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21 / 08 / 2019 | 347 vues
Julien Picard / Abonné
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Réforme Pénicaud de l’égalité professionnelle femmes-hommes : mythe et réalité

Les ordonnances Macron de septembre 2017 marquent une régression en matière de parité femmes-hommes :

 

  • via un accord d’entreprise, elles permettent de repousser la périodicité de la négociation obligatoire sur l'égalité professionnelle à quatre ans (au lieu d’un an auparavant) ;
  • l’expertise d’assistance aux délégués syndicaux lors de cette négociation est désormais à la charge du CSE (sauf absence d’indicateurs fournis par l’employeur, hypothèse improbable). Avant les ordonnances, elle était intégralement financée par l’entreprise.
     

Ces deux dispositions sont particulièrement critiquables, dans un contexte où les disparités entre les deux sexes sont persistantes. Les sources officielles indiquent que, pour des temps complets, le salaire des femmes est inférieur de 18,6 % à celui des hommes ; la discrimination salariale pure est évaluée à - 9 %, à postes et compétences égaux.
 

Les évolutions défavorables inscrites dans les ordonnances n’ont pas empêché Emmanuel Macron de déclarer l’égalité entre femmes et hommes grande cause nationale du quinquennat. À l’appui de cette déclaration, la loi du 5 septembre 2018 et le décret du 8 janvier 2019 obligent les entreprises à publier un « index de l’égalité professionnelle femmes-hommes ». Concrètement, il s’agit d’une notation sur 100 points, dont les modalités de calcul sont détaillées dans les annexes des nouveaux articles D1142-2 et D1142-2-1 du Code du travail.

Modalité de calcul de l'Index (annexes aux articles D1142-2 et D1142-2-1)

 

L’idée de donner de la visibilité au comportement des entreprises est innovante et constitue indéniablement une avancée. Reste à savoir si l’index retenu par la loi est pertinent, question légitime vu que les organisations syndicales n’ont pas eu leur mot à dire sur le choix des indicateurs mentionnés dans le tableau précédent. En outre, de nombreux observateurs ont souligné que le dispositif prévu par Muriel Pénicaud officialise la notion de « seuil acceptable d’inégalité ». Il suffit en effet qu’une entreprise puisse se prévaloir d’une note de 75 points pour qu’elle soit réputée avoir respecté ses obligations en termes d’égalité professionnelle.
 

Or, ce seuil de 75 points peut être d’autant plus facilement atteint que des disparités flagrantes n’empêchent pas l’obtention de points. Quelques exemples :
 

  • si l’écart de rémunération hommes/femmes est supérieur à 12 % et inférieur ou égal à 13 %, l’entreprise bénéficie de 21 points. Ce score représente plus de la moitié du maximum prévu pour l’indicateur n° 1 et n’est pas disqualifiant pour atteindre les 75 points exigés ;
  • pour atteindre le score maximal de l’indicateur n° 2, il suffit qu’une proportion identique d'hommes et de femmes (à 2 % près) ait obtenu une augmentation individuelle, même si les augmentations des femmes sont largement inférieures à celles des hommes ;
  • une entreprise peut obtenir les 15 points de l’indicateur n° 4 sans respecter l'article L1225-26, selon lequel les salariées de retour de maternité bénéficient des augmentations générales et de la moyenne des augmentations individuelles attribuées pendant leur absence. Ainsi, un employeur peut satisfaire l’indicateur avec une hausse de 1 euro pour les femmes revenant de maternité, alors que, dans le même temps, l’augmentation moyenne des autres salariés est de 15 euros.
     

La première vague de résultats rendus publics illustrent notre propos. Les entreprises de plus de 1 000 salariés, qui étaient tenues de publier leurs index au 1er mars 2019, affichent d’excellents résultats, y compris celles qui font actuellement l’objet de recours massifs devant les tribunaux pour discriminations salariales à l’encontre des femmes.
 

Si l’on peut douter de la capacité de l’index gouvernemental à refléter les situations réelles, il a au moins le mérite de réactiver le débat sur l’égalité professionnelle femmes-hommes. Ce débat va se poursuivre puisque, le 1er septembre prochain, les entreprises de 250 à 1 000 salariés seront à leur tour appelées à publier leur index.

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