individus de développer leurs capacités et savoir-faire, tout en sécurisant leur emploi.
La Commission européenne les a listées en 2005 :

  • la communication dans la langue maternelle,
  • la communication dans une langue étrangère,
  • la culture mathématique et compétences de base en sciences et technologies,
  • la culture numérique (informatique),
  • apprendre à apprendre,
  • les compétences interpersonnelles et interculturelles et les compétences sociales et civiques,
  • l’esprit d’entreprise,
  • la sensibilité culturelle.

C’est donc bien par la formation et l’apprentissage que nous pourrons sécuriser nos emplois et nos modèles sociaux. Il s’agit de réhabiliter les humanités pour tous, d’oublier un système trop hiérarchisé et figé pour restaurer le projet de Condorcet : permettre à chacun  d’être éduqué et formé tout au long de sa vie.

Tout passera bientôt par la formation et la connaissance et apprendre va devenir une activité essentielle pour les travailleurs.

Ceci ne pourra se faire sans d’importantes remises en cause : remise à niveau sociale pour le pays (on ne peut dépenser plus qu’on ne produit) mais aussi reconversions et changements professionnels pour les individus qui doivent être accompagnés par un État impulsant et accompagnant plutôt que gendarme contrôlant ou sanctionnant.

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votre analyse me semble tout à fait pertinente: raconter que l'on securise les emploi voudrait dire que l'on fige les marchés et les moyens d'y repondre. Cela est non professionnel sinon mensonger. il faut bien sur donner aux PERSONNES le moyens financiers et intellectuels de gérer leur destin personnel. je crois qu'il faut dire les choses le plus tot possible dans les affaires de licenciements economiques. C'est bien là que se place la premieres des responsbilités de l'Employeur. le code du travail l'exige d'ailleur. il faut aussi me semble t il eviter les plans sociaux à repétion. comme en matiére médicale une operation faire correctement donne au malade des possibilités de rebond dont le prive le succession d'opérations dont le terme est flou. l'emplpoyeur là aussi doit veiller à donner du sens. un ex DRH