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12 / 01 / 2022 | 57 vues
Bertrand Marche / Membre
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Transports : qui doit payer pour décarboner la route ?

C’est un sujet incontournable : les transports de demain devront être « décarbonés ». Des voitures électriques aux infrastructures, de nombreuses idées émergent. Mais qui va payer ? Les citoyens-contribuables, qui ont déjà du mal à boucler les fins de mois, ou les riches et les entreprises privées ? La réponse à adopter ne fait aucun doute lorsqu’on est à la recherche de justice sociale.

Décarboner la route est nécessaire mais a un coût


Le mot « crise » est partout, sur toutes les chaînes de télévision, depuis le début de la pandémie du covid-19. Mais la Bourse de Paris, elle, ne s’est jamais aussi bien portée. Elle bat même record sur record, ayant dépassé la barre des 7 000 points début novembre. « Je suis sûr, sûr, qu’on nous prend pour des cons, oui j’en suis certain… », chantait Tonton David. Il avait bien raison. L’État semble avoir les poches vides alors que l’argent coule à flots, en France. Il est donc grand temps d’aller le chercher là où il est, pour le bien commun. Car l’économie française doit se réinventer rapidement, entre agroécologie, circuits courts et décarbonation. En particulier celle des transports.

 

Promesses électorales
 

La Ve République est sclérosée par le monarchisme des élites (incarné par Emmanuel Macron) et il serait enfin temps de penser au bien-être du peuple, non à celui de la poignée de richissimes industriels qui dirigent nos gouvernants. Les thèmes de la campagne présidentielle sont imposés par les médias, comme l’identité française, l’immigration et l’insécurité, alors que les Français réclament qu’on leur parle de leur porte-monnaie et de leur qualité de vie. Ces sujets font écho à l’un des grands enjeux des années 2020 : la décarbonation de l’économie. Car il faudra bien avoir une planète sur laquelle vivre après 2050.

 

C’est Jean-Luc Mélenchon qui en parle le mieux. Le leader de La France Insoumise (LFI) n’est pas novice sur ces thèmes. Déjà lors de la campagne de 2017, il avait présenté plusieurs plans, axés par exemple sur les ports et le potentiel maritime français. Proposition qu’il reprend d’ailleurs cette année car susceptible de créer jusqu’à 300 000 emplois. Globalement, Jean-Luc Mélenchon mise tout sur la relance au service de la transition écologique. Ses principaux plans d’action sont la réindustrialisation par l’investissement, le rétablissement de plans de filières pour coordonner donneurs d’ordres et sous-traitants, clients et fournisseurs, la création de pôles publics dans l'énergie et les transports… Des projets financés sans augmenter les impôts ni creuser la dette publique mais en prenant l’argent là où il est.

 

Ces idées développées dans le programme intitulé L’Avenir en commun trouvent bien leur public, comme en témoigne un sondage Elab pour BFM Business, en novembre dernier. Parmi les mesures d’urgence préconisées par Jean-Luc Mélenchon, 88 % des gens interrogés soutiennent le blocage des prix de l’énergie et 81 % celui des prix des produits alimentaires. À plus long terme, plus de sept Français sur dix appuient l’interdiction du versement de dividendes aux actionnaires des entreprises ayant recours aux licenciements économiques, l’augmentation du SMIC à 1 400 euros nets par mois, le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), la renationalisation des autoroutes etc. Mais pour tout cela, il faudra envoyer la note au secteur privé, pas aux contribuables et c'est possible.

 

Train et route : deux stratégies différentes
 

Le secteur du rail est particulièrement intéressant car situé au carrefour de différentes industries, les unes créatrices de valeur, les autres vertueuses pour l’environnement. L’actualité n’est jamais bien loin pour illustrer ces pistes : la France Insoumise a examiné le dossier de l’aciérie Ascoval (Nord), dont une partie de la production était menacée de délocalisation. Jean-Luc Mélenchon, lui, voit dans cette activité une opportunité plutôt qu’une fatalité synonyme de chômage : « L’avenir est au vert pour cette filière industrielle [celle de l’acier]. En effet, le ferroviaire est un allié de la bifurcation écologique. À trajet équivalent, un train pollue 100 fois moins qu’un avion et 40 fois moins qu’une voiture. En France, le chantier est immense car les réseaux sont vétustes : les voies ont en moyenne 30 ans, les caténaires 40, les appareils de voies 29 et les appareils de signalisation 26. Il n’y a donc aucun mal à remplir le carnet de commandes. C’est déjà le cas. Ces derniers mois, Ascoval a multiplié sa production et son chiffre d’affaires par 5 ». Ce type de chantiers et de grand lifting reposeront donc sur la commande publique.

 

Pour le reste (c’est-à-dire le secteur routier et autoroutier), l’État devra mettre le secteur privé à contribution. À travers une écotaxe pour faire payer les pollueurs (cette logique vaut d’ailleurs autant pour le fret routier que pour le transport aérien), écotaxe visant notamment les transporteurs européens qui traversent le territoire français. Mais le gros morceau (celui de la décarbonation de la route) nécessitera surtout de nouveaux investissements privés, bien encadrés par l’État. Car cette décarbonation est devenue urgente et coûtera des dizaines de milliards d’euros ces quinze prochaines années et ce n’est pas à nous, contribuables, de payer la facture.

 

De quoi parle-t-on au juste quand on évoque la « décarbonation de la route » ? Cette stratégie regroupe principalement deux axes : le passage d’un parc automobile à moteur thermique vers l’électrique et de nouvelles méthodes de construction pour les infrastructures. Sur le premier volet, l’État a fixé un cap : fin de la vente de voitures à essence ou diesel en 2040, alors que d’autres pays européens se montrent plus ambitieux, comme la Norvège (2025) ou la Suède (2030). Là, les constructeurs français Renault et PSA vont devoir mettre les bouchées doubles, même si la tendance des ventes de véhicules électriques est à la hausse (+12,8 % par rapport à 2020). Toutes les aides à l’achat de ce type de véhicules (toujours financées par nos impôts) ne sont pas la solution : les constructeurs français doivent proposer des modèles moins chers. Mais, il reste encore auparavant à proposer suffisamment de bornes de recharge dans l’espace public et sur les aires d’autoroutes aux automobilistes. Pour cela, le gouvernement actuel fait avec des bouts de chandelle, maquillées en investissements massifs : le plan 100 000 bornes des ministres Jean-Baptiste Djebbari et Barbara Pompili ne suffit pas, avec ses 100 millions d’euros d’argent public. À l’État d’obliger les acteurs privés (qui se sont enrichis pendant des décennies grâce à l’exploitation des énergies fossiles polluantes) de mettre la main à la poche.

 

Même chose pour le second volet (celui des infrastructures). C’est à l’État de reprendre la main et d’imposer des cahiers de charges plus contraignants à l’égard des grandes sociétés qui gèrent les autoroutes françaises. Il a la possibilité de le faire, à travers l’Autorité de régulation des transports (ART). Sur ce point, Jean-Luc Mélenchon réclame la renationalisation des autoroutes (Marine Le Pen aussi), avant la fin des contrats de concession (à partir de 2031). L’idée est séduisante mais coûterait cher à l’État (entre 20 et 40 milliards, selon les estimations du Sénat) et donc à nous, via nos impôts. Où serait la justice sociale dans cette histoire ? Les bénéfices d’une telle opération resteraient très aléatoires au vu des investissements à réaliser dans les infrastructures dans les années à venir, qui se comptent en milliards d’euros.

 

L’État peut jouer sur d’autres leviers et s’appuyer sur les moyens légaux pour pousser les opérateurs privés à accélérer la transition vers la mobilité verte, sans pour autant augmenter le prix des péages. Il serait même possible de les rendre gratuits aux Français peu ou pas imposables en taxant davantage les hauts revenus. Les dix ans qui viennent vont être cruciaux : d’ici 2031 et la fin des premiers contrats de concessions, l’État a tout intérêt à inciter le secteur privé à investir massivement, d’autant qu’il récupèrera à ce moment-là la gestion du réseau (et toutes les infrastructures) pour rien. La route de demain sera décarbonée pour le bien commun de tous les Français et pour le bien de la planète. Alors autant faire payer ceux qui en ont les moyens...

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