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14 / 09 / 2021 | 865 vues
Hélène Fauvel / Abonné
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Responsabilité des comptables publics : mort sur ordonnance

Le 6 septembre dernier, alors qu’il répétait partout que le sujet n’était pas à l’ordre du jour du quinquennat, le directeur général des finances publiques a annoncé la fin programmée du régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics (RPP), y compris celle de caisse dont il était prévu qu’elle soit maintenue initialement, aux cadres de la DGFIP. À ce jour, outre la brutalité de l’annonce, nous pouvons une fois de plus déplorer l’absence totale de communication de sa part à la destination des organisations syndicales de la DGFIP.

 

Si un webinaire est prévu ce jour pour les principaux intéressés que sont les comptables publics, qu’en est-il des représentants élus du personnel ? Le dialogue social a décidément de beaux jours devant lui ! Le projet de loi d’habilitation permettant de légiférer par ordonnances doit être présenté en conseil des ministres, le 22 septembre prochain.

 

Partant du rapport Bassères, cet arrêt de mort de la RPP a mûri « en chambre » durant l’été et s’articule sur plusieurs axes :

  • passage à un système répressif remplaçant la RPP par une sanction sous forme d’amendes non rémissibles et non assurables, pouvant aller jusqu’à six mois de salaire et interdiction d’exercer les fonctions de comptable ou d’avoir la qualité d’ordonnateur pour une durée limitée ;
    • ce système serait uniquement actionné pour les fautes graves dont les conditions d’appréciation ne sont pas encore précisément définies ; 
  • pour toutes les autres fautes, une responsabilité managériale (dont on peine à ce stade à distinguer les contours) verrait le jour ;
  • réorganisation des juridictions financières sur trois niveaux : une cour avec des magistrats de la cour des comptes et chambres régionales, une cour d’appel (4 membres de la Cour, 4 du Conseil d’État et 2 « personnalités qualifiées  ») et le Conseil d’État en cassation ;
  • la prescription resterait acquise cinq ans après les faits ;
  • la séparation et la réquisition ordonnateur / comptable seraient maintenues ;
  • démarrage du nouveau système au 1er janvier 2023. 

 

Pour notre organisation syndicale, loin d'être exempt de tout reproche, le régime actuel de la RPP aurait pu faire l’objet d’une énième refonte mais ce qui est présenté ici est un véritable séisme abolissant un mécanisme qui avait su s’adapter à toutes les situations. En dépit de l’aridité technique d’un tel sujet, comme nous l’écrivions en février dernier, supprimer la RPP revient en réalité à réduire le contrôle des citoyens sur la gestion publique. Ce n’est certainement pas un hasard si la construction de la RPP et du contrôle juridictionnel remontent à la Révolution française.

 

Ce sujet devrait être au cœur d’un véritable débat public citoyen et ne doit pas être présenté, qui plus est dans l’urgence, comme un simple ajustement technique ou une simplification accessoire bienvenue.

 

Choisir de réformer la RPP par ordonnance, c’est empêcher le débat avec la représentation parlementaire. C’est évacuer l’expression des personnels concernés et de leurs représentants et, une fois de plus, c'est profiter de la crise sanitaire et davantage affaiblir la crédibilité de l’État, déjà malmenée.

 

Alors que le personnel de la DGFIP a tenu toute son rôle durant la crise sanitaire au service des citoyens, de l’État, des entreprises, des collectivités locales et des hôpitaux, prétendre que la RPP nourrirait une prétendue aversion au risque est tout simplement insultant.

 

En quoi la solution préconisée, basculant définitivement du jugement des comptes au jugement du comptable et substituant la recherche de coupable à l’exercice nécessairement régulé de la responsabilité, est-elle supérieure au dispositif actuel et pourra-elle garantir les conditions d’un meilleur contrôle d’une utilisation des deniers publics ? Comment continuer de trouver des candidats à l’exercice d’une telle responsabilité sans mécanismes d’atténuation ou d’assurance ?

 

Comment le nouveau système unifié de responsabilité répartira la part de responsabilité entre directeur général des services (DGS) de l’ordonnateur et chef de services de gestion comptable (SGC) en cas de sinistre, en évitant une mise en cause simultanée systématique ou, à l’inverse, la dilution totale de toute responsabilité ?

 

Si, comme on le prétend, il s’agit bien d’un renforcement de la responsabilité de l’ordonnateur jusqu’alors purement symbolique, pourquoi choisir de la faire reposer sur les DGS et/ou secrétaires de mairie ? Transformés en paratonnerres à élu, ces derniers sont-ils disposés à jouer ce rôle ?

 

Notre syndicat n’est pas dupe de cette opération de destruction d’un principe républicain majeur prévue, comme par hasard, pour 2023, à la pleine et entière instauration du nouveau réseau de proximité (NRP). C’est tout l’édifice comptable et financier de l’État que l’on cherche à fragiliser avant, sans doute, de pouvoir l’abattre.

 

Nous saurons prendre nos responsabilités face à cette attaque d’une ampleur sans précédent. Dans les jours qui viennent, notre organisation syndicale va s’adresser au Premier Ministre et à l’ensemble des groupes parlementaires par courrier et, avec toutes les forces disponibles, recherche déjà tous les moyens de combattre une décision lourde de conséquences pour les comptables et le personnel des finances publiques, pour l’avenir de la DGFIP et pour les capacités d’action de l’État et des collectivités locales, y compris hors période de crise sanitaire.

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Cette annonce suscite des réactions pour le moins diverses dans les rangs  des magistrats de la Cour des Comptes

Si le président de la Cour , Pierre Moscovici, se montre plutôt satisfait car il a le le sentiment suite, au rapport Bassères, d'avoir eu gain de cause sur les orientations qui s'y dessinaient pour la Cour, les avis des magistrats sont plus nuancés,( nombreux s'interrogeant sur la mise en oeuvre d'une réforme bien compliquée), mais aussi et  surtout du côté des Chambres régionales des comptes.

Le syndicat des juridictions financières a d'ores et déjà fait fait de ses vives inquiétudes  "sur la disparition du juge des finances publiques locales" et sur" l'affaiblissement programmé des Chambres régionales"...

Réforme de la responsabilité des gestionnaires publics
Dans l’opacité et la précipitation, deux cent ans d’histoire balayés

 


Le projet de loi de Finances pour 2022 comprendra une réforme du régime de responsabilités des gestionnaires publics en cas d’infractions ou de faute de gestion. Un projet de loi permettant de légiférer par ordonnance devrait être présenté au conseil des ministres du 22 septembre prochain.


A la suite des orientations données en comité interministériel pour la transformation publique sur la rénovation du régime de responsabilité des gestionnaires et des comptables, le ministre de l’action et des comptes publics avait commandité, en décembre 2019, une étude à Jean Bassères, Directeur Général de pôle Emploi et Muriel Pacaud, inspectrice des Finances. Leur rapport, rendu public le 15 décembre 2020, préconisait une grande réforme de la justice financière et la suppression de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics.Plusieurs axes étaient proposés : responsabiliser davantage les gestionnaires en les plaçant dans un cadre de gestion pluriannuel ; recentrer les contrôles ; abandonner le contrôle a priori sur les dépenses courantes et réformer en profondeur le régime de responsabilité des comptables, avec pour principale conséquence la suppression de la mission juridictionnelle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.

 

Si ce dernier point a été au final abandonné, cela est dû à la vive réaction de la Cour des Comptes rappelant les grands principes qui doivent encadrer le maniement de l’argent public. Par ailleurs, une réflexion sur des axes de réforme des juridictions financières (baptisée “JF 2025”) a été lancée depuis quelques mois par le Premier président, Pierre Moscovici.

 

Au final, la réforme présentée entérine la suppression de la responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP), à compter du 1er janvier 2023, tout en maintenant la séparation ordonnateur/comptable. Supprimer la RPP revient en réalité à réduire le contrôle des citoyens sur la gestion publique et cela substitue la recherche d’un coupable à l’exercice nécessairement régulé de la responsabilité.Il est à déplorer que les travaux menés cet été entre le gouvernement, l’inspection générale des Finances, la DGFIP et la Cour des Comptes, aient totalement occulté les organisations syndicales.Depuis plus de deux siècles, le régime de responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) des comptables a souvent été remis en cause mais il a largement démontré ses mérites, son efficacité et ses capacités d’adaptation, y compris en période de crise.

 


FO Finances a toujours réaffirmé son indéfectible attachement aux deux principes cardinaux de comptabilité publique que constituent la séparation ordonnateur/comptable et la RPP des comptables publics.Le contrôle juridictionnel constitue la mission première des juridictions financières, conférant un rôle de juge aux magistrats des juridictions financières.

 


FO Finances rappelle son attachement à la défense des missions qui permettent aux magistrats et aux personnels de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes, au travers d’une proximité indispensable, d’assurer le contrôle, la vérification de l’emploi des fonds publics ainsi que leur bon usage. Le projet prévoit le passage à un système répressif pour les fautes graves, remplaçant la RPP par une sanction sous forme d’amendes non rémissibles et non assurables, pouvant aller jusqu’à six mois de traitement et interdiction d’exercer les fonctions de comptable ou d’avoir la qualité d’ordonnateur.


FO Finances condamne cette volonté de vouloir réformer la RPP par ordonnance, une de plus, empêchant ainsi le débat avec la représentation parlementaire mais également avec les organisations syndicales.
Face à une attaque d’une ampleur sans précédent, la Fédération des Finances FO soutient ses syndicats de la DGFiP et de la Cour et des chambres régionales des Comptes, pour combattre cette décision lourde de conséquences pour les comptables, les personnels des finances publiques et des juridictions financières.